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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

La famille Moskat, d'Isaac Bashevis Singer

Publié le 25 Juillet 2018 par Alain Schmoll in Littérature, romans, critique littéraire, lecture

Juillet 2018,

Isaac Bashevis Singer est un écrivain juif américain, né en Pologne au début du vingtième siècle. Installé aux États-Unis à partir de 1935, il s’éteint à Miami en 1991. Salué par un prix Nobel de littérature, son talent de conteur illumine une œuvre écrite en yiddish, largement inspirée par la vie des Juifs dans sa patrie d’origine. Publiée en 1950, La famille Moskat est une vaste fresque de près de huit cents pages, qui s’ouvre deux ans avant le début de la première guerre mondiale. Elle s’achève vingt-sept ans plus tard, aux premiers jours de l’invasion de la Pologne par les Nazis.

Un roman d’inspiration réaliste. L’impression d’une immersion dans une ville inconnue, au sein d’une grande famille juive où l’on ne connaît personne. Nécessaire de découvrir chacun, de retenir des patronymes complexes, de comprendre les liens de parenté, de découvrir les non-dits. Dans Varsovie, où l’on se perd dans les noms des rues, l’animation populaire vibrionnante donne le tournis, comme dans certaines pages parisiennes de Balzac.

 

La famille Moskat s’apparente à un roman de mœurs. Les personnages gravitant autour de la famille sont mêlés à toutes sortes d’intrigues. Mais leur narration a surtout pour objet de mettre en scène la diversité de la très importante population juive de Pologne d’avant-guerre, soit quelque trois millions et demi de personnes… L’on sait que ne survivront qu’une poignée de miraculés et ceux qui auront pris à temps la direction de l’Amérique ou de la Palestine.

 

Historiquement – et c’est ce qui apparaît au début du livre, avant la mort du riche et autoritaire patriarche Meshulam Moskat –, la vie quotidienne des Juifs de Varsovie était rythmée par un judaïsme orthodoxe assidu. Hommes et femmes en respectaient les traditions vestimentaires et se tenaient à l’écart de la population polonaise catholique, les Goyim. Ils s’exprimaient en yiddish, plus rarement en hébreu. De temps à autre, de vifs débats sur des interprétations de textes sacrés opposaient des ultra-orthodoxes, au sein de courants hassidiques antagonistes.

 

A l’issue de la première guerre mondiale et après la révolution soviétique, la Pologne, libérée des tutelles russes et allemandes, retrouve son unité et son indépendance. Les courants nationalistes et antisémites progressent. Peu attentifs à ces évolutions, les Juifs sont surtout préoccupés de voir leurs nouvelles générations céder peu à peu à la modernité et s’adonner à des pratiques « hérétiques », comme suivre des enseignements littéraires ou scientifiques, se vêtir et se coiffer à l’occidentale, s’exprimer en polonais, en russe ou en allemand. On regrette ceux qui partent aux Etats-Unis ou en Palestine. On vilipende les mariages mixtes et les conversions.

 

Ce panorama social très spécifique est illustré par quelques individualités marquantes, sans que l’on puisse parler de personnages principaux, au sens romanesque.

 

Géant barbu ventripotent et apoplectique, Abram Shapiro est l’un des gendres de Meshulam Moskat. Truculent, provocateur, jouisseur, coureur de jupons, panier percé, bonimenteur, mais toujours prêt à rendre service, il est en permanence sur la corde raide, mettant sa santé à rude épreuve.

 

Intellectuel érudit, mais falot et introverti, Asa Heshel Bannet a su s’extraire de l’emprise hassidique de son enfance. Inspiré par Spinoza mais manquant de caractère, il doute de tout, y compris de lui-même, et ne parvient pas à donner un sens à sa vie. Séducteur malgré lui, il s’avère incapable de rendre heureuse la très belle et mélancolique Hadassah, petite fille du patriarche. Finalement, seul le plaisir de l’instant pourrait avoir une valeur à ses yeux.

 

Intendant du patriarche, Koppel Berman, profite de la mort de son patron pour s’enrichir. Mais sa fortune ne lui apporte aucune sérénité, car son manque de scrupules ne vaut pas absence de conscience. Et sa quête permanente de reconnaissance par les femmes ne s’arrête jamais. 

 

J’ai été particulièrement frappé par les Hassidim ultra-orthodoxes, leur obsession de la Loi et le bonheur extatique que leur procure leur foi ! Un bonheur extatique qui s’exprime chaque jour par des rires, des chants et des danses. Dieu les a élus, Dieu les secourra, ils n’en doutent pas ! Ils n’ont pas un sou, leurs enfants n’ont rien à manger ; ils vivent dans des conditions sanitaires précaires et sous la menace permanente des persécutions et des pogroms… Mais si Dieu l’a voulu, c’est juste bien ! Les travers subis ne sont que les souffrances d’accouchement du Messie, dont l’arrivée est imminente ! Ils resteront donc en Pologne malgré les prémisses de l’holocauste à venir. C’est sans doute ainsi que le peuple juif a pu surmonter vingt siècles de massacres et de persécutions...

 

Une lecture qui prend du temps, et que je qualifierais d’intéressante plutôt que captivante.

DIFFICILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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