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Mai 2025,
Chez l’écrivain espagnol Victor del Arbol, noir, c’est noir. Les histoires qu’il conçoit et raconte sont même de plus en plus noires avec les années. Dans Personne sur cette terre, qui vient de paraître, il brasse pédocriminalité, narcotrafic international, meurtres, tortures, viols, corruption au plus haut niveau, trahisons, dénonciations, vengeances, sans oublier, comme dans ses derniers ouvrages (*), quelques relents de rancunes remontant à la dictature franquiste et jusqu’à la guerre civile des années trente. De quoi ressentir comme un malaise à la lecture !
Les événements fictifs de Personne sur cette terre prennent place en 2005, entre Barcelone et la côte atlantique nord-ouest de l’Espagne, un endroit servant historiquement, selon l’auteur, de porte d’entrée en Europe pour la drogue en provenance du Mexique. L’intrigue découle en partie de drames qui se sont déroulés une bonne trentaine d’années plus tôt sur cette même côte galicienne. De chapitre en chapitre, en cinq parties savamment ordonnées, Del Arbol jongle avec les époques, les entremêlant par le jeu des mémoires. Selon son habitude, sa narration est construite comme un puzzle dont il est le seul à connaître l’image finale, laquelle ne se révélera totalement à toi, lectrice, lecteur, que dans les dernières pages.
Pour comprendre la logique infernale et complexe des péripéties, attention à ne pas se perdre entre les nombreux personnages. Trois d’entre eux occupent une place essentielle.
Dès le prologue, un homme sans identité affiche son statut de tueur à gages. Tout en assumant ses contrats sans états d’âme jusqu’au bout — ou presque —, il joue un étrange double rôle de narrateur et de commentateur. De ses yeux noirs glaçants, il observe avec une philosophie mâtinée d’une pointe d’humour (noir, bien sûr) les événements et les réactions des personnages. Comment en arrive-t-il à les connaître aussi bien ? Il donne la réponse dans l’épilogue, rappelant que tout est littérature.
Dans sa vocation de justicier, de « Vengeur masqué » ou d’« inspecteur Harry » doutant parfois de parvenir à ses fins, Julián Leal, un policier de quarante ans, suscitera ta sympathie, lectrice, lecteur. Ses yeux sont verts et lumineux, il est humaniste et honnête, mais c’est aussi un homme comme les autres et à ce titre, il a eu la faiblesse de perdre un instant la maîtrise de ses nerfs. Dissimulant de surcroît depuis longtemps un terrible secret personnel, il espère pouvoir régler des comptes qui lui tiennent à cœur, en dépit de deux très lourdes menaces pesant sur lui.
Quelle que soit leur détermination, ces deux hommes se sentiront désarmés face à une jeune femme séduisante nommée Clara. Ancienne junkie, de retour d’un épouvantable enfer vécu au Mexique, elle cherche à se reconstruire et détient, à son corps défendant, de quoi déclencher un scandale phénoménal dans les institutions régaliennes de l’Espagne.
Le récit de certaines actions est dérangeant, mais au fil des chapitres, la lecture devient captivante, addictive. Tu éprouveras, lectrice, lecteur, l’envie frénétique de voir les zones d’ombre se dissiper, les pièces du puzzle s’assembler, et de comprendre l’imbrication des actes commis. Tu attendras aussi avec impatience de connaître la fin que l’auteur aura réservée aux protagonistes.
Le langage adopté est en phase avec la vocation de thriller et de polar noir de l’ouvrage. Il laisse par instant place à un lyrisme sombre, pour décrire des lieux qu’on ne peut alors imaginer autrement qu’en noir et blanc. Les personnages sont rongés par leurs craintes, leurs rancunes, ainsi que par leur conscience ou leur absence de conscience du Bien et du Mal. Certaines scènes sont spectaculaires, notamment un face à face haletant entre le tueur et le policier, tous deux leur flingue en main ; un duel virtuel à huis clos dont la dramaturgie n’a rien à envier aux duels de westerns les plus fameux.
(*) Romans de Victor del Arbol déjà lus et critiqués : Toutes les vagues de l’océan, Par delà la pluie, Le fils du père.
GLOBALEMENT SIMPLE ooooo J’AI AIME PASSIONNEMENT