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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Academy street, de Mary Costello

Publié le 14 Octobre 2015 par Alain Schmoll

Octobre 2015

On m'a clairement fait remarquer récemment que les femmes et les hommes n'avaient pas les mêmes lectures, tout sexisme mis à part. Loin de moi l'intention de généraliser mon avis de lecteur masculin, mais peut-être Academy street est-il un livre pour femmes...

C'est un roman affreusement triste... Je l'ai lu par un sublime week-end de septembre, ciel bleu, soleil éclatant ; quelle chance ! Je n'ose imaginer le spleen dans lequel mon esprit gémissant aurait sombré si je l'avais lu sous un ciel bas et lourd...

C'est l'histoire de la vie d'une femme, Tess, en Irlande puis à New York. Le livre s'ouvre par la mort et les obsèques de sa mère, quand elle a sept ans ; ça commence bien ! Je dois toutefois reconnaître que ces premières pages du roman, où l'auteur nous décrit les réactions d'une petite fille qui observe les événements sans en saisir pleinement la mesure, sont émouvantes et attendrissantes.

Pendant soixante ans, Tess, petite personne craintive, introvertie, soumise à la fatalité et à la religion, va passer de malheurs en désillusions, de deuils en trahisons. Ça m'a rappelé les romans préromantiques au programme du bac à mon époque, où héros et héroïnes contaient leurs mésaventures tragiques en les ponctuant d'expressions comme : ... Et je versai des torrents de larmes !

D'ailleurs, Tess, à un moment de sa vie, se réfugie dans la lecture. Cela lui permet de se sentir en empathie avec des personnages de romans, de trouver de l'espoir dans leurs destinées heureuses ou de se complaire dans le partage de leur malheur.

Et bien voilà un public pour ce livre ! Academy street est un roman pour ceux – pour celles (?) – qui, comme Tess, cherchent dans la lecture des occasions de verser des torrents de larmes.

FACILE     oo    J’AI AIME… UN PEU

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Un homme effacé, d'Alexandre Postel

Publié le 24 Septembre 2015 par Alain Schmoll

Septembre 2015

Un Homme Effacé d’Alexandre Postel conjugue les traits du roman policier, du roman naturaliste et du conte philosophique. Ce n’est pas sans raison qu’il a obtenu le Goncourt du premier roman en 2013.

Le livre relate des évènements survenus dans l'environnement d'une université de province, fonctionnant à l'américaine, avec enseignants et chercheurs résidant en périphérie, dans un cadre verdoyant et arboré.

Voilà qu'on découvre une multitude d'images pédopornographiques dans l'ordinateur personnel d'un professeur de philosophie, Damien North, un homme effacé, et surtout introverti, solitaire et manquant de confiance en lui.

Ça tombe mal pour lui. La criminalité pédophile est en hausse dans le pays. Le gouvernement est activement mobilisé sur le sujet ; une échelle d'Abel permet d'évaluer le niveau d'obscénité des images pédopornographiques ; un fichier Télémaque enregistrera bientôt les agissements de toute personne en contact avec des mineurs ; un mystérieux projet Tirésias est en préparation pour supprimer les risques de récidive, "avec plus d'efficacité que la castration chimique". Diable !

North est en état d'arrestation, puis inculpé. La presse et l'opinion publique locales s'acharnent sur cet homme jugé bizarre, membre de l'élite intellectuelle et sociale (il est le petit-fils d'un héros national) dont il est bien établi qu'elle se croit tout permis ! Son avocat lui recommande de plaider coupable et d'exprimer ses regrets. La justice poursuit son chemin, implacable. Son entourage doute de lui. Il est accablé.

Il faut dire que North se comporte et s'exprime avec maladresse. Il se montre agressif avec les hommes, rougit devant les femmes, répond par le mépris aux questions qu'il estime stupides, et surtout tente de manipuler les "experts" chargés de l'évaluer. Il finit ainsi par présenter tous les symptômes de la culpabilité.

Roman policier, Un Homme Effacé est captivant par son enchaînement oppressant de péripéties bien orchestrées et – heureusement ! – ses coups de théâtre inattendus, jusque dans l'épilogue.

Roman naturaliste, il analyse avec pertinence les psychologies et les comportements actuels – Oh, l'abomination des commentaires anonymes sur la presse internet ! Tout cela est finement décrit et joliment écrit, avec quelques pointes d'humour amer – où un steak tartare dégusté par un avocat corpulent devient un régal.... pour le lecteur.

Conte philosophique, il donne la parole à des intellectuels : Damien North, auteur d’un ouvrage sur l'optique dans la philosophie, explique qu'il est victime d'un phénomène analogue à la persistance rétinienne : nos cerveaux ne perçoivent pas les courts signaux infirmant nos opinions, qui deviennent donc des croyances définitives, d’autant plus définitives, selon un autre universitaire du roman, quand ces croyances correspondent à des fictions populaires – disons même populistes. Facile ainsi pour un manipulateur de semer insidieusement les ingrédients d’une fiction qui donnera d’un homme effacé l’image d’un criminel.

GLOBALEMENT SIMPLE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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Retour à Killybegs, de Sorj Chalandon

Publié le 4 Septembre 2015 par Alain Schmoll

Août - Septembre 2015

Ce livre a tout pour plaire aux amateurs de thrillers et de romans d'espionnage. Inspiré d'une histoire vraie, il retrace la vie tumultueuse – vue et racontée par lui-même – de Tyrone Meehan, Irlandais, catholique, activiste de l'IRA, l'organisation terroriste des indépendantistes (*).

Dans les années 30, à Killybegs, petit port de pêche où il est né, son père lui transmet son flambeau de militant indépendantiste et sa haine des britanniques. La famille s'installe ensuite à Belfast dans un quartier déshérité où les catholiques sont relégués et où ils sont soumis aux provocations des milices unionistes protestantes ainsi qu'aux tracasseries quotidiennes de l'armée et de la police.

Remarqué pour son engagement de jeune militant, Tyrone Meehan intègre l'IRA et pendant 40 ans participe à des opérations armées de toutes natures : manifestations violentes, attaques d'équipements publics, combats de rue, opérations de représailles. Devenu un officier important, il ne transige pas avec les "lois" de l'IRA et n'hésite pas à châtier impitoyablement les contrevenants. Il fait plusieurs séjours en prison dans des conditions très éprouvantes qu'il surmonte avec courage. Son cursus et quelques "faits d'armes" spectaculaires lui valent un statut de héros respecté dans le microcosme indépendantiste.

Une maladresse tragique et sa conséquence inattendue vont le contraindre, à partir de 1980, à infléchir sa trajectoire. En 2006, à la fin de sa vie, rejeté par ses compagnons de lutte qui l'accusent de les avoir trahis et d'être manipulé par les britanniques, Tyrone Meehan revient à Killybegs affronter son destin.

 

Grand reporter, Sorj Chalandon écrit ses romans comme des chroniques de guerre. Dans Retour à Killybegs - comme dans Le Quatrième Mur, paru plus tard - il ne cache rien de la violence extrême et de l'horreur insoutenable quotidiennes dans les conflits communautaires qui ensanglantent certaines régions.

Le style de l'écriture est haché, les phrases sont brèves, donnant le sentiment d'une atmosphère irrespirable, assortie au tragique des événements. Dans la seconde partie du livre, plus intellectualisée, l'écriture est plus fluide.

Le récit met en évidence les processus mentaux qui font qu'en Irlande comme ailleurs, les germes de haine sont transmis de père en fils, avant de se développer, fertilisés par les enchainements de provocations et de répressions qui constituent le quotidien des activistes de chaque bord.

Dans les deux camps, il est désolant de constater le jusqu'au-boutisme absurde auquel conduisent ces haines inextinguibles, les combats sans merci dans lesquels s'arrêter ne serait-ce qu'un instant pour réfléchir, c'est déjà trahir.

Et finalement, que de morts pour rien. Car rien ne change. Illusion, vanité, absurdité du terrorisme.

Cette absurdité s'impose progressivement au narrateur, vieillissant, partagé dés lors entre sa mauvaise et sa bonne conscience ; mauvaise conscience de manquer au principe de fidélité aux siens, bonne conscience de chercher à épargner des vies de part et d'autre.

Mais les meilleures intentions peuvent avoir des conséquences catastrophiques.

GLOBALEMENT SIMPLE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

(*) Un rappel historico-politique pour bien comprendre le contexte :

Depuis Cromwell, afin de dominer l'Irlande et sa population catholique de langue gaélique, l'Angleterre avait favorisé l'implantation massive de colons anglais et écossais, protestants. Les conflits, à la fois politiques, communautaires et religieux avaient été sanglants. Au XXème siècle, un compromis était mis en place : reconnaissance de l'Eire, république indépendante, de population catholique, capitale Dublin, et création de l'Irlande du Nord, nation constitutive du Royaume Uni, capitale Belfast, où les protestants, sans être majoritaires, forment une caste dominante.

Les nationalistes et indépendantistes irlandais n'acceptèrent pas ce compromis. Derrière leur parti politique, le Sinn Fein, et son bras armé, l'IRA, une organisation paramilitaire secrète terroriste, leur objectif restait d'unifier la République d'Irlande sur l'ensemble de l'île. Face à eux, les unionistes (ou loyalistes), fidèles au Royaume Uni. En arbitre – forcément partial – l'armée britannique.

Aujourd'hui, l'IRA a déposé les armes. Mais quelques irréductibles...

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Ce qui reste de nos vies, de Zeruya Shalev

Publié le 28 Août 2015 par Alain Schmoll

Août 2015

Un livre exceptionnel, tant par ses qualités littéraires que par la finesse des analyses psychologiques.

En Israël, une mère, sa fille, son fils.

La mère, Hemda, âgée, en fin de vie, alterne lucidité et confusion. Que reste-t-il de sa vie ? Son passé, qui lui revient en souvenirs ou en divagations. Avant d'être une mère, elle a été une fille, élevée à la dure dans un kibboutz par un père pionnier qui lui a inspiré, qui lui inspire encore à la fois vénération et fureur ; fureur de ne jamais avoir été écoutée et comprise. Que reste-t-il encore ? Des regrets ; devenue mère quand elle a cessé d'être fille, elle n'a pas assez aimé sa propre fille et trop aimé son fils. Que faire de ce peu qui lui reste à vivre ? Trouver la paix ?

La fille, Dina, quadragénaire, mère à son tour, universitaire brillante. Un corps trop maigre, à l'image de son esprit tourmenté depuis l'enfance ; la frustration de ne pas exister pour sa mère ; un mari impénétrable ; une fille adolescente qui lui échappe. N'y a-t-il personne pour l'aimer ? Que restera-t-il de sa vie, que faire du reste de sa vie ? Finir une thèse d'histoire, naguère abandonnée ? Adopter un enfant, contre l’avis de son mari et de sa fille ?

Le fils, Avner, quadragénaire, père de 2 garçons, avocat des droits de l'homme. Un corps empâté, à l'image de sa mollesse de caractère. Etouffé par l'amour maternel, il a épousé à 20 ans sa première petite amie, devenue une mégère au physique épaissi ; ils ne se supportent plus, ce qui perturbe leur fils ainé. Que restera-t-il de sa vie, que sera le reste de sa vie ? Cette femme croisée de façon fugace aura-t-elle sa place ? Doit-il quitter le domicile conjugal ? Comment se rapprocher de son fils ?

Zeruya Shalev pénètre dans l'intimité quotidienne, dans les souvenirs, dans le tréfonds de l'âme de ses trois personnages. Elle les suit, les observe, les écoute. En même temps, elle est en eux, elle sait tout ce qu'ils pensent, tout ce qu'ils ressentent, elle connaît leurs espoirs, leurs craintes, leurs secrets.

Elle nous rapporte leurs gestes, leurs conversations, leurs pensées, au fil de leurs enchaînements, à la suite les uns des autres, dans un même alinéa, dans une même phrase, sans guillemets ou autre signe de ponctuation.

C'est extrêmement parlant. Et les trois dernières pages du livre, que j'ai relues plusieurs fois, sont très belles et très émouvantes.

Et moi, et vous, et nous, que restera-t-il de nos vies, que faire du reste de nos vies ?

Faut-il accepter simplement ce qui vient à nous, suivre ce que nous imposent ceux qui ont plus de caractère que nous, ou faut-il tracer nous-mêmes notre chemin, et donc l'imposer à nos proches au risque de les contrarier ?

Et si l'essentiel était l'amour - l'amour paternel, l'amour maternel, l'amour filial, l'amour tout court ... L'amour qu'on donne et celui qu'on reçoit.

TRES DIFFICILE     ooooo   J’AI AIME PASSIONNEMENT

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Jacob, Jacob, de Valérie Zenatti

Publié le 28 Août 2015 par Alain Schmoll

Août 2015

Jacob, Jacob est un joli petit roman, émouvant, facile et agréable à lire. L'écriture de Valérie Zenatti est à la fois raffinée et authentique, avec juste ce qu'il faut de lyrisme attendrissant. Descriptions, actions, dialogues et pensées se mêlent dans un même phrasé, dans un zapping vif et léger qui donne au lecteur l'impression de vivre dans le récit. Certes, en feuilletant le livre, des lecteurs peuvent prendre peur, au vu de pages compactes, affichant peu voire pas d'alinéas. Mais les chapitres sont courts... l'on reprend facilement sa respiration. Il faut y aller !

Jacob, Jacob, c'est l'histoire d'un jeune juif d'Algérie, en 1944 ; la guerre, le débarquement allié en Provence, les combats contre les Allemands en remontant jusqu'en Alsace. Jacob a 19 ans. Il est beau, intelligent, sympa, promis à un bel avenir.

La guerre de Jacob, ce n'est pas la Shoah, ni les bombardements, ni les faits d'armes spectaculaires. C'est la guerre au quotidien, celle du soldat de base, formé sommairement par un sergent-chef scrogneugneu, grelottant, affamé, terrorisé, dans la campagne, dans la forêt, où l'ennemi invisible apparait soudain au détour d'un bosquet ; il faut le tuer avant d'être tué. Cette guerre, c'est le copain qui tombe ; chaque jour un autre ; cela arrive en un éclair, à côté de soi, on a du mal à le croire, c'est pourtant affreusement banal.

Le livre, c'est aussi la famille de Jacob, des juifs de Constantine, très pauvres, arriérés, analphabètes. Ils tirent leur dignité de leur sens de la famille, de traditions et de principes forts. Jacob, si différent de son père et de ses frères, est leur fierté.

Constantine est la ville des ponts suspendus. Proche du quartier juif qu'il surplombe, le pont Sidi M'cid est comme une divinité pour la communauté. Jacob raconte : « La ville est construite sur un rocher, entouré par un fleuve extraordinaire.... Il y a des sources d'eau chaudes, elles jaillissent dans des piscines de pierre, tu es comme un roi dans son bain. Au dessus, des ponts enjambent le fleuve. Le plus haut, c'est le pont Sidi M'cid. Parfois, il y a des nuages en dessous. Tu es dans le vide mais tu ne tombes pas. Tu as peur mais rien ne t'arrive. Tu vas d'un point à un autre, tu traverses le ciel, penses qu'il peut s'écrouler, qu'il va s'écrouler, surtout quand une voiture, un camion passe, il tremble, tu trembles avec lui. »

A la fin de la guerre, la liesse est de courte durée. Montée de la tension entre Arabes et Européens. Escalade des exactions, l'armée d'un côté, les fells de l'autre. L'avenir s'annonce très loin du pont Sidi M'cid.

Le livre évoque instantanément Le Premier Homme, le roman autobiographique inachevé d'Albert Camus ; il en affiche d'ailleurs une citation en épigraphe. Et la dernière page de Jacob, Jacob, clairement autobiographique, est pour moi une évocation de plus.

GLOBALEMENT SIMPLE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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Trompe-la-mort, de Jean-Michel Guénassia

Publié le 19 Août 2015 par Alain Schmoll

Août 2015

Les romans de Jean-Michel Guénassia ne se ressemblent pas, mais ils ont un point commun : on ne s'y ennuie jamais. Comme auparavant Le club des incorrigibles optimistes (qui m'avait enchanté) puis La vie rêvée d'Ernesto G., Trompe-la-mort m'a procuré des moments de lecture distrayants, captivants et surtout surprenants, grâce aux personnages atypiques, aux basculements d'intrigues, aux péripéties invraisemblables, aux révélations inattendues avec lesquels l'auteur jongle habilement.

Les fictions sont solidement ancrées dans l'histoire récente, tant pour les événements que pour les tendances et les courants d'idées. Cela les rend très vivantes pour le lecteur, surtout s'il est de ma génération (la même que l'auteur).

Trompe-la-mort raconte le parcours d'un homme, Tom Larch, né à New Delhi d'une mère indienne et d'un père anglais expatrié. A 8 ans, il découvre Londres où ses parents s'installent. Tom y vit des années difficiles, sa double origine étant un handicap dans une ville où les communautés ne se mélangent pas. Il est blessé dans plusieurs graves accidents qui auraient pu lui être fatals.

A 18 ans, Tom décide de tout quitter pour intégrer une unité d'élite de l'armée britannique, la Royal Marines. Pendant 15 ans, il fait partie des contingents envoyés en opérations en Irak, en Irlande du Nord, en Sierra Leone et en Afghanistan. A plusieurs reprises, à nouveau, il échappe à la mort miraculeusement, parfois dans des conditions spectaculaires.

Frappée par cette série de surprenantes fortunes, une célèbre journaliste de télévision décide de faire de Tom le héros d'un documentaire. Sous le titre de Trompe-la-mort, le documentaire rencontre un grand succès populaire dans le monde entier où il est largement diffusé et rediffusé.

Réformé pour blessures, Tom rencontre l'amour ; il cherche à se construire une vie familiale et une situation professionnelle. Des opportunités séduisantes se présentent grâce à sa notoriété et sa popularité de Trompe-la-mort. Mais l'état d'esprit et les aspirations de Tom ne sont pas solubles dans les archétypes de la société occidentale libérale contemporaine. Finalement, Tom se laisse convaincre de partir en mission, à la recherche d'un jeune homme disparu en Inde.

La dernière partie du livre, qui conte cette mission en Inde, tranche avec les précédentes. De la fiction moraliste critique du matérialisme branché londonien, on passe au récit d'aventures en terre exotique. C'est une suite d'enquêtes policières et de péripéties rocambolesques à New Delhi, Bangalore, puis dans l'Inde des ashrams, un décor foisonnant où le burlesque des mœurs locales côtoie le sordide de la misère extrême, inspiré des romanciers natifs, tels Salman Rushdie ou Vikas Swarup (l'auteur du très bon roman très bien porté à l'écran sous le titre de Slumdog millionnaire *).

Les coups de théâtre se multiplient dans les dernières pages du roman qui s'achève par un ultime bouclage sur le passé.

FACILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

* : Je ne résiste pas à l'envie de rappeler le titre incroyablement long sous lequel ce roman a été publié en français : Les fabuleuses aventures d'un indien malchanceux qui devint millionnaire, ainsi que le titre incroyablement court de sa publication en anglais : Q&A.

Q&A, abréviation de Questions & Answers, est le nom de l'émission de jeu de télévision dont il est question dans le roman et le film.

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Amours, de Léonor de Récondo

Publié le 19 Août 2015 par Alain Schmoll

Août 2015

C'est un libraire de confiance qui m'a conseillé de lire Amours, de Léonor de Récondo ; le livre avait aussi été lauréat d'un prix littéraire tout à fait honorable. Pour être honnête, si j'avais su de quoi il était question, je ne l'aurais probablement pas acheté, pensant que ce n'était pas mon genre de lecture. Ça aurait été dommage, car j'ai lu ce roman de bout en bout avec plaisir. J'ai même été très ému par certains passages.

L'histoire se situe en 1908 dans un petit bourg de province ; c'est la France profonde du début du XXème siècle, avec ses croyances, ses rigidités, ses préjugés étroits ; Madame Bovary est alors considéré comme un livre inconvenant pour les femmes, qu'elles soient jeunes filles ou mariées.

Au début, ça ressemble à de nombreux romans français d'avant guerre - François Mauriac, Georges Bernanos : une maison bourgeoise, le mari notaire, sa femme au foyer, éducation catholique très stricte, tous deux très soucieux de leur image... Pas d'enfant ...! Et ça, en province à l'époque, ça pose problème. Il faut dire que Madame a horreur des "enchevêtrements immondes" par lesquels il faut passer. Elle ferme sa porte à Monsieur, qui -on est un homme ou quoi ! - trousse d'autorité Céleste, la petite bonne de 17 ans logée dans la maison.

Voilà que Céleste tombe enceinte. Madame (elle s'appelle Victoire) a vite identifié le géniteur et comprend qu'il s'agit d'une occasion rêvée pour ne plus être sollicitée par Monsieur (dénommé Anselme). Pas de scandale, donc, l'enfant sera le leur et Céleste restera à leur service.

Victoire et Céleste se rapprocheront pour s'occuper du bébé et, option inattendue, surprenante, elles engageront une relation amoureuse fusionnelle, passionnelle et torride, qui est le cœur du roman.

Embarqué dans la lecture d'un livre jusque là très classique, j'ai dans un premier temps ressenti de la gêne à me retrouver soudain témoin de cet amour doublement illégitime pour l'époque. Mais j'ai été profondément ému par le récit qui en est fait. Il faut dire que l'écriture est précise, directe, concise ; des mots usuels, une syntaxe simple, une conjugaison au présent, des phrases courtes. Cela donne de la vivacité au texte, du naturel aux personnages, de la pertinence aux images.

Léonor de Récondo, qui est aussi musicienne, illustre son roman par la célèbre sonate Clair de lune de Beethoven, dont Victoire joue et rejoue presque compulsivement les arpèges à trois notes qui symbolisent les amours unissant Victoire, Céleste et l'enfant.

Tout cela ne pourra que mal finir, les convenances étant les plus fortes. Céleste se sacrifiera dans une dernière danse tourbillonnante qui n'aura pas manqué de m'évoquer la fin de La Traviata. C'est une fin un tantinet mélodramatique, mais il faut croire que je dispose d'un fond de sentimentalisme qui fonctionne.

  • FACILE     ooo   J’AI AIME
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Et rien d'autre, de James Salter

Publié le 18 Août 2015 par Alain Schmoll

Août 2015

On m'avait dit : chef d'œuvre. Et rien d'autre est un très bon, un excellent roman. Mais pour que je qualifie un roman de chef d'œuvre, il faut qu'il me surprenne, d'une manière ou d'une autre, qu'il ne ressemble à aucun autre. Or, Et rien d'autre est un roman américain classique, une vaste fresque dont l'axe central est le parcours d'un homme pendant 40 ans, à partir de la fin de la guerre.

Cet homme, Philip Bowman,  a choisi le métier d'éditeur, qu'il exerce avec passion tout au long de ces 40 ans au sein de la même maison new-yorkaise, sans manifester d'ambition financière ni managériale ; le contact avec les écrivains lui suffit. Sa quête personnelle, c'est la recherche d'un foyer, aux deux sens du terme : une maison, où se ressourcer, en bois, au bord d'un lac ou de la mer - archétype américain - et une femme, âme-sœur, avec laquelle construire une relation familiale.

Bien que ne se comportant ni en play-boy, ni en don juan, Bowman ne manque pas de succès féminins. Il parvient aisément à ses fins, porté à chaque fois par de véritables coups de foudre, plutôt d'ordre physique. Mais le plaisir physique ne garantit pas la durabilité des liaisons, qui tournent court, effacées par le coup de foudre suivant, en l'absence de véritables projets consensuels. Au fil du livre, le rythme des rencontres semblent s'accélérer. Mais peut-être est-ce plutôt le temps qui accélère avec l'âge. La fin de chaque aventure ne fait pas souffrir Bowman, sauf une fois ; il se comporte toujours bien, sauf une fois.

La fresque que constitue le roman est d'une ampleur considérable, tant par la période qu'elle recouvre que par le nombre de personnages accessoires qu'elle englobe. Complexe, elle est composée de tableaux relatant le parcours ou des tranches de vie de personnes rencontrées par Bowman : parents, amis, femmes, écrivains, professionnels de l'édition. De courtes anecdotes sur des personnages totalement secondaires aux apparitions fugitives, viennent compléter l'ornementation de la fresque.

Un regret : dans ce milieu littéraire où l'on évoque très brièvement Hemingway, Byron et des écrivains fictifs, où l'on semble passer beaucoup de temps en déjeuners et en cocktails, il n'y a pas de débat, même sommaire, sur des œuvres ou des auteurs, à l'instar des commentaires courts mais intéressants délivrés sur Bacon et Picasso.

L'écriture est limpide et précise, sans lyrisme excessif, sans métaphore inaccessible. La construction ne présente aucun artifice. Le récit se déroule tranquillement. De temps en temps, un retour en arrière de deux ou trois pages est nécessaire pour comprendre de qui il est question, l'auteur ayant probablement pris un malin plaisir à nous embrouiller.

Pas étonnant que James Salter soit considéré comme un monstre sacré de la littérature américaine.

GLOBALEMENT SIMPLE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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La fille du train, de Paula Hawkins

Publié le 18 Août 2015 par Alain Schmoll

Août 2015

Ce livre n'était pas pour moi. Je le savais avant, il m'avait suffi de consulter la 4ème de couverture : "un suspense formidable... jusqu'au bout de la nuit! ", "préparez-vous à être ensorcelé, à devenir obsessionnel ". Mais en ouvrant ce blog où je réunis mes critiques de lecture, je m'étais promis d'être objectif, ouvert à tout, sans préjugé discriminant. J'ai donc lu La fille du train de bout en bout.

C'est un thriller, parait-il. Je n'ai pas spécialement "thrillé". C'est vrai, il y a un meurtre, et donc un assassin, qui n'est formellement dévoilé que dans les dernières pages. Mais avec les évidentes fausses pistes que l'auteur balance pendant 300 pages, on n'est pas vraiment surpris (en plus, on s'en fiche, c'est la fin du livre, ouf !).

Le livre se présente sous forme de monologues de trois personnages féminins. Dans ces monologues, qui s'enchaînent et s'entrecoupent, l'auteur fait dire à ces femmes,  en intégralité et de façon répétitive, tout ce qu'elles font, tout ce qu'elles pensent, tout ce qu'elles ressentent ; et même quand elles cachent quelque chose, elles précisent bien qu'elles cachent quelque chose pour que le lecteur comprenne bien.

A les lire, les femmes sont toutes à la recherche d’un maître. Jalouses et enfermées dans leurs fantasmes, quand tout ne se passe pas comme elles veulent, elles pleurnichent et elles boivent. Quant aux hommes, ils sont évidemment violents, libidineux, menteurs et manipulateurs.

Dans ce livre, qui ne présente ni ligne directrice, ni finesse d'écriture, les radotages interminables de Rachel - la fille du train - sur l'alcool qu'elle ingurgite massivement, en conscience qu'elle ne devrait pas, ses pleurs, ses vomissements, ses saignements ont fini par me donner la nausée.

  • FACILE     o   J’AI AIME… PAS DU TOUT
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Lola Bensky, de Lily Brett

Publié le 28 Juillet 2015 par Alain Schmoll

Juillet 2015

Lola Bensky, prix Médicis étranger 2014, est présenté comme un roman inspiré de la vie de son auteur, Lily Brett. Ce n'est pas un roman, selon moi, mais plutôt un ensemble de souvenirs et de professions de foi totalement autobiographiques, ce qui n'ôte rien au plaisir que j'ai eu à le lire.

Trois grands thèmes s'entremêlent dans la vie de Lily alias Lola.

Primo, Lola traine un problème d'embonpoint qui la culpabilise car elle ne parvient jamais à respecter ses plans de régime.

Secondo, Lola est la fille unique de rescapés d'Auschwitz qui ont vu tous les membres de leur famille assassinés de façon épouvantable. Survivre à Auschwitz, ce n'est pas revenir d'un camp de concentration lambda ; il y a une hiérarchie dans l'horreur et Auschwitz est au sommet. On le sait déjà, mais ce n'est jamais inutile de s'en souvenir. Il y a là un héritage dont Lola supporte le poids depuis sa prime enfance.

Tertio, les années 60 : à19 ans, Lola vit à Londres d'un job qui consiste à interviewer des pop stars à peine plus âgés qu'elle : Jim Morrison, Mick Jagger, Jimy Hendrix. Si le premier est un authentique bad boy, les deux autres expriment une étonnante et touchante compassion pour la jeune femme, ses rondeurs et les histoires qu'elle leur raconte sur Auschwitz. On voit même, incroyable anecdote, un Mick Jagger très attentionné, insister auprès de Lola pour la présenter à son ami Paul McCartney.

Deux ans plus tard, Lola est présente au mythique Festival pop de Monterey, où elle sympathise avec les stars et assiste à leurs concerts : Janis Joplin, Jimy Hendrix, the Who, the Mamas & the Papas et d'autres, Otis Redding notamment.

Pauses musicales : entre deux chapitres, je télécharge les tubes mentionnés : Let spend the night together, Light my fire, Wild thing, Purple haze, Ball and chain... Je les redécouvre, près d'un demi-siècle après.

Je n'ai pas besoin de redécouvrir Otis Redding : je n'ai jamais cessé de l'écouter, et particulièrement son concert live in Monterey.

Le dernier chapitre est très émouvant, bien qu'un peu morbide. Malgré toutes ces morts prématurées, malgré Auschwitz, Lola réussira sa vie.

Question pour le traducteur du texte original : pourquoi Lola vouvoie-t-elle les stars alors qu'eux la tutoient ? Elle est intimidée, bien sur. Mais ils ont tous 20 ans. Et c'est une subtilité qui n'existe pas en anglais.

  •  FACILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP
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