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Juin 2025,
Comme il est normal pour un médecin humanitaire devenu diplomate après être passé par le journalisme, Jean-Christophe Rufin a largement parcouru la planète. Entre découvrir le monde et en raconter l’Histoire et des histoires, il n’y a qu’un pas à franchir, pour peu qu’on porte en soi l’envie de transmettre. Sont ainsi arrivés une vingtaine de romans valant à son auteur succès de librairie et reconnaissance du talent littéraire. En lui offrant un siège, l’Académie française ne s’y est pas trompée, pas plus que le jury du Goncourt, qui lui décerna en 1990 son prix annuel pour Rouge Brésil… un livre que je déclare avoir lu à l’époque, mais que j’assume avoir oublié depuis…
Sur les dix années qui viennent de s’écouler — dimension de ma mémoire littéraire sauvegardée par mes critiques écrites —, je me souviens de Check-Point, une aventure en forme de road trip en marge de la guerre en ex-Yougoslavie, et de D’or et de jungle, une fiction imaginant une ambition folle de milliardaires de la Tech sur le sultanat de Brunei, aux confins de la Malaisie et de Bornéo. J’avais pris du plaisir avec ce dernier ouvrage de Jean-Christophe Rufin et je me suis logiquement empressé de lire sa publication suivante, Le revenant d’Albanie.
J’ai compris un peu tard que les ouvrages de l’auteur ne boxaient pas tous dans la même catégorie. Le revenant d’Albanie n’est qu’un simple épisode d’une série, Les aventures (ou les énigmes) d’Aurel le consul, et c’est donc pour Rufin un exercice de moindre ambition que ses « vrais » romans. Pour ma part, j’en sais beaucoup moins sur les antécédents d’Aurel le consul que les lecteurs fidèles de la série ; j’ai juste saisi que, né et élevé en Roumanie sous la dictature communiste de Ceaucescu, Aurel avait obtenu la nationalité française, ainsi qu’un poste subalterne dans les services des Affaires étrangères, le vouant à de courtes, fréquentes et lointaines mutations. Pour m’en tenir aux faits du récit, il se trouve que ce personnage rétif au travail, aspirant à l’oisiveté, buveur de vin blanc, pianiste à ses heures et féru d’enquêtes en solitaire, vient d’être affecté à l’Ambassade de France à Tirana, Albanie.
Un fait divers trouble aussitôt sa quiétude. Un homme d’affaires prospère a été assassiné dans les environs de Chamonix et la police découvre que la victime détenait la double nationalité française et albanaise. L’entremise de l’ambassade est logiquement sollicitée dans l’enquête et il s’avère que l’homme en question est déclaré mort et enterré depuis vingt ans dans son pays d’origine ! Voilà donc une énigme complexe à démêler pour le détective consul Aurel. En compagnie d’individus hauts en couleur rencontrés sur place, il lui faudra prendre des risques, en s’immergeant au plus profond des terres montagneuses et des traditions ancestrales albanaises, pour qu’une explication émerge.
Le livre met en valeur les particularités de l’Albanie, un petit pays que l’on connaît peu. Des siècles durant, son peuple a subi le joug d’une série d’envahisseurs et de tyrans. Leurs régimes clivaient la population ; d’un côté des courtisans profiteurs, de l’autre des opposants s’organisant clandestinement autour de codes de l’honneur secrets, règlant dans le sang les rancunes tenaces s’empilant en strates, de décennie en décennie, au fur et à mesure des changements d’homme fort. Le dernier en date, Enver Hoxha, avait imposé pendant deux générations une dictature communiste implacable et ubuesque. Après sa mort en 1989, le pays s’était ouvert à l’économie libérale, mais des dizaines de milliers d’Albanais, mal avertis, investirent et perdirent tous leurs biens dans des projets financiers mirifiques se révélant être des pyramides de Ponzi et autres escroqueries. De quoi susciter de nouvelles haines et déterminations de vengeance.
Ces événements réels survenus en Albanie auront inspiré l’auteur dans l’élaboration de son scénario inutilement alambiqué d’un meurtre mystérieux. Aurel n’aura nul besoin de faire preuve de sagacité pour élucider une histoire de vendetta fumeuse entre membres d’un clan familial.
En découvrant le consul Aurel et ses aventures en série, j’avais un court instant pensé à Bob Morane, dont les exploits exotiques successifs avaient enchanté ma prime adolescence. Mais lui était un vrai héros, alors qu’Aurel se situe plutôt dans le registre de l’antihéros, qu’on verrait bien en BD. Ceci étant, malgré ses longueurs, le livre est bien écrit, parfois amusant, et il se laisse lire aisément.
FACILE oo J’AI AIME… UN PEU