Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Anna Karénine, de Léon Tolstoï

Publié le 11 Juin 2017 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, romans

Anna KarénineJuin 2017,

Greta Garbo, Vivian Leigh, Jacqueline Bisset, Sophie Marceau, Keira Knightley… quelques actrices parmi les plus belles et les plus « bankables » de l’histoire du cinéma ! Elles ont interprété Anna Karénine dans l’une des nombreuses adaptations du roman à l’écran. C’est dire la puissance mythique du personnage de femme imaginé par Léon Tolstoï dans son ouvrage éponyme, même pour celles et ceux qui ne l’ont pas lu, ce qui était mon cas jusqu'à ces derniers jours.

Pour tout un chacun, Anna Arcadievna Karénine incarne, jusqu'à se perdre, la femme qui choisit délibérément l’amour d’un séducteur patenté, le comte Vronski, envers et contre tous usages, préjugés et obstacles...

Un coup de foudre réciproque. Une femme et un homme, disposant tous deux d’une force de séduction hors du commun, se regardent, se sourient et cèdent à l’attirance qu’ils exercent l’un sur l'autre. S’installe une relation passionnelle échappant à toute maîtrise par la raison. Vronski, célibataire, met sa carrière de côté ; pas grave pour un homme né riche, à la conscience légère. Anna, mère d‘un petit garçon, trompe ouvertement son mari Karénine, puis quitte le foyer familial pour s’installer avec son amant. Dans la société aristocratique russe de l’époque, c’est une faute dont le poids est insupportable. L’histoire d’amour devient histoire d’amour coupable, puis, dans la logique de la littérature classique, tourne à l’histoire d’amour tragique.

On connaît Phèdre et la malédiction de l’amour interdit… Dans Anna Karénine, l’aspect transgressif de sa relation pousse le couple à se replier sur soi, à s’isoler, à ne plus se nourrir à chaque instant que de l’exaltation de sa passion… Mais cela ne marche pas éternellement. Même si les sentiments restent vifs, les rituels de l’amour s’affadissent avec les années. L’ennui guette. Quand l’un cherche alors à s’en extraire, c’est la jalousie qui infiltre l’autre, un poison insidieux qui ronge l’âme jusqu'à la folie…

La jalousie ! Tolstoï en dissèque minutieusement – comme Proust quelques années plus tard – les mécanismes et les effets sur ses différents personnages. Car le roman dépasse la seule histoire du couple formé par Anna et Vronski. Structuré en épisodes comme un feuilleton ou une série se déployant sur plusieurs années, le livre, qui compte un millier de pages, trace aussi l’évolution des Oblonski et des Lévine, deux couples légitimes, sans que pour autant leur parcours soit un long fleuve tranquille. Trois femmes et trois hommes, parents pour certains, se croisent et se recroisent ainsi dans les milieux aristocratiques dont ils sont issus.

L'occasion de s'immerger dans la Russie de l’empereur Alexandre II des années 1870. La philosophie des Lumières infuse lentement dans les esprits. Les premières théories socio-économiques aussi. Tolstoï pose les débats de son temps. Faut-il s’ouvrir à la modernité occidentale ou préserver la tradition russe ? Doit-on donner la priorité au peuple ou à l’individu ?... L’agriculture, l’industrie et le commerce sont confrontés aux mutations déclenchées par le progrès technique, une problématique qui dure de nos jours. Le servage vient d’être aboli, mais les paysans n’en vivent pas moins misérablement. A Saint-Pétersbourg, la haute société vit dans un faste et un luxe inouïs, à quelques centaines de mètres des immeubles lugubres où survivent avec peine les personnages de Crime et châtiment, publié une dizaine d’années plus tôt par Dostoïevski, l’autre géant du roman russe. Pas étonnant que ces contrastes détonnants mènent, quelques décennies plus tard, à la révolution d'octobre.

A l’instar d’un Zola, Tolstoï observe attentivement les détails de la vie quotidienne, en ville, dans les campagnes, dans les différents milieux sociaux. Mais ce qui est essentiel et passionnant dans Les Rougon-Macquart n’est qu’accessoire et parfois fastidieux dans Anna Karénine. La cérémonie religieuse du mariage de Lévine, par exemple, est très longuement développée ; la lecture donne l’impression d’y assister en temps réel : les mariés sont en retard, les invités bavardent… Aussi ennuyeux qu’en vrai !... Même chose pour l’agonie interminable du frère de Lévine, dont la narration est oppressante.

Lévine par ci, Lévine par là ! Et si c’était lui le personnage principal du roman ? Un idéaliste en amour, un visionnaire social utopiste, un homme qui croit au progrès et aussi en Dieu ; un homme qui s’exprime sur tous les sujets abordés dans ce roman aux multiples facettes. Un personnage créé par Tolstoï à son image : un aristocrate qui se voudrait un homme du peuple, mais qui reste désespérément un aristocrate.

GLOBALEMENT SIMPLE ooo  J’AI AIME

Commenter cet article