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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Trust, d'Hernan Diaz

Publié le 11 Décembre 2023 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Décembre 2023, 

Difficile, sans en dévoiler la substantifique moelle, de partager mon éclairage sur Trust, le roman de l’écrivain argento-américain Hernan Diaz, que le prix Pulitzer vient de récompenser. Je ne vois pas en effet comment en parler sans en parler ! Et je ne reconnais pas le livre dans la présentation qui en est donnée par l’éditeur en quatrième de couverture.

J’ai trouvé très intéressant le concept de base imaginé par l’auteur, de même que le principe constructif qui en résulte. Un principe constructif qui, selon le sommaire, structure l’ouvrage en quatre grandes séquences. En revanche, la manière de traiter les thématiques narratives choisies ne m’a pas plu ; j’y reviendrai.

Dans les deux premières séquences, un financier riche et célèbre, que des spéculations avaient encore enrichi lors du krach de 1929, croit se reconnaître dans le personnage central d’un roman titré « Obligations », qui raconte la vie d’un riche et célèbre financier fictif et de son épouse. Ulcéré par la relation de certains événements et par les portraits psychologiques brossés par le romancier, ce financier tente d’écrire lui-même l’histoire de sa vie, de son couple, donnant sa version personnelle de ce qu’il conteste, en profitant pour vanter ses principes d’action et ses valeurs morales de spéculateur. Troisième séquence : abandonnant son projet d’écriture, il recrute une jeune secrétaire, dont il attend qu’elle retranscrive ses souvenirs et ses commentaires au sein d’un ouvrage romanesque accessible au grand public ; rien ne se passera comme prévu. Une courte dernière séquence, tranchant par sa forme avec les précédentes, explicite l’ensemble.

Tu peux maintenant, lectrice, lecteur, aborder Trust, en sachant dans quoi tu t’engages. Peut-être pourras-tu ainsi aller sans t’ennuyer au bout du roman enchâssé — Obligations —, contrairement à moi qui en ai lu les presque cent trente pages de narration monotone ininterrompue, sans savoir de quoi il en retournait. Abandonner un livre n’est pas dans mon habitude, mais j’ai été à deux doigts de le faire. Je n’ai commencé à accrocher à ma lecture de Trust que dans sa troisième séquence. La curiosité de la jeune secrétaire a réussi à éveiller la mienne.

Quel est le sujet ? Benjamin Rask — alias d’Andrew Bevel — est présenté comme une sorte de surhomme, doté pour les affaires d’un flair hors norme, étayé par des aptitudes de mathématicien génial, et alimenté en multiples données compilées par une armée de statisticiens. En tant qu’investisseur ou spéculateur, il voit toujours juste, et en cas improbable d’erreur, il a encore la possibilité de « tordre la réalité, pour la faire coïncider avec son erreur », qui du coup n’en est plus une. Un principe général qui peut toujours s’énoncer, mais est-il pour autant crédible ?

Dans chacune des séquences, les récits semblent guidés par une vision désincarnée du monde de la finance ; un monde mythique, inspirant fascination/répulsion aux littéraires. Il serait possible, pour l’élite d’une élite, de concevoir des martingales, enclenchant ce que certains commentateurs appellent avec dédain un processus irréversible d’accumulation de richesses. Le cerveau d’un grand financier serait ainsi l’équivalent d’une intelligence artificielle et ses qualités de cœur seraient celles d’un ordinateur… Peut-être pourtant suffit-il d’observer attentivement le fonctionnement d’un téléscripteur !...

Tout aussi désincarnés sont les couples Benjamin/Helen et Andrew/Mildred.  Homme et femme sont dépeints comme surdoués et asociaux, affublés d’aptitudes et de handicaps de calculateurs prodiges. Des relations conjugales abstraites, même pas platoniques.

Bien sûr le mythe du surhomme et celui de l’homme protecteur sont finalement déconstruits. Ils le sont au profit d’un mythe en devenir, qui ne me surprend pas, parce que j’y crois. Il y a longtemps que je sais que la femme est l’avenir de l’homme.

DIFFICILE     oo   J’AI AIME… UN PEU

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