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Mars 2025,
Auteur d’une vingtaine de romans, tous publiés par les Editions de Minuit, lauréat de plusieurs prix littéraires, dont un Médicis et un Goncourt, Jean Echenoz a mené depuis quarante-cinq ans un parcours d’écrivain atypique. Peu connu du grand public, il est très apprécié dans les cénacles de la littérature francophone. Après Vie de Gérard Fulmard, qui date de 2020, son nouveau roman, Bristol, vient de paraître.
Bristol – Robert de son prénom — est le nom du personnage principal, un cinéaste qui compte à son actif une douzaine de films. Aucun n’a vraiment rencontré le succès, même si l’un d’eux a valu à son réalisateur « un Clap de bronze aux Journées cinématographiques de Panazol »… Le livre s’ouvre à Paris par la chute d’un corps nu s’écrasant sur le trottoir à quelques mètres de Robert Bristol, qui n’y prête pas attention. Il faut dire que son esprit est absorbé par la préparation du tournage de son nouveau film, une adaptation d’un ouvrage fameux de la célèbre romancière Marjorie des Marais, Nos cœurs au purgatoire. Le titre du film sera finalement changé en L’Or dans le sang, « que la production, au vu de la copie de travail, et foutu pour foutu, trouvera plus vendeur » que le titre d’origine…
Voilà qui te donnera, lectrice, lecteur, le ton de la narration : tout est parodique et loufoque dans Bristol. Le roman rapporte les mésaventures du réalisateur, de ses acteurs et de ses techniciens, lors du tournage en Afrique australe, très précisément au Botswana, « à Bobonong, chef-lieu du sous-district de Bobirwa, dans le bassin versant du Limpopo » (on se croirait dans un poème de Georges Fourest). Pour l’essentiel, les tribulations de l’équipée se poursuivent à Paris, dans l’immeuble où habite Robert Bristol, que la police soupçonne d’être impliqué dans la défenestration de son voisin du dessus, évoquée à la première page du livre et dans le précédent paragraphe de ma chronique.
C’est une habitude chez Echenoz, les personnages sont des losers, des tocards, des êtres en perdition, un peu vains et dérisoires dans leurs tentatives désordonnées de sauver la face, à l’occasion de péripéties souvent abracadabrantesques.
L’écriture est superbe. Par sa maîtrise de la langue, de la syntaxe et du vocabulaire, l’auteur parvient à s’abstraire des règles littéraires courantes et à oser toutes les fantaisies, comme mêler dialogues et narration, changer de narrateur au beau milieu d’une phrase, ou introduire une digression incongrue inspirée de lieux communs. Des variations de rythme souvent inattendues, donc surprenantes, qui relancent l’agrément de la lecture.
L’auteur a aussi la manie d’insérer des mots rares au sein d’assertions d’une absurde banalité. Ces mots rares, lectrice, lecteur, tu as peu de chances de tous les connaître, à moins que tu ne sois spécialiste à la fois de psychologie, de philosophie, de cinéma, de faune, de flore, de technologies de pointe, que sais-je encore ! Mais rassure-toi, — sauf curiosité irrassasiable —, il n’est pas forcément utile de t’aider d’un dictionnaire, ces mots inconnus font plutôt partie d’un décor de mise en scène et ils ne perturberont pas ta bonne compréhension du texte.
Le livre est court, à peine plus de deux cents pages, une trentaine de chapitres distribués sur trois parties, la dernière, très brève, clôturant sans crier gare des intrigues, dont il serait injuste de prétendre qu’elles n’ont ni queue ni tête, parce justement elles en ont plusieurs. A l’occasion, écoute et regarde une interview de l’auteur en vidéo, voit son œil malicieux de pince-sans-rire. Cet homme a de l’humour, il a le sens de l’absurde, il s’est certainement amusé à écrire Bristol, un authentique exercice de style. Le livre est drôle, sa lecture est très distrayante. Alors, pourquoi s’en priver ?
GLOBALEMENT SIMPLE oooo J’AI AIME BEAUCOUP