Avril 2022,
Louise Erdrich est une écrivaine américaine née en 1954. Par sa mère, elle est issue d’un peuple autochtone, les Chippewas. Elle participe activement au mouvement littéraire de la Renaissance amérindienne et la plupart de ses romans et de ses poésies sont inspirés par ses racines.
Son roman The night watchman est diffusé en France sous un titre plus subtil, Celui qui veille ; j’y reviendrai. Il s’insère dans un épisode réel des relations complexes entre les institutions fédérales des États-Unis et la minorité amérindienne. En 1953, le Congrès manifesta son intention de révoquer des traités passés au XVIIIe siècle entre la nation des Etats-Unis et les tribus indiennes. Il voulait mettre un terme (« termination ») au statut spécifique dont disposaient les Amérindiens au sein de réserves territoriales, afin de les « émanciper » et d’en faire des Américains comme les autres. Une option politique assumée par une droite très conservatrice, guidée par la volonté de libérer l’Etat fédéral de contraintes coûteuses et de remettre sur le marché les terres qui leur avaient été concédées. Les mesures pouvaient se présenter sous un angle humaniste, puisqu’elles se targuaient de valoriser la dignité des Amérindiens en reconnaissant leur aptitude à s’intégrer dans la société américaine sans dispositions pouvant s’apparenter à de la discrimination positive. Dans les faits, cela condamnait cette communauté, pauvre et sous-éduquée, à une dispersion en périphérie des grandes villes et à une misère pire que celle qu’elle vivait dans les réserves.
Les Amérindiens tenaient aussi à leur identité et à leur culture. L’un des deux personnages principaux du roman, Thomas Wazhashk, est directement inspiré du grand-père de l’auteure. Il exploite sa petite terre familiale à Turtle Mountain et pour améliorer l’ordinaire de ses proches, il travaille comme veilleur de nuit dans une usine locale. Un petit boulot qui, bien sûr, explicite le titre originel du livre, bien qu’il n’ait rien de stratégique en lui-même. Les plages de temps libre qu’il procure à Thomas entre deux rondes lui permettent de se consacrer à la présidence de la communauté tribale des Chippewas de sa région, de veiller ainsi sur les siens, une fonction qui le prive d’heures de repos et l’expose, l’âge venant, à des accidents de santé.
L’autre personnage principal est la nièce de Thomas, une toute jeune femme séduisante et vive d’esprit, nommée Patrice ou Pixie. Elle s’initie à la vie adulte, se mobilisant activement au service de sa famille, puis de sa communauté, découvrant aussi les pièges qui guettent une jeune Amérindienne naïve lorsqu’elle se rend pour la première fois dans une grande ville. Cela ne l’empêche pas, de retour à Turtle Mountain, de slalomer autour des désirs des hommes, traçant le profil idéal de celui avec lequel elle pourrait le moment venu construire sa vie.
Autour de Thomas et Patrice apparaissent de nombreux personnages de la tribu ou vivant à proximité. Ils sont secondaires, mais l’auteure les met largement en scène dans de courts chapitres récurrents, s’étendant sur leurs modes de vie, leurs états d’âme et leurs fantasmes les plus personnels. On peut qualifier cela de procédé littéraire polyphonique, mais un joli mot n’est pas forcément synonyme de confort ou de plaisir de lecture. Les pages qui leur sont consacrées font appel à des imaginaires très spécifiques, issus de la spiritualité amérindienne et de la tradition orale des tribus. Malgré quelques passages baignés d’humour et de poésie, je les ai trouvées ennuyeuses et je me suis interrogé sur leur intérêt dans l’intrigue… Une lecture infiniment longue, pendant laquelle j’en suis même venu à me demander s’il y avait une intrigue…
Le récit n’a commencé à accrocher mon intérêt, que dans ses cent ou cent cinquante dernières pages, lorsqu’il aborde enfin la préparation de la délégation venue du Dakota du Nord à Washington, s’opposer au Congrès à la résolution de termination et défendre la persistance des maigres privilèges de la tribu de Turtle Montain.
La dignité et l’élégance des personnages du roman suscitent l’estime et la sympathie. Mais je me demande si les jurés du dernier prix Pulitzer de la fiction n’étaient pas résolus d'avance à honorer l'ouvrage d’un auteur amérindien.
DIFFICILE oo J’AI AIME… UN PEU