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Mai 2025,
Ambre Chalumeau est une jeune journaliste. Chroniqueuse culture dans l’émission Quotidien, elle s’y est fait remarquer par son esprit pétillant et facétieux, ainsi que par la diversité de ses pôles d’intérêt. Les Vivants est son premier roman. Je ne sais pas pourquoi je m’y suis engagé, car il ne correspond pas à mon genre de lecture — un sujet sur lequel je reviendrai. Je l’ai toutefois lu agréablement, je l’ai trouvé attachant, il m’a ému, il m’a fait sourire. Il m’a aussi rappelé ma jeunesse.
Inséparables depuis l’enfance, Diane, Cora et Simon passent tous les ans leurs vacances ensemble, en famille, au même endroit. Cette année-là, ils ont dix-sept ans et viennent d’obtenir leur bac. Moment charnière, choix décisifs, prise d’indépendance intellectuelle, affirmation du corps, libération des désirs, premiers pas vers l’âge adulte et les responsabilités.
Survient la rentrée. Brillante élève littéraire, Diane intègre une classe préparatoire d’élite et s’efforce d’en évaluer les exigences. Très jolie et victime d’un viol quelques années plus tôt, Cora cherche surtout à surmonter une souffrance qui bloque son épanouissement. Et pour Simon, tout s’arrête net ; frappé par un virus rarissime, il est à l’hôpital dans un coma profond.
Bouleversées par ce drame, Diane et Cora sont bien obligées d’avancer dans leur parcours personnel, où les embûches ne manquent pas. Mais les deux jeunes filles/jeunes femmes n’abandonnent pas leur ami, elles se rendent presque quotidiennement à son chevet. Elles se rapprochent ainsi de sa mère, Coralie, dont le couple bat de l’aile et dont les moments terribles qu’elle traverse aggravent la perte de repère.
Pour le personnage de Diane, Ambre Chalumeau s’est fortement inspirée d’événements qu’elle a réellement vécus. Et moi, par principe, j’évite les romans autobiographiques. Ils m’interrogent : pourquoi se met-on à raconter sa vie ? Est-ce pour partager une expérience heureuse ou malheureuse ? Pour régler un compte avec un proche ou avec soi-même ? Je n’ai pas la curiosité de m’intéresser aux secrets des autres, ils leur appartiennent et je ne me sens aucune légitimité pour m’y immiscer.
On me dira qu’à partir du moment où je ne connais pas personnellement l’auteur ou l’autrice, je pourrais faire abstraction de l’aspect autobiographique et considérer l’histoire racontée comme une fiction. Mais je préfère que la conception d’un roman résulte d’un exercice d’imagination, même si ce n’est pas, bien sûr, la seule qualité d’un texte narratif. La construction, le style de l’écriture sont essentiels.
Les Vivants est structuré en courtes séquences ni titrées ni numérotées, consacrées tour à tour à l’un des personnages ; les retours en arrière dans le temps sont fréquents, ce qui anime la lecture, dynamique et fluide, d’autant que la plume d’Ambre Chalumeau est légère, d’apparence naturelle, à l’occasion impertinente, à la manière de sa parole très spontanée. Maîtrisant parfaitement la syntaxe et disposant d’un vocabulaire riche, elle n’hésite pas à insérer des expressions du langage courant populaire propre à sa génération. Ses métaphores humoristiques parfois osées m’ont fait sourire. Elles permettent de relativiser la gravité des événements relatés et renforcent le message d’apprentissage de la vie que la jeune autrice prétend partager.
Au début du livre, lorsqu’elle prend connaissance de l’état d’inconscience permanente dans lequel Simon se trouve plongé, Diane se sent, par réflexe, choquée qu’un accident aussi brutal et injuste ne s’accompagne pas d’un arrêt du temps, d’une suspension des mouvements, d’une mise de côté des projets. Dans les dernières pages, un an plus tard, elle a compris que les drames et les malheurs surviennent inopinément, sans empêcher la terre de tourner ni chacun de nous d’y poursuivre son parcours personnel. Ils sont inhérents à la vie.
Ambre a la sienne devant elle et son talent de narratrice est incontestable. Voilà qui permet d’espérer un jour ou l’autre un excellent roman fondé sur une fiction.
FACILE ooo J’AI AIME