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Juin 2025,
Au cours de sa longue vie, achevée en avril dernier, la personnalité de Mario Vargas Llosa aura marqué les actualités littéraires, mondaines et politiques en Europe comme en Amérique du Sud. Né au Pérou en 1936, il échoua en 1990 à y être élu président de la République ; il a vécu à Madrid, où il écrivit ses premiers romans et obtint la nationalité espagnole ; il a travaillé à Paris, où il accède sur le tard à l’Académie française. Auteur d’une cinquantaine d’œuvres de fiction, traduit en une trentaine de langues, il a été gratifié en 2010 du prix Nobel de littérature.
Est-ce parce que Ricardo, personnage principal de Tours et détours de la vilaine fille, en est aussi le narrateur prolifique et indiscret ? Est-ce parce que, comme Vargas Llosa, il est né au Pérou et voyage de par le monde ? Est-ce parce que, tout comme lui, en marge de ses activités alimentaires, il avait rêvé de devenir écrivain ? Toujours est-il que je n’ai pu m’empêcher de voir en Ricardo une forme de double contrefait de son concepteur ; un Vargas Llosa raté, qui n’aurait jamais réussi de toute sa vie à émerger d’une carrière étriquée et peu rémunératrice de traducteur-interprète.
Dans les premières pages, Ricardo raconte avoir été ébloui en 1950 par Lily, une jeune fille gracieuse et provocante, apparue fugitivement dans les soirées pour adolescents des beaux quartiers de Lima. Il la retrouve par hasard dix ans plus tard, à Paris, où il fréquente des milieux universitaires entichés de Fidel Castro. A nouveau ébloui, il réussit à la séduire, avant qu’elle ne s’envole pour Cuba, dans un peloton d’apprenties guerilleras. Il attendra désespérément de ses nouvelles, puis apprendra qu’elle est devenue la compagne d’un chef révolutionnaire. Et quelques années plus tard, quand le hasard les remet face à face à Paris, elle est mariée à un diplomate français ! Après quelques semaines de lune de miel illégitime en trompe-l’œil, elle disparaîtra à nouveau, il la recherchera, la retrouvera, lui pardonnera… et ils reprendront leur relation intime… sur un mode épisodique, éphémère et à sens unique, renouvelé à chaque fois, au fil de nombreuses années, à Londres, à Tokyo, à Madrid…
En dépit des abandons, en dépit des trahisons, à l’instar d’un Chevalier des Grieux envoûté par sa Manon, rien n’arrêtera Ricardo dans son amour éperdu pour celle qu’il appelle la vilaine fille (en espagnol, la niña mala). Elle se montre attendrie par ses « cucuteries », les propos béatement enamourés qu’il lui susurre. Insuffisant toutefois pour qu’elle voie en lui autre chose que « son bon garçon », toujours disponible pour la tirer d’affaires lorsque ses folies et ses filouteries la mettent en danger, mais trop désargenté et trop peu ambitieux pour lui faire mener la vie dont elle rêve.
Doté d’une imagination intarissable et d’une plume foisonnante facile à lire, Mario Vargas Llosa est véritablement un narrateur passionnant. Il parvient à renouveler sur quarante ans — et quatre cents pages — les aventures surprenantes, captivantes, savoureuses et parfois cocasses de la vilaine fille et du bon garçon… sans d’ailleurs en cacher les détails les plus intimes. Il réussit même à leur trouver un dénouement cohérent, en sauvant la morale sans tomber dans le pathos.
En même temps, lectrice, lecteur, l’auteur te fera déambuler dans le cœur vivant de Paris, tout au long des années 60 à 80, en en commentant l’actualité et l’air du temps. Il te fera aussi voyager aux quatre coins du monde, pour te faire visiter des microcosmes et rencontrer des personnages pittoresques.
Selon ton âge, il te rappellera ou te fera découvrir le peu de moyens dont disposaient les amants pour se joindre ou se retrouver, quand les téléphones portables, les messageries et internet n’existaient pas. N’était-ce pas merveilleux d’être amoureux à l’époque ? Et n’est-ce pas merveilleux d’aimer comme Ricardo, sans rien exiger en retour ? Bien sympathique, ce Ricardo !
Romans de Mario Vargas LLosa déjà critiqués : La fête au Bouc, Temps sauvages.
GLOBALEMENT SIMPLE ooooo J’AI AIME PASSIONNEMENT