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Avril 2025,
Pierre Assouline est un homme de lettres dont la polyvalence est remarquable. Journaliste, historien, essayiste, chroniqueur littéraire, il est aussi romancier, et particulièrement réputé pour ses biographies. Son dernier ouvrage, L’Annonce, reflète parfaitement l’ensemble de ses talents.
L’Annonce se présente comme le récit d’un Français juif, prénommé Raphaël, ayant vécu en Israël deux aventures personnelles l’ayant profondément marqué. La première date de l’année de ses vingt ans, au temps de ce qu’on a appelé la Guerre du Kippour, provoquée par la tentative d’invasion d’Israël par les armées égyptiennes et syriennes, lesquelles avaient voulu profiter, le 8 octobre 1973, de la pause spirituelle juive du Grand Pardon. La seconde aventure de Raphaël en Israël a lieu cinquante ans plus tard, au début de la guerre en cours dans la bande de Gaza, consécutive au monstrueux pogrom et à l’enlèvement d’otages orchestrés par le Hamas, le 7 octobre 2023.
Pierre Assouline l’affirme et il n’y a aucune raison de ne pas le croire, la première partie du récit est autobiographique ; Raphaël, c’est lui. A l’annonce de l’agression ennemie de 1973, l’auteur, jeune juif français d’origine marocaine, avait laissé en suspens ses études parisiennes et pris l’avion pour Israël, en compagnie de quelques camarades, dans l’intention de se rendre utile, d’une façon ou d’une autre. Au sein d’une nation n’existant que depuis vingt-cinq ans et subissant sa troisième guerre, l’occasion lui a d’abord valu de mener une expérience saugrenue : gérer un élevage de dindons dans un kibboutz ! Plus sérieusement, il a aussi découvert la vie quotidienne et la mentalité spécifique d’une population restée choquée par l’annonce de l’invasion, et qui n’a pas manqué de s’interroger sur les failles politiques et/ou militaires l’ayant mise en danger.
En même temps, Raphaël aura vécu une idylle aussi intense qu’éphémère avec une jeune Israélienne de son âge. Esther effectuait ses obligations militaires dans une unité chargée d’un rôle très ingrat, celui d’annoncer aux familles la mort de proches au combat. L’annonce : une tâche très éprouvante psychologiquement, qui n’aura pas été sans rappeler un drame familial à l’auteur.
2023. Cinquante années ont passé… Pierre aurait pu écrire ce récit depuis longtemps… Et voilà que Raphaël est à nouveau en Israël, sur les traces de sa jeunesse, d’autant que, depuis peu, des images d’Esther ont émergé dans son esprit. Qu’est-elle devenue ? Fantasme courant, quand le grand âge approche, que de se laisser aller à la nostalgie des amours d’antan ! Raphaël reverra-t-il Esther ? Autobiographique, la narration passe à l’autofiction… sublimée dans une guerre provoquée par les événements du 7 octobre, dont l’annonce avait pétrifié la population d’Israël et d’une partie du monde.
D’une partie seulement ! Car dans l’autre, on trouve intolérable la présence de Juifs en plein cœur de terres prétendument arabo-musulmanes, ce qui revient, après la Shoah, à proclamer que la présence des Juifs est intolérable partout. Il en est même qui pensent que le monde se porterait mieux si les Juifs n’existaient pas et qui vocifèrent que leur antisionisme n’est pas de l’antisémitisme.
En Israël, Raphaël aura participé, comme tout le monde, aux réflexions sur les causes et les conséquences des deux guerres, déclenchées à cinquante ans de distance, quasiment jour pour jour. Sont évoqués le même excès de confiance collective en soi, la conviction partagée d’invincibilité, sans pour autant oublier les dysfonctionnements dans le traitement du renseignement. Après la guerre du Kippour, la Première ministre, Golda Meir, avait été amenée à démissionner. Aujourd’hui, la société israélienne connaît des clivages, qui risquent d’affaiblir l’esprit de solidarité qui a fait sa force.
Le livre est intelligemment conçu. Sur le plan historique et géopolitique, il est passionnant. Il lui manque juste, dans sa part romanesque, la touche émotionnelle qui aurait pu atteindre le lecteur que je suis, si l’auteur n’avait pas masqué sa sensibilité sous la fine pellicule d’une écriture trop maîtrisée. Tenir son rang d’académicien Goncourt peut amener à l’emphase, histoire de se montrer digne des innombrables références littéraires invoquées tout au long du texte.
GLOBALEMENT SIMPLE ooo J’AI AIME