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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

La famille Karnovski, d'Israel Joshua Singer

Publié le 30 Juillet 2018 par Alain Schmoll in Littérature, romans, critique littéraire, lecture

Juillet 2018,

Israel Joshua Singer était le frère aîné d’Isaac Bashevis Singer. Journaliste puis romancier, il a, comme son prix Nobel de frère, écrit en yiddish des fictions inspirées par la vie des Juifs originaires de l’Europe de l’Est. Tous deux ont quitté la Pologne pour les États-Unis en 1935.

 

Dans La famille Karnovski, roman publié en 1943, l’auteur brosse, sur une quarantaine d’années, les pérégrinations d’une famille juive de Pologne, installée à Berlin à la fin du dix-neuvième siècle, puis émigrée aux Etats-Unis dans les années trente. La narration prend fin avant le début de la seconde guerre mondiale.

 

Jeune négociant prospère, érudit et adepte d’un judaïsme philosophique, David Karnovski quitte sa Pologne natale avec son épouse, pour s’établir à Berlin, ville qui incarne pour lui la modernité. Non sans mal, il parvient à s’intégrer au sein d’une bourgeoisie juive assimilée dans la vie berlinoise depuis plusieurs décennies tout en observant fidèlement sa religion. Un microcosme dans lequel on est juif à la maison, allemand en ville.   

 

Après une enfance rebelle, son fils Georg est mobilisé comme médecin-militaire pendant la Grande Guerre. Il devient par la suite un chirurgien obstétricien renommé. Non pratiquant, il épouse une Allemande non juive, au grand dam de son père.

 

Après l’arrivée au pouvoir des Nazis et la mise en œuvre de leur arsenal de persécution des Juifs, la famille émigre aux Etats-Unis. Elle n’y retrouve pas l’aisance financière à laquelle elle était habituée, car Georg peine à obtenir l’autorisation d’exercer la médecine. Déraciné en plein âge ingrat, son fils Jegor vit douloureusement sa double identité juive et aryenne. Il part à la dérive…

 

Deux thèmes émergent dans cette saga familiale plutôt attachante, animée par de nombreux personnages hauts en couleurs : la réticence non avouée des Juifs assimilés à accueillir des Juifs immigrants, et la difficulté pour un homme de conviction à élever un fils en lui transmettant ses propres valeurs. Quel comportement privilégier : l’intransigeance rigide de David ou la bienveillance tolérante de Georg ?

 

Intéressante est l’évocation, par petites touches en arrière-plan, des événements qui ont impacté la vie quotidienne à Berlin, après la défaite allemande de 1918 et la chute de l’Empire : avènement de la République de Weimar, manifestations spartakistes, crise économique et hyperinflation, avant-gardisme culturel, montée en puissance des idées national-socialistes et des brutalités de leurs affidés.

 

J’ai en revanche été contrarié par la rigidité des profils psychologiques que l’auteur assigne à ses  personnages, d’autant plus qu’il prend le soin d’en détailler et redétailler tous les traits jusqu’à plus soif. Une construction littéraire sans doute inspirée des tragédies antiques et de leurs protagonistes archétypaux ! Un procédé quelque peu démodé dans la littérature moderne, les lecteurs n’ayant plus besoin qu’on leur mette des points sur les « i », comme s’ils étaient incapables d’appréhender un profil caractériel complexe à partir de quelques signes.

 

Même profusion de détails et excès de sentimentalisme dans l’analyse des sentiments et des réactions : enthousiasmes, déceptions, colères, joies et peines manquent de nuance et de sobriété dans leur narration.

 

Dommage ! Hormis ces analyses interminables et quelques dérapages mélodramatiques, la traduction française de l’ouvrage reflète une écriture ronde, claire, précise, empreinte d’une sorte d’ironie distancée et badine, qui le rend agréable à lire.

 

Une chose m’a frappé : le mot « nazi » n’apparaît jamais dans les sept cents pages du livre, pas plus d’ailleurs que le nom d’Hitler. Pour désigner les Nazis, l’auteur emploie couramment l’expression « les hommes bottés », comme s’ils étaient juste des fascistes antisémites violents. Il est vrai qu’Israel Joshua Singer est mort subitement à New York début 1944 et qu’il n’a peut-être pas eu conscience de la Shoah et de son ampleur.

FACILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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