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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

J'ai péché, péché dans le plaisir, d'Abnousse Shalmani

Publié le 16 Avril 2024 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Avril 2024, 

On la voit et on l’entend de plus en plus dans les médias, où elle défend avec charme et virtuosité des convictions libérales et libertaires bien senties. Avant l’installation de sa famille en France, Abnousse Shalmani avait passé une partie de son enfance en République Islamique d’Iran. Elle sait donc ce que sont l’obscurantisme, la dictature et l’oppression des femmes.

Chroniqueuse, réalisatrice, journaliste, elle est aussi écrivain. Après quelques ouvrages inspirés de son expérience personnelle, elle vient de publier un roman historique au contenu littéraire riche, à la forme originale et au titre inattendu : J’ai péché, péché dans le plaisir.

Le livre raconte les vies de deux femmes poètes aujourd’hui oubliées, deux femmes qui décidèrent de donner libre cours à leurs talents, à leurs désirs et à leurs amours.

Dans les beaux quartiers parisiens, à la toute fin du XIXe siècle, Marie, fille du poète José-Maria de Heredia, épouse le poète Henri de Régnier. Elle prend comme amant un autre poète, Pierre Louÿs, un dandy alors renommé pour ses nombreuses conquêtes féminines et pour sa plume élégamment érotique. Marie écrira elle-même des poèmes et des romans, dans lesquels elle ne s’interdira aucune transgression. Ils lui vaudront plusieurs prix de l’Académie française.

Soixante ans après Marie, à Téhéran, Forough Farrokhzad épouse à l’âge de seize ans l’homme qu’elle s’est choisi. Il la méprise parce qu’elle l’aime et parce qu’elle ressent du désir pour lui : impensable pour une femme ! Forough divorce rapidement et écrit ses premiers recueils de poèmes. Ses vers expriment ses fantasmes féminins et des aspirations féministes. Ils font scandale dans son entourage bourgeois, corseté par des inhibitions civiles et religieuses.

Pour relater les parcours de Marie et de Forough, Abnousse Shalmani s’est affranchie des stéréotypes de la narration historique. Elle a construit un roman autour d’un personnage fictif contemporain de Forough, un jeune Iranien francophone, poète et historien de la poésie. Prénommé Cyrus (un hommage en passant au fondateur de l’Empire perse), le jeune homme avait traduit en persan les œuvres de Marie de Régnier et de Pierre Louÿs. Quand il rencontre Forough, il tombe raide dingue, lui dévoile ce qu’il sait de Marie et de Pierre. La poète iranienne est troublée et séduite. Pendant des années, entre deux étreintes — secrètes et non exclusives —, Forough écoutera Cyrus lui lire les vers et lui raconter la vie libertine de la poète française.

Un conte des mille et une nuits à l’envers. Un homme qui récite, une femme orientale qui découvre la tolérance de la société parisienne à la Belle Epoque. Quel décalage avec l’Iran du Shah, dévot, puritain, conformiste, misogyne, où l’impénitente pécheresse autoproclamée Forough ne trouve ni sa place ni la paix ! Il y eut pourtant une poésie persane classique, laquelle ne se privait pas, il y a des siècles, d’exalter sans fausse pudeur, sans crainte du péché, la beauté des corps et le lyrisme de l’amour. Celle qui en hérite naturellement, c’est la Française. Marie, le péché, connaît pas !

La lecture de J’ai péché, j’ai péché dans le plaisir m’a captivé. Agrémentée d’anecdotes solidement documentées, la biographie de chacune de ces deux femmes procure un éclairage historique et littéraire large et passionnant.

Les deux cents pages du livre sont denses, leur contenu est érudit, mais la lecture est fluide, par moment jubilatoire. La prose est simple, vive, primesautière. L’auteure conjugue habilement les temps et les modes, ce qui imprime du rythme à la narration. Elle n’hésite pas à placer ici ou là un terme cru qui ne choque pas, parce qu’il vient avec pertinence.

Le texte est émaillé de jolies strophes écrites par Forough, par Marie, par Pierre, un brelan de poètes disparus des mémoires, dont je n’avais jamais rien lu. Leurs vers chantent le luxe, le calme et la volupté. Baudelaire n’est jamais loin des grands écrivains.

GLOBALEMENT SIMPLE  ooooo J’AI AIME PASSIONNEMENT

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Z
Bon, il va falloir que je me penche sur ce livre !
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