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Août 2025,
Il y a des promenades qui partent de nulle part, qui arpentent des sentiers plaisants, ouvrant sur de jolis panoramas et exhalant d’agréables senteurs, mais qui ne conduisent nulle part. Voilà ce que tu pourrais ressentir, lectrice, lecteur, en refermant Le Café sans nom. Son auteur, Robert Seethaler, est une figure de la littérature et du cinéma autrichien. Pour ce roman initialement publié en 2023, il a imaginé le quotidien d’un Viennois exploitant un petit bar, un café, dans le quartier populaire des carmélites (karmeliterviertel), en bordure du marché : un bar dépourvu d’enseigne, un café sans nom.
Pourquoi faudrait-il qu’un café ait un nom ? Adolescent, j’allais souvent jouer au flipper au café qui faisait l’angle de la rue P… et de la rue M… (ne cherche pas, il a disparu depuis), sans avoir jamais su comment il s’appelait. D’ailleurs, si c’est pour prendre le nom de Balto ou de Narval, comme il en existe des centaines, autant ne pas en avoir ; a-t-on jamais entendu donner rendez-vous au Balto, ou annoncer je vais boire un verre au Narval ? Pas mieux pour tous les cafés de la Poste ou de la Mairie de France… Pardon pour cette digression personnelle.
L’histoire du café sans nom n’en est pas vraiment une. Pendant ses dix années d’existence, les journées d’ouverture (fermeture hebdomadaire le mardi) se suivent et se ressemblent, animées par une clientèle de fidèles : des gens modestes, habitants du quartier, travailleurs locaux. S’y joignent de temps à autre des inconnus de passage, dont les comportements révèlent les démons personnels : échec, solitude, harassement, alcool, drogue, prostitution… Les anecdotes, amusantes, émouvantes ou dramatiques, rompent la monotonie du quotidien.
L’histoire du patron prend le pas sur celle du café. Lors de sa surprenante décision de rouvrir un ancien café en friche, Robert Simon est un ouvrier journalier polyvalent très qualifié ; il offre ses services aux commerçants disposant d’installations fixes sur le marché. C’est un homme simple, manuel, attaché au travail bien fait, mais presque insignifiant ; son patronyme est tellement neutre, à son image, que tu en arriveras, lectrice, lecteur, à ne plus te rappeler si Simon est son nom ou son prénom.
Foncièrement bienveillant, Simon s’intéresse sincèrement aux petites gens de son entourage, à celles qui fréquentent son café, bien sûr, mais pas seulement ; il veille notamment sur la veuve de guerre qui lui loue une chambre et lui délivre des conseils avisés. Empreint au début d’une certaine gaucherie, l’homme acquiert au fil des années une sorte d’autorité morale et empathique. Son quotidien ne se limite toutefois pas à observer. Responsable d’un débit de boisson, il doit surmonter de nombreuses embûches administratives ou techniques.
Probablement comme l’auteur, Simon se sent à l’aise dans ce quartier déshérité de Vienne, en pleine reconstruction et transformation à la fin des années soixante. Un faubourg toutefois bien éloigné du centre-ville flamboyant où se pressent aujourd’hui les touristes du monde entier. La ville et ses habitants sont marqués par l’histoire. Capitale de l’Europe à l’aube du vingtième siècle, Vienne s’était affalée dans le nazisme, avant d’être bombardée, détruite, puis occupée par les armées alliées de l’Ouest et de l’Est, pour finalement tomber dans la grisaille d’un lieu pivot de la guerre froide.
Les premiers chapitres du livre donnent une étonnante impression de classicisme ingénu ; des phrases courtes, sujet-verbe-complément, un vocabulaire simple, des personnages sans lustre, des détails terre à terre, en particulier sur les gestes du travail manuel ; des scènes banales ressemblant à de la littérature jeunesse. Peu à peu, avec l’enracinement du café dans son quartier, avec la modernisation de la ville, avec la montée en confiance en soi de Simon, les phrases s’allongent, le texte prend de la densité, et l’auteur déploie ses qualités d’écrivain, notamment lorsqu’il restitue, comme pris sur le vif, des échanges qu’on ne pourrait mieux qualifier que de « café du commerce ».
S’écartant des archétypes romanesques, l’auteur s’est attaché à trouver une raison d’être à tous les petits cafés du coin de la rue, il s’est efforcé de dépeindre avec lucidité et tendresse l’existence sans merveilleux des habitants d’un quartier populaire. Le Café sans nom est un livre sympathique, plaisant à lire… pas inoubliable pour autant.
FACILE ooo J’AI AIME
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