Juin 2021,
Changer l’eau des fleurs m’avait plu et c’est donc en toute confiance que je me suis lancé dans Trois, le nouveau roman de Valérie Perrin. Mais autant j’avais abordé le premier avec un préjugé défavorable avant de trouver plaisir à le lire, autant ce fut l’inverse avec Trois. Mon a priori bienveillant s’est peu à peu dissous tout au long – très long ! – des deux cents premières pages. L’auteure y entretient savamment le flou, un parti assumé que certains trouveront ennuyeux, avant de donner enfin un rythme à l’histoire. Mon intérêt s’est alors réveillé, il était temps.
Avec ses six cents pages, Trois pourrait se lire en roman-feuilleton ; une saga qui prend place dans un village de Bourgogne et qui s’étend sur trente années. A la rentrée scolaire 1987, une petite fille et deux petits garçons, Nina, Adrien et Etienne, se prennent par la main et s’engagent dans une relation d’amitié très intime, du genre à la vie à la mort. Une relation qui sera entrecoupée de doutes, de brouilles et de malentendus. Quand ils se retrouvent en 2017, les désormais quadragénaires ne se sont pas parlé depuis une quinzaine d’années, sans avoir pour autant cessé de penser les uns aux autres, avec dépit, fascination et affection.
Leur belle histoire s’est gravement fracassée en août 1994. Un drame soudain pulvérise la sérénité de leur relation. Ils ont dix-sept ans. Dans la foulée, tout va changer dans leur vie. Pour Nina, c’est la première fois avec Emmanuel, tandis que pour Etienne, c’est la dernière avec Clotilde. Quant à Adrien, c’est encore une autre affaire ! La narration trouve enfin la dynamique qui m’avait manqué.
L’architecture du roman est complexe, les intrigues sont multiples et pourtant, on ne s’y perd pas. Auprès de Claude Lelouch, Valérie Perrin est devenue experte en élaboration de scénarios et en montage de plans imbriqués en puzzle. Dans Trois, l’enchainement des événements et les attitudes des personnages sont d’une cohérence infaillible. Il en est de même pour leur restitution dans une double narration entrecroisée. L’une est le fait, en décembre 2017, d’une étrange narratrice dont on n’a pas fini de découvrir les secrets. L’autre, en contrepoint, trace le parcours daté de Nina, Adrien et Etienne, de 1987 à 2003. Tout cela est très bien fait.
L’une des clés du roman repose sur ce qui s’est réellement passé le 17 août 1994. Le suspense est préservé jusqu’au bout et je défie quiconque d’avoir subodoré la vérité.
Reste l’écriture, moins littéraire, moins léchée que dans Changer l’eau des fleurs. Dans Trois, l’auteure adopte un style que je qualifierais de fleur bleue. Il est vrai que son précédent roman avait été perçu par de nombreuses lectrices – je dis bien lectrices – comme un manifeste feel-good. Une tendance lourde de la littérature actuelle à laquelle je ne souscris pas, mais qui avait probablement permis à l’auteure de s’attacher un lectorat auquel elle a souhaité rester fidèle : un public de lectrices qui cherchent à s’identifier à des personnages féminins, en partageant leurs espoirs et en s’apitoyant sur leurs déceptions.
Valérie Perrin aime aussi surfer sur les sujets dans l’air du temps, ce qui lui permet en même temps d’afficher son empathie pour une femme harcelée par un mari despotique ou pour un personnage devant assumer sa transidentité. Sans oublier son militantisme animaliste, qui l’a conduite à placer une partie de l’action du roman dans un refuge de la SPA.
Le livre est conçu de façon très intelligente à destination d’un public bien ciblé. Un public dont je ne fais pas partie, mais je salue le professionnalisme de l’auteure. J’ajoute qu’en dépit de mes réserves et après un début laborieux, j’ai trouvé Trois plutôt agréable à lire.
GLOBALEMENT SIMPLE ooo J’AI AIME