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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Une Odyssée - Un père, un fils, une épopée, de Daniel Mendelsohn

Publié le 15 Août 2018 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture

Août 2018,

Deux livres récents rendent hommage à Homère, ce grand poète grec à l’identité unique ou plurielle mystérieuse. Je conseille de lire Une odyssée, de Daniel Mendelsohn, après Un été avec Homère, de Sylvain Tesson. Je publie en même temps mes critiques de ces deux ouvrages très complémentaires.

 

Une odyssée – un père, un fils, une épopée ! De quoi ce titre à rallonge est-il le nom ? Daniel Mendelsohn, écrivain, intellectuel, enseigne le grec dans une université new-yorkaise. Il anime des séminaires sur l’Iliade et l’Odyssée pour des étudiants de première année ; des séances hebdomadaires d’une demi-journée sur un semestre. Dans le livre, il revient sur un séminaire consacré à l’Odyssée, quelques années plus tôt, en présence de son père, un homme de quatre-vingt-un ans qui s’y était inscrit de son propre chef et l’avait suivi avec assiduité. Après la dernière séance, l’auteur et son père décidaient d’embarquer pour une croisière culturelle en Méditerranée « sur les traces d’Ulysse »…

 

Le poème de l’Odyssée, on le sait, relate les aventures d’Ulysse, roi d’Ithaque, ses dix années d’errance en Méditerranée après les dix années précédentes au siège de Troie, ses rencontres fantastiques d’île en île, avant son arrivée finale à Ithaque, chez lui, où il exécute les prétendants à sa succession, sans s’embarrasser de sommations inutiles. Retour à l’ordre des anciens jours auprès de Pénélope, sa fidèle épouse, et de leur fils Télémaque, vingt ans.

 

On trouve de tout chez Mendelsohn. Il met l’accent sur l’étude lexicale du poème : son analyse étymologique à la manière des exégèses hébraïques de rabbins érudits, séduira les philologues et les hellénistes (je ne suis ni l’un ni l’autre). Une approche de l’Odyssée à l’opposé de celle de Sylvain Tesson ! Me revient d’ailleurs une sentence de ce dernier, peut-être bien une pique pour un livre considéré comme concurrent : « Quand on tient un diamant dans les mains, on ne s’éberlue pas de la structure moléculaire du carbone, on s’émerveille des reflets »… Et pan !...

 

Mais quand, plus loin, Mendelsohn entreprend de décoder ce qu’il appelle la stratégie narrative homérique, il fait étinceler comme personne toutes les facettes du diamant. Pour l’amateur de romans que je suis, ça devient absolument passionnant.

 

Il faut bien comprendre que la lecture intégrale du poème, même traduit en français, est réservée à quelques hauts lettrés. Treize mille vers ! Comptez cinq cents pages, truffées de métaphores, de formulations cryptées, d’envolées lyriques. Les lecteurs de mon niveau doivent se contenter de résumés des aventures d’Ulysse. Des résumés complets, mais sèchement factuels. Frustrant !

 

Et voilà qu’avec Mendelsohn, on décrypte l’extraordinaire travail de composition narrative effectué par Homère afin d’assurer la cohérence des péripéties qui s’enchaînent et celle des attitudes des personnages. Un travail de romancier ! Les applications étudiées au cours du séminaire et rapportées dans le livre dévoilent toutes les richesses de l’Odyssée, un véritable roman-monde insérant la biographie complète d’un homme, Ulysse, dans la cosmologie métaphysique de son temps, sans oublier les sujets du quotidien auxquels Homère attache de l’importance, comme les relations fils-père – je vais y revenir ! – ou les petites choses qui assurent la cohésion d’un couple avec les années…

 

La lecture du livre donne l’impression d’être présent au séminaire, de participer au jeu des questions-réponses entre le maître et son auditoire, des jeunes gens tout juste sortis de l’adolescence, auxquels s’est joint un vieux monsieur apportant un complément d’éclairage qui les enchante, contrairement aux inquiétudes de son fils. Certaines scènes sont jubilatoires.

 

Les relations fils-père ! Au début, je ne voyais pas l’enjeu d’un tel livre. Encore un écrivain, m’étais-je dit, qui étale ses difficultés familiales en public, plutôt que d’aller consulter un psy !... Je faisais erreur. Ces relations fils-père sont fondamentales chez Homère, convaincu qu’un père garde toujours une part de mystère pour un fils. Pour Daniel Mendelsohn quinquagénaire, le séminaire et la croisière sont l’occasion ultime de découvrir un père. Au même titre que Télémaque, qui n’avait jamais connu le sien, Ulysse étant parti quelques semaines seulement après sa naissance. Au même titre qu’Ulysse lui-même, qui découvre à son retour un père très âgé, et ressent l’inexorabilité de sa mort prochaine… Jay Mendelsohn, père de Daniel, décédera dans l’année suivant le séminaire.

 

Finalement, un livre riche, passionnant et émouvant.

DIFFICILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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M
Un excellent commentaire à mes yeux, le genre d'article que j'aurais aimé écrire, à quelques nuances près
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I
J'ai lu Les disparus récemment, et L'étreinte fugitive, il y a quelque temps, de cet auteur : Une odyssée étant le 3e volet de ce que l'auteur considère comme une trilogie, disons thématique (puisqu'il n'y a aucun lien entre leurs intrigues respectives), j'ai bien l'intention de le lire, dès qu'il sera sorti en poche !
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