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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Roman Fleuve, de Philibert Humm

Publié le 5 Janvier 2023 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Janvier 2023,

L’aventure, c’est l’aventure, on le sait ! Cela a été dit, filmé, chanté, mais on n’est pas plus avancé pour autant, car à chacun sa conception de l’aventure. Les audacieux, comme Sylvain Tesson, vont la chercher au bout du monde, dans les conditions les plus extrêmes. Des romanciers la vivent depuis leur fauteuil, par procuration de personnages auxquels ils peuvent faire prendre tous les risques. Il y a encore une troisième voie ; dans Roman Fleuve — qui avec ses deux cent soixante-dix pages n’en est pas un —, Philibert Humm tente de démontrer que l’aventure peut aussi se ressentir dans une équipée modeste, d’attractivité insipide, par opposition aux catalogues exotiques clinquants des tour-opérateurs spécialisés.

Philibert Humm est journaliste au Figaro. Ce jeune trentenaire a déjà publié plusieurs livres, des recueils de chroniques d’expériences personnelles menées sur les chemins de France. Son dernier opus, récompensé par le prix Interallié 2022, s’inscrit dans le même registre. Mon expression « chemins de France » s’y entend au sens le plus large, incluant les voies navigables.

Roman Fleuve est le récit d’une expédition menée quelques années plus tôt par l’auteur et deux camarades de son âge : la descente de la Seine à la rame sur un petit canot, depuis Paris jusqu’à la mer ; du pont du Garigliano au vieux bassin de Honfleur. Etape par étape, tout au long des rives, les paysages, les localités, les curiosités sont présentés et expliqués à la manière d’un guide touristique. Un pastiche qui pourrait échapper aux lectrices et aux lecteurs ne dépassant pas le premier degré, lesquels pourront aussi s’extasier sur la richesse humaine des rencontres entre les « aventuriers » et le « peuple » des rives de la Seine, des gens qui vivent ou travaillent là, avec leurs singularités pittoresques. L’amateurisme des navigateurs est assumé avec une autodérision drôle et sympathique.

Le texte est surtout l’occasion pour un homme jeune spirituel et cultivé d’exprimer avec humour des avis critiques tous azimuts sur les mœurs et les pratiques de nos compatriotes contemporains. La critique s’étend aux clichés littéraires et aux façons de parler, ce qui ne manque pas de lui donner un ton pataphysique et oulipien. L’auteur dispose d’une verve inépuisable, alimentée par un vocabulaire très riche, lui permettant d’intégrer ses aphorismes drolatiques avec fluidité, sans baisse d’intensité, ce qui donne au récit une unité, un vrai caractère.

L’humour loufoque et absurde, un peu potache, du récit fait sourire les vieux singes de ma génération sans vraiment les surprendre. Nous prenons du plaisir à déceler les facéties et les jeux de mots en filigrane, tout en saluant la démarche respectable consistant à engager des réflexions sérieuses sans se prendre au sérieux. En revanche, la répétition insistante de péripéties insignifiantes finit par être lassante.

Alors, Roman Fleuve est-il un grand roman ? Ce fut probablement l’avis du jury du prix Interallié. D’ailleurs, son président, Philippe Tesson, et son fils, l’écrivain voyageur Sylvain Tesson déjà cité, sont présents dans le récit, un peu à la manière des guest-stars des téléfilms américains.

Porté par l’originalité, le talent de plume et la vivacité d’esprit de son auteur, Roman Fleuve est plutôt ce que j’appellerais un brillant exercice de style. Espérons qu’il sera suivi, un jour, d’un roman pur jus, fondé sur une véritable intrigue.

GLOBALEMENT SIMPLE     ooo   J’AI AIME

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