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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Le Déluge, de Stephen Markley

Publié le 25 Février 2025 par Alain Schmoll in Littérature, chroniques littéraires, lecture, romans

Février 2025, 

Il y a deux ans, Stephen Markley m’avait enthousiasmé avec son premier roman, Ohio, une imposante fiction ancrée sur un territoire post-industriel du Midwest, auquel restaient liés des personnages ne se reconnaissant plus dans le rêve américain. Comptant plus de mille pages, Le Déluge, son deuxième roman, est encore plus dense et volumineux. Il m’a passionné, mais il est si complexe que j’ai du mal à résumer et à ordonner les commentaires qu’il m’inspire.

L’auteur, qui a consacré plusieurs années à ce livre, le qualifie d’épopée romanesque futuriste. L’on peut voir Le Déluge comme le grand récit dramatico-historique d’une Amérique en proie au changement climatique ; un récit à plusieurs voix insérant des parcours personnels fictifs au sein d’événements réels récents, puis les développant dans une préfiguration de l’avenir ; une préfiguration crédible, car elle s’inscrit, sans transition, dans le prolongement du présent dont nous sommes témoins.

Plusieurs personnages principaux t’emmèneront ainsi, lectrice, lecteur, dans un long périple aux quatre coins des Etats-Unis, de 2013 à 2040. Ils sont des êtres d’esprit, de chair et de sang, plus ou moins concernés par le dérèglement climatique. Tony, un océanographe renommé, peine à faire entendre les alertes qu’il lance ; Shane, une mère célibataire vivant dans la clandestinité, fomente des actions écoterroristes ; Jackie, une jolie et brillante publicitaire, se fait un nom dans le green washing ; Keeper, un petit délinquant violent, est prêt à tout pour payer sa prochaine dose ; Ashir, un jeune universitaire surdoué, conçoit des algorithmes prévisionnels de référence ; Kate, une femme charismatique au sourire ravageur, monte une ONG dont l’activisme non violent s’impose à l’Administration.

Tout en te dévoilant leurs secrets, lectrice, lecteur, ces personnages et ceux qui les entourent te feront pénétrer dans les principales institutions du pays, participer à des débats politiques, scientifiques, économiques, financiers ; tu liras la presse et les rapports d’experts, tu verras ourdir des complots, tu assisteras à des crises parfois tragiques et même à des crimes. Avec eux, tu découvriras au fil des ans les conséquences des accidents climatiques sur l’évolution des modes de vie en ville, en site périurbain, à la campagne, sur les rives des océans…

Peu importe que le livre, achevé en 2023, n’ait pas prévu l’élection de D. Trump de novembre 2024. Car la narration du retour fictif au pouvoir des Républicains quelques années plus tard ressemble fortement à ce à quoi nous assistons aujourd’hui en direct. Il en est de même pour les nombreuses catastrophes naturelles — ouragans, inondations, tornades, mégafeux — survenues récemment dans plusieurs Etats ; elles avaient été imaginées par Markley, mais pas avant la fin des années 2020 ; leurs descriptions saisissantes sont étrangement similaires aux reportages vus à la TV. Lectrice, lecteur, les étonnantes précisions prémonitoires de l’auteur te feront passer du présent au futur sans t’en rendre compte, et elles renforceront ta sensation de vivre en direct des événements de demain.

Tu seras à peine surpris de constater que les politiques tournent en rond, en dépit des désastres survenant un peu partout dans le pays. L’enjeu majeur est d’engager rapidement la décarbonation de l’économie. Mais certains voudraient y joindre des objectifs sociaux et sociétaux. L’intention se heurte alors à l’opposition des partisans de politiques radicales sécuritaires et anti-immigration, qui vient renforcer celle des lobbies engagés dans les énergies fossiles. Pour obtenir des avancées consensuelles de la part d’institutions gouvernementales sans véritable majorité, les législateurs sont amenés à concéder des amendements édulcorant les mesures de base… Heu ! Toute ressemblance, etc… !

Le Déluge est un roman ; la destinée de l’humanité n’y vaut pas plus que celles des personnages principaux. L’auteur a adopté pour chacun un mode narratif différent. Les récits sont agrémentés de coupures de presse, de comptes-rendus de réunions, d’extraits de textes administratifs, tous fictifs. Une construction littéraire qui confère un aspect hyperréaliste à la lecture.

J’avais en son temps qualifié Ohio de chef-d’œuvre. Les mots me manquent pour Le Déluge, un ouvrage éblouissant, captivant comme un thriller… et sacrément angoissant.

TRES DIFFICILE     ooooo   J’AI AIME PASSIONNEMENT

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