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Avril 2025,
En tant que lecteur de romans, j’ai mes préférences personnelles. Mais en tant qu’entrepreneur et investisseur, j’ai d’autres critères pour juger ce que produisent les professionnels de l’édition, un magnifique métier, notamment en matière de marketing. Etre éditeur consiste à identifier des créneaux de lecteurs aux spécificités bien comprises et à leur proposer des livres soigneusement calibrés à leur intention, afin qu’ils s’en déclarent satisfaits. Bien qu’exprimée ainsi cette réflexion puisse paraître d’une grande banalité, encore faut-il avoir conscience de ce qu’elle implique.
Le propos s’illustre par un admirable projet d’édition : la publication, à raison d’un volume par an, d’une série littéraire — peut-être même d’une saga… — consacrée à une famille française, sur une période allant de la fin de la dernière guerre jusqu’au début des années soixante.
Avec l’expérience, le produit s’affine. Astucieux, le découpage en courts chapitres, à l’instar des séquences d’un feuilleton ! Chacun peut ainsi lire à son rythme, sans être contraint à des pauses au milieu de nulle part. Pragmatique, l’agencement du texte en brefs paragraphes d’une ou deux phrases maxi, avant retour à la ligne ! Cela facilite la compréhension, comme lorsqu’on prend connaissance de courriers commerciaux ou d’instructions administratives.
Génial, surtout, d’en avoir obtenu l’écriture par un auteur célèbre, lauréat d’un prix Goncourt et, en même temps, réputé pour le suspense et les rebondissements de ses romans policiers ! Cela permet d’offrir au public de la « vraie » littérature, tout en l’assurant qu’il ne s’agira pas d’une lecture ennuyeuse.
Et donc, après Le Grand Monde et Le Silence et la Colère, Pierre Lemaitre a écrit Un avenir radieux, suite des aventures de la famille Pelletier, dans la France de la fin des années cinquante. Une famille terne, menant une vie terne, en une époque particulièrement terne.
Des années cinquante, on a presque tout oublié. Elles n’ont mérité le qualificatif de « glorieuses », que parce qu’il était alors facile de s’enrichir dans les affaires, même pour les incapables, comme Jean Pelletier et son épouse Geneviève avec leurs magasins de draperie. Je ne sais pas, d’ailleurs, si les faits et gestes caricaturaux de ces personnages sont censés être drôles ou enrageants, mais pour ma part, je trouve affligeante leur récurrence d’épisode en épisode.
C’était le temps de la Guerre froide : Occident proaméricain vs bloc de l’Est sous contrôle soviétique. Elle ne faisait pas tous les jours la une de l’actualité, mais il en était souvent question dans les romans et dans les films. L’auteur reprend le flambeau en envoyant François Pelletier à Prague, ex-Tchécoslovaquie ; prétexte à une intrigue inattendue au-delà du rideau de fer, manipulée par des services secrets français inspirés des romans d’espionnage de John Le Carré, sans en avoir cependant la saveur trouble et mystérieuse. Une intrigue toutefois bienvenue pour sortir Un avenir radieux de son ronronnement inconsistant.
Il y a un an, en refermant Le Silence et la Colère, j’étais résolu à ne pas lire le tome à venir. Mais peut-on faire l’impasse sur Pierre Lemaitre ? C’est comme ces feuilletons ou ces séries qu’on suit sur les écrans ; on est parfois déçu par un épisode, mais on attend quand même fidèlement le prochain. Et j’ai souvent dit qu’il valait mieux lire des livres insipides que ne pas lire du tout.
Un avenir radieux devait clore la trilogie Les Années glorieuses, mais il se murmure qu’un quatrième volume pourrait paraître en 2026. Guettons les accents wagnériens de cuivre et de percussion, qui annonceront l’élévation de la trilogie en tétralogie.
FACILE oo J’AI AIME… UN PEU