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Octobre 2025,
De cet écrivain britannique chevronné et réputé, j’avais lu La vie très privée de Mr Sim et, plus récemment, Billy Wilder et moi, deux romans d’aventures savoureuses, empreintes d’une fantaisie malicieuse qui lui est propre. Jonathan Coe doit par ailleurs une part de sa notoriété à quelques ouvrages de fiction satiriques plus politiques, qui lui ont été inspirés par la conduite autoritaire des affaires socio-économiques au Royaume-Uni, tout particulièrement au temps de ce qu’on a appelé le thatchérisme. De nos jours, on parlerait plutôt d’ultralibéralisme.
Et justement, dans La preuve de mon innocence, un homme — d'un abord assurément sympathique —, au profil d’activiste intellectuel de gauche, est poignardé dans un manoir anglais, lors d’un symposium politico-culturel réservé à des personnalités — carrément antipathiques —, réputées pour leurs opinions conservatrices radicales. Thème conducteur des conférences : le virus woke est une pandémie anglo-américaine. Objectif sous-jacent : préparer la privatisation du système national de santé… Diable !
Il se trouve que l’événement relie directement ou indirectement plusieurs personnes s’étant croisées à l’Université de Cambridge quarante ans plus tôt. Que s’y tramait-il donc, tandis que Margaret Thatcher régnait au 10, Downing Street ? Et que penser d’un certain écrivain, étiqueté « conservateur », qui s’était suicidé à la fin des années quatre-vingt, et dont un éminent professeur de littérature devait présenter l’œuvre lors du symposium ?
Voilà qui te plongera, lectrice, lecteur, au plus profond d’une énigme politico-policière, imprégnée selon toute apparence d’une atmosphère à la Agatha Christie. Aux manettes officielles de l’enquête, une inspectrice à la retraite prénommée Prudence, affutée intellectuellement, mais se laissant facilement aller au sherry et la bonne chère, tout en conduisant sa Lamborghini personnelle à tombeau ouvert. En parallèle intervient un duo de très jeunes femmes, touchées de près par la mort brutale du blogueur progressiste. En dignes représentantes de la génération Z, elles brocardent la structure politique traditionnelle bipartisane du Royaume-Uni, qui ne donnerait le choix qu’entre deux partis « dont l’un est un tout petit peu moins d’extrême droite que l’autre » ! Elles passent beaucoup de temps à revoir des épisodes de Friends, la célèbre sitcom, ce qui ne les empêchera pas d’avoir des intuitions pertinentes en déchiffrant des documents autobiographiques datant de l’époque.
La preuve de mon innocence est un roman structuré en trois parties, dont les modes narratifs sont différents. L’auteur commence par dresser longuement les tenants et aboutissants de l’intrigue à venir, en en présentant de manière classique et circonstanciée les nombreux personnages ; un développement par paliers successifs, dont la lecture est un peu poussive, d’autant qu’il faut s’adapter à une prose qui n’a pas le brio délié d’un Franck Bouysse ou d’un Laurent Mauvignier, dont je viens de lire les dernières œuvres. S’en suit, dans une deuxième partie, la transcription intégrale, très fluide, d’un manuscrit d’époque, qui ouvre des perspectives nouvelles sur les motifs du meurtre. Le dénouement, inattendu, fait l’objet d’une narration à deux voix, très pétillante, où réapparaît la malice, la créativité et l’audace de l’auteur, lequel n’hésite pas à se livrer par moment à des digressions réjouissantes.
Un court épilogue rebat curieusement les cartes. Comme Jonathan Coe ne manque pas de le souligner, il est difficile aujourd’hui de s’y retrouver entre vérité objective, vérité alternative, fausse information, rumeur, prédiction réaliste ou promesse politique. Il n’y a donc après tout rien de mieux que l’écriture d’une fiction romanesque pour donner sa vérité ; la sienne !
Roman de Jonathan Coe déjà critiqué : Billy Wilder et Moi.
GLOBALEMENT SIMPLE ooo J’AI AIME
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