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Mars 2025,
Dans certains cénacles littéraires élitistes — dont je ne fais pas partie —, il se dit que Pierre Michon est l’un des plus grands écrivains français de sa génération. Pour juger le talent de cet homme de lettres, qui vit dans son village natal de la Creuse, je me devais de lire au moins l’un de ses livres. J’hésitais, je ne savais pas lequel choisir. L’occasion est enfin survenue avec la publication de son dernier ouvrage, J’écris l’Iliade.
Avant de se lancer dans la lecture, il faut prendre conscience que l’ouvrage, qualifié de « récit » en page de couverture, est en fait constitué de quatorze courts récits, des nouvelles indépendantes les unes des autres, toutes inspirées plus ou moins directement par la mythologie grecque…
… Plus ou moins directement, dis-je. La deuxième nouvelle, titrée Le rêve d’Homère, m’a effectivement plongé en pleine guerre de Troie. En revanche, dans la première, Hoplite, où l’auteur relate le souvenir réel ou fictif d’un voyage en chemin de fer dans les années soixante, j’ai cru comprendre qu’il avait entrevu l’image d’hoplites — des guerriers grecs armés pour la bataille —, après avoir été ébloui par l’aspect rutilant et agressif d’une locomotive à vapeur.
Les références à la mythologie grecque, qui vont d’ailleurs bien au-delà de l’Iliade, sont manifestes. Mais si l’essentiel était ailleurs ? Pour parler clair, ce qui relie l’ensemble des textes réunis dans J’écris l’Iliade, c’est avant tout ce que l’auteur et son éditeur appellent « l’érotisme », un érotisme dans lequel mon imagination et mes sens n’ont reçu ni suggestion ni stimulation, et que je qualifierais donc plutôt de « pornographie ». Une pornographie certes très littéraire, écrite dans une langue riche, foisonnante et lyrique, mais dont le sens des mots ramène presque systématiquement au sexe de la femme et à sa pénétration, comme un éternel fantasme d’adolescent.
Comment interpréter cette obsession ? L’auteur a quelques années de plus que moi. Les garçons de nos générations étaient en pleine puberté lorsque, entre deux bagarres à la récré, ils découvraient la mythologie grecque et sa statuaire dénudée : Achille et les héros ardents au combat, représentés tous muscles saillants devant Hélène admirative, sous l’œil de déesses, de demi-déesses et d’esclaves magnifiques, sculptées dans des poses pâmées, lascives, ou désespérées en cas d’enlèvement par Zeus ou Apollon, les deux séducteurs impénitents de l’Olympe. De quoi, pour certains, rester fascinés par la violence, qui serait la conduite obligée pour écarter les contradicteurs et pour posséder des femmes.
Que penser finalement de ce texte sublime, touffu, aussi déroutant qu’incommodant, dont la lecture — et la relecture de certains passages abscons en première approche — m’ont exigé concentration, persévérance… et parfois lutte contre l’ennui ? Que penser aussi du dernier chapitre et de l’autodafé titanesque de la grande bibliothèque des siècles et des mondes ?
De ce feu ravageur, l’on peut parler de mascarade, car les mémoires informatiques survivent aux pulsions destructrices des hommes, l’auteur étant d’ailleurs le premier à le reconnaître. Plus généralement, peut-être faut-il conclure qu’une table rase s’impose pour réécrire l’œuvre absolue qu’est l’Iliade, et pour que Pierre Michon, dont l’érudition et la qualité de plume sont immenses, rejoigne un jour Homère, Shakespeare et Borges au panthéon des poètes qu’il vénère. Un processus de destruction-reconstruction recommandé pour son efficacité sur soi-même.
Un dernier mot ; ce n’est sans doute pas demain que je serai admis dans les cénacles littéraires élitistes dont je parlais au début de ma chronique.
TRES DIFFICILE oo J’AI AIME… UN PEU