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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Patte blanche, de Kinga Wyrzykowska

Publié le 5 Janvier 2023 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Janvier 2023,

Quelle époque angoissante ! La menace vient de partout jusqu’à nous, indécelable. L’homme est un loup pour l’homme. Pour s’en protéger, mieux vaut se claquemurer, sauf à voir patte blanche, car l’on sait, depuis La Fontaine, que patte blanche est rarement en usage chez les loups… Voilà le parti peu à peu adopté par les Simart-Duteil, une famille française bien installée, bien comme il faut. Comment en sont-ils arrivés là ? Inspirée par un fait divers récent, Kinga Wyrzykowska dresse sa fiction.

Kinga Wyrzykowska. Un nom pas français, grogne-t-on sans doute dans des sphères qu’on évoquera. Née en Pologne, elle vit depuis l’âge de sept ans en France. École Normale Supérieure, agrégation de Lettres Modernes, elle parle et écrit le français mieux que vous et moi. Après quelques ouvrages destinés à la jeunesse, Patte blanche est son premier roman de littérature générale. Il est vrai que son nom est difficile à mémoriser, mais il est identifiable à l’instant où il apparaît. C’est un avantage.

2014. La famille Simart-Duteil est composée de personnages d’apparence respectable. Ils sont toutefois lotis de singularités truculentes, dépeintes avec une ironie cruelle. Ex-beauté parvenue à l’âge de soixante-dix ans, veuve plutôt joyeuse, Isabella est obsédée par la préservation de sa jeunesse. A trop vouloir paraître vingt ans de moins, ne risque-t-on pas de retomber en enfance ? Mais Paul, Clothilde et Samuel ne laisseront pas tomber leur mère.

Humoriste et commentateur politique, Paul a connu son heure de gloire à la télé. Disparu des radars depuis des années, ce quadragénaire homosexuel, solitaire et tortueux est en recherche d’un nouveau départ. Il s’est pour cela rapproché de milieux d’extrême droite où l’on se complaît à repérer ragots, complots et menaces. Clothilde a passé des années en Extrême-Orient auprès de son mari, Antoine, cadre supérieur expatrié. Dans l’attente d’un nouveau poste, le couple et leurs trois enfants font escale sur leur terre natale. Clothilde, qui s’ennuie en français et in english, se verrait bien en militante humanitaire. En attendant, elle traîne ses journées sur les réseaux sociaux. Samuel, en passe de se remarier avec une jeune beauté polonaise, est un chirurgien esthétique passionné par les nez et leur sculpture. La renommée et la rentabilité de sa clinique tiennent avant tout aux commentaires postés a posteriori sur Internet. Elles pourraient être mises à mal au moindre avis négatif.

Et justement, attention à cette nouvelle patiente nommée Yasmine Khoury, une jeune femme voilée au physique troublant, qui déclare être une influenceuse youtubeuse largement suivie. N’est-il pas étrange qu’elle sollicite une intervention chirurgicale, concomitamment à la réception par Paul, Clothilde et Samuel d’une série de mails émis depuis la Syrie en guerre par un certain Feras Ashour ? Un inconnu prétendant être leur demi-frère et revendiquant de trouver refuge en France auprès d’eux.

Chez les Simart-Duteil, on se crispe ; rien de tel pour faire des erreurs. Leur impression d’une attaque ciblée est même amplifiée par l’actualité. L’attentat de Charlie, en janvier 2015 ; le Bataclan, dix mois plus tard. Et tous ces migrants qui déferlent… Tout perdre ? Il est temps de se protéger !

L’ossature du roman s’inspire librement d’un fait divers qui défraya la chronique. Ne vous documentez pas trop tôt. Comme dans mon roman La trahison de Nathan Kaplan, fiction calquée elle aussi sur un fait divers, prendre connaissance de la source d’inspiration pourrait dévoiler prématurément un rebondissement qu’il est plus plaisant de découvrir au bon moment.

La construction de l’ouvrage est sophistiquée. Le vécu et le caractère des personnages se complètent au fil de la lecture, comme des pièces de puzzle sorties de façon aléatoire. L’écriture est à la fois percutante et harmonieuse. Alternance de phrases longues et courtes. Humour sous-jacent. A la narration classique le texte intègre, sans ponctuation particulière, tout ce qui se dit et se pense au même moment : monologues mentaux des personnages, dialogues, descriptions et commentaires incidents s’enchaînent sans reprise de souffle. Un parti littéraire qui pourra au début en dérouter certains, mais le roman se lit très facilement, très agréablement.

GLOBALEMENT SIMPLE ooooo J’AI AIME PASSIONNEMENT

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