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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Les alchimies, de Sarah Chiche

Publié le 16 Avril 2024 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Avril 2024, 

Le crâne disparu du célèbre peintre espagnol Goya fait depuis longtemps couler beaucoup d’encre… et de sueur. Il constitue un mythe mystérieux comparable à la légende médiévale du Graal. Celles et ceux qui se consacrent activement à sa quête n’aspirent pas à l’Immortalité ni à la Connaissance absolue. Ils veulent juste savoir à quoi ressemble le cerveau d’un génie.

De ce mystère, Sandra Chiche a fait la clé de voute d’un roman, Les alchimies. Son personnage central, Camille Cambon, est une femme de quarante-huit ans, médecin légiste de profession.

Le livre s’articule en deux parties. La première permet de faire connaissance avec Camille, qui raconte sa vie de femme divorcée. Elle expose la philosophie et les enjeux de son métier, qu’elle exerce dans l’institut médico-légal d’un hôpital important, un métier qui la relie spirituellement à son père, qui avait été lui-même médecin légiste. Ce père, Pierre, disparu accidentellement en compagnie de Léa, son épouse, mère de Camille, avait été l’auteur d’un livre sur Francisco Goya. Il en avait abondamment disséqué l’œuvre et la vie (ainsi que la mort) devant sa fille. Le sujet passionnait aussi Alexandre, le parrain de Camille, un grand neurologue, ami d’enfance de Pierre…

De quoi se demander où la narratrice veut en venir ! Mais tout se connecte logiquement, et puisqu’on est dans un système en plug and play, elle reçoit un mail mystérieux qui l’intrigue, car il y est question de… Goya, de ses parents et de son parrain…

A l’origine du mail, une dame très âgée, Jeanne, qui se présente comme une ancienne amie très proche d’Alexandre, de Pierre et de Léa, un brelan de surdoués, fascinés par la recherche neurologique et par le contenu des cerveaux… vivants ou morts. Ils s’interrogeaient. Quelles sont les alchimies subtiles qui font le cerveau d’un être d’exception ? Alexandre se demandait aussi quelles transmutations, quelles reconnexions cérébrales avaient pu un jour amener un peintre hors norme comme Goya à modifier le sens de son œuvre ? Et Pierre aurait bien voulu savoir si le cerveau de Goya mort avait conservé des traces de son génie.

Alexandre, Pierre et Léa. C’est leur vie qu’évoque Jeanne devant Camille tout au long de la seconde partie du livre. Elle lui raconte leur jeunesse, leurs rencontres, ainsi qu’un événement dramatique négligemment oblitéré. Tout ce qui permettrait, selon Jeanne, — et on se demande avec Camille de quoi elle se mêle — de libérer cette dernière de l’emprise mentale exercée par la mémoire de parents et d’un parrain à la personnalité écrasante.

Un thème qui semble récurrent chez Sarah Chiche, psychanalyste et romancière. Ses personnages principaux sont souvent des femmes englouties dans les appétences insatiables de leurs parents. Dans un tableau célèbre de Goya, Saturne dévore ses enfants, une façon de garder le contrôle.

L’autrice a adossé un bel exercice d’imagination à un gros travail de documentation. Mais à partir de quand l’imagination tourne-t-elle au délire ou au canular ? Dans une enquête de ce genre, la dispersion est inévitable, la vérité est introuvable. Ecrivains et chercheurs ne font que rebattre les cartes. Et toi, lectrice, lecteur, tu peux te dire « tout ça pour ça ! », ou bien te laisser prendre au caractère addictif de la quête et partir à ton tour à la recherche du crâne de Goya.

Malgré un zeste d’humour – noir, bien sûr – tout reste finalement mystérieux, opaque, comme si l’ouvrage était destiné à une élite d’initiés. Un sentiment renforcé par la phraséologie adoptée : une syntaxe savante mais lourde, un peu empathique, avec un usage répété de longues énumérations ; des effets de style particulièrement surprenants dans la narration orale de Jeanne.

J’ai quand même appris beaucoup de choses très intéressantes sur Goya, sa vie, son œuvre, son crâne. J’ai souvent dit qu’un roman divertissant pouvait être plus instructif qu’une monographie austère.

DIFFICILE     ooo   J’AI AIME

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