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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Les âmes féroces, de Marie Vingtras

Publié le 5 Janvier 2025 par Alain Schmoll in Littérature, chroniques littéraires, lecture, romans

Janvier 2025 

Il y a des romans dont l’entame est fulgurante, mais qui s’étiolent de chapitre en chapitre et qui, pour finir, déçoivent. D’autres démarrent lentement, puis l’intérêt, ou la tension, ou le charme — de quelque nature qu’il soit — s’élève au fil de leurs pages pour atteindre des sommets, de sorte qu’on ne peut pas les lâcher et qu’on en arrive à regretter de les terminer. Les âmes féroces, de Marie Vingtras, est de ceux-là. Il a fallu que j’engage la deuxième des quatre parties du roman pour que, soudain, sa lecture devienne réellement captivante.

Après un très court prologue censé servir d’amuse-bouche, le livre s’ouvre par la découverte sur la berge d’une rivière du corps sans vie d’une jeune fille. S’en suit le lancement de l’enquête par la police locale… Jusque là, rien d’original !… Rien d’autre que l’entrée en matière de centaines de polars et de téléfilms de série B !

Cette première partie du roman est toutefois assortie de quelques originalités. La narratrice est justement la cheffe du bureau de police, une femme récemment élue shérif de Mercy, petite ville américaine de quatre mille habitants, dans laquelle « il ne se passe jamais rien » (la localisation de la fiction aux Etats-Unis est un choix assumé par l’autrice française, j’y reviendrai). Cette femme inattendue à ce poste décrit avec une objectivité qui l’honore son propre aspect, masculin, mastoc, disgracieux, et elle évoque abondamment sa vie conjugale épanouie avec une autre femme. Une particularité qui se veut probablement un peu militante, un peu provocatrice, et qui ne méritera, lectrice, lecteur, ni enthousiasme ni indignation de ta part.

Fin de la première partie, exit la shérif Lauren et ses confidences sur sa vie professionnelle et privée. Un nouveau narrateur lui succède. Il connaissait bien la victime. C’est un solide profil de « suspect numéro un », au regard de faits anciens qu’il dévoile et de ses comportements plus récents dont il rend compte. La lecture devient savoureuse.

Un autre narrateur suspect apparaîtra dans la troisième partie, puis encore un autre dans la quatrième. Chacun raconte des souvenirs, récents et anciens, plus ou moins liés à sa relation avec la jeune fille assassinée, tout en suivant l’enquête et les événements du jour d’un œil apparemment distant. Voilà qui permet de saisir peu à peu la vraie nature des personnages et de découvrir des stratégies révélant des âmes féroces, certes, mais surtout des esprits turpides.

Finalement peu importe le coupable, ce livre n’est pas un polar. Quatre parties, quatre histoires courtes, quatre récits en cercle se recoupant autour du meurtre. Une construction romanesque astucieuse. Si la première de ces histoires m’a peu emballé, les autres m’ont passionné, d’autant que l’autrice a pris le soin d’adapter le langage et le style du texte au profil social des narrateurs : une policière de terrain dont le père était fermier, un intellectuel issu d’une famille de notables new-yorkais, une adolescente perverse et manœuvrière fille d’un banquier local, un artisan en faillite lâché par ses proches. Chacun s’exprime comme il se doit, même si l’autrice insuffle ça et là sa touche personnelle de poésie.

Dans ces récits qui se conjuguent en un roman choral, d’autres personnages truculents, eux aussi pourvus d’une âme féroce et d’un esprit turpide, sont disséqués par l’autrice avec une verve acérée et malicieuse ; des personnages secondaires plus ou moins directement impliqués dans des circonstances survenues depuis plusieurs années, ayant d’une manière ou d’une autre mené au drame.

Devenue écrivaine sous le pseudonyme de Marie Vingtras, l’autrice est passionnée par la littérature américaine, qu’elle considère comme un fonds inépuisable de profils et de caractères à créer. Elle a travaillé pendant plus de vingt ans dans le secteur du droit social, un métier qui l’amène à écrire au quotidien, mais elle avait rêvé, enfant, d’être un jour romancière. Ce n’est que récemment qu’elle a voulu savoir, à l’instar d’un personnage de son roman, si elle était « capable de raconter une histoire sortie de son imagination débordante ». Son premier roman, Blizzard, fut en 2021 un beau succès de librairie. Les âmes féroces, d’ores et déjà gratifié de prix littéraires, devrait suivre le même chemin.

FACILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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