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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Long Island, de Colm Toibin

Publié le 29 Octobre 2024 par Alain Schmoll in Littérature, chroniques littéraires, lecture, romans

Octobre 2024, 

Contrairement à ce que son titre laisse supposer, Long Island n’est pas un roman américain ; tant pis, tant mieux ! L’essentiel de l’action se situe en Irlande, patrie de l’auteur, Colm Tóibín, dont j’avais lu et beaucoup apprécié le précédent livre, Le Magicien, une biographie romancée du grand Thomas Mann.

C’est pourtant bien à Long Island, cette île toute proche de New York, qu’Eilis, une Irlandaise d’une quarantaine d’années, vit avec Tony, son mari, et leurs deux enfants adolescents. Ce sont les années soixante-dix. Leur environnement familial italo-américain est un peu étouffant, mais pour une femme de la classe moyenne de l’époque, il diffuse un sentiment de sécurité pouvant ressembler au bonheur. Voilà toutefois qu’une cliente de Tony se retrouve enceinte de lui et que le mari trompé, furieux, a la ferme intention de remettre le futur bébé à la famille du père biologique. Un projet qui semble satisfaire tout le monde… sauf Eilis, qui n’en veut absolument pas.

Elle décide donc de prendre un billet d’avion pour l’Irlande… Un aller simple, sans préjuger de l’avenir. L’idée est de rendre visite à sa mère, qu’elle n’a pas revue depuis vingt ans, et de se ressourcer à Enniscorthy, sa ville natale (et celle de l’auteur). Là, rien n’a changé, ni l’apparence des rues, ni les paysages alentours, ni les pratiques locales, rythmées par les potins, les messes dominicales et la fréquentation des pubs ; on picole pas mal, mais on ne baise pas… ou discrètement. Et puisqu’il est question de pubs, le patron du principal établissement au centre-ville, Jim Farrell, n’a pas changé non plus depuis le jour lointain où Eilis et lui avaient ressenti un fort coup de cœur réciproque, avant qu’elle reparte précipitamment en Amérique pour se marier.

Que peut-il se passer pour eux, entre eux, après autant d’années ? Comme tu le sais, lectrice, lecteur, certains de nos souvenirs ne s’effacent jamais. Mais en est-il de même pour « l’autre » ? Et ensuite, comment envisager l’avenir ? Eilis et Jim gambergent, c’est le thème principal du roman.

Eilis pourrait-elle décider, sur un coup de tête, de s’installer à des milliers de kilomètres de la famille qu’elle a fondée, de ses enfants ? A l’inverse, peut-elle leur demander de vivre en Irlande, de renoncer à leur père, à leur famille, à leurs projets en cours ? Ou alors Jim serait-il capable, à quarante ans passés, sur le même coup de tête, de quitter son pays, son village, le pub prospère légué par ses parents, pour rejoindre une femme outre-Atlantique, dans une contrée où il n’a jamais mis le pied ?

L’avenir ne tient qu’à un fil et il est difficile de savoir dans quel sens il basculera. Lectrice, lecteur, tu attendras donc le dénouement avec fébrilité. Peut-être même auras-tu une préférence, avec une recommandation personnelle destinée à Eilis ou à Jim ? Attention, ta réponse en dira long sur toi !

Il ne faut pas pour autant négliger le rôle important que joueront deux drôles de paroissiennes : la mère d’Eilis, une octogénaire aussi vive que manipulatrice, et Nancy, une copine d’enfance d’Eilis, qui cultive des visées très secrètes mais très déterminées sur Jim.

Taiseux par nature et par éducation, les personnages ressassent mentalement leurs observations, leurs intentions, ils prennent conscience des opportunités qui s’offrent ou pourraient s’offrir. L’auteur les ausculte avec finesse, évoque leurs sentiments, leurs contrariétés, leurs envies ; il les écoute préparer leurs plans, les confronter aux risques, aux inconvénients… Des introspections en boucle qui imposent à la narration une lenteur agaçante au début ; puis on se laisse attendrir par les attitudes pudiques et un peu démodées, ainsi que par la nostalgie d’un temps où, en l’absence de téléphone portable, on appelait d’une cabine publique.

Le livre est structuré en six parties. La première pose la situation à laquelle Eilis est confrontée à Long Island. Les cinq suivantes sont toutes découpées en trois chapitres consacrés, dans l’ordre, à Nancy, à Eilis et à Jim. Une architecture littéraire intéressante qui permet au narrateur (de type universel) de revenir en arrière sur une séquence déjà relatée, en la présentant sous l’angle d’un autre personnage.

Le texte (de la traduction française) est fluide, grammaticalement irréprochable, peut-être trop académique, ce qui par instant l’affadit, avec des protagonistes qui ont de l’esprit, mais manquent un peu de chair.

GLOBALEMENT SIMPLE     ooo   J’AI AIME

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