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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Les hommes ont peur de la lumière, de Douglas Kennedy

Publié le 13 Septembre 2022 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Septembre 2022, 

Ce dont j’étais sûr, c’est que j’avais lu au moins un des nombreux romans de Douglas Kennedy. Je ne me rappelais pas le titre ni le sujet — c’était il y a très longtemps —, mais j’avais gardé un souvenir positif de cet écrivain américain, qui séjourne souvent en Europe. J’observais qu’il avait une bonne réputation, qu’il comptait un grand nombre de lecteurs fidèles, dans plusieurs langues. Il était donc logique que je choisisse un jour, en toute confiance, de lire et de critiquer l’un de ses derniers livres.

Douglas Kennedy est connu pour construire ses romans à partir d’intrigues policières, qui lui servent de support pour critiquer sévèrement la politique et les mœurs sociales et sociétales aux Etats-Unis. Les hommes ont peur de la lumière ne déroge pas à la règle.

A cinquante-six ans, Brendan est au bout du rouleau. Cela fait plusieurs années qu’il a été viré de son poste d’ingénieur commercial, il n’a jamais retrouvé de boulot et il peine à se maintenir à flot dans un job de chauffeur Uber, avec l’angoisse d’être rayé des cadres compte tenu de l’état de sa voiture. Du côté familial, c’est encore pire, sa vie est un enfer, son épouse étant devenue une insupportable grenouille de bénitier. Leur fille Klara, dont il est proche, a préféré s’éloigner.

Au hasard d’un trajet dans Los Angeles, Brendan et une cliente — une femme âgée d’une grande bienveillance, nommée Elise — sont soudain confrontés à des expéditions ultra-violentes, aux conséquences parfois mortelles, menées contre des antennes du planning familial par un groupe d’intégristes chrétiens antiavortement. Un groupe auquel semble appartenir l’épouse de Brendan, ainsi qu’un ami d’enfance un peu manipulateur devenu prêtre.

De fil en aiguille, Brendan et Elise se retrouvent poursuivis par des tueurs lâchés à leurs trousses par un multimilliardaire compromis dans une affaire d’esclavage sexuel impliquant une toute jeune fille… Tout cela n’a ni queue ni tête, mais les péripéties sont l’occasion pour l’auteur d’afficher ses positions sur un certain nombre de sujets faisant l’actualité outre-Atlantique, comme l’ubérisation du travail, la liberté d’avorter, ou les menaces que les fondamentalismes religieux et le pouvoir de l’argent font peser sur la démocratie.

Le livre se lit très facilement, le texte français étant très fluide, tellement fluide qu’il donne parfois l’impression de manquer de consistance. Difficile d’évaluer sur ce sujet la responsable du traducteur ou celle de l’auteur, dont il est notoire qu’il est parfaitement francophone.

Un mot sur le misérabilisme de Brendan, narrateur des péripéties, qui ne m’a pas vraiment inspiré de compassion. Il pleure beaucoup, ce qui m’a fait penser aux romans préromantiques où l’on voyait des personnages poursuivis par le malheur et « versant des torrents de larmes ».

Le droit à la liberté pour une femme d’interrompre sa grossesse est actuellement mis à mal aux Etats-Unis. Les conflits sur le sujet ont toute leur place dans une fiction, mais il est à mon sens inutile et ennuyeux d’y introduire du débat. Ce n’est pas une question de peur de la lumière ; quand les conflits opposent foi et raison, il n’y a pas de débat qui tienne. Le roman de Douglas Kennedy est loin d’avoir le niveau de celui de Joyce Carol Oates, Un livre de martyrs américains, dont j’ai publié la critique en novembre 2019. La grande femme de lettres américaine a exploité avec beaucoup plus de subtilité romanesque et de réflexion psychosociale le phénomène qui transforme en assassins hargneux des bigots confits en dévotion et opposés à l’avortement, tandis que leurs ennemis proavortement mutent en militants prêts à se sacrifier pour leur cause.

Les hommes ont peur de la lumière est probablement un mauvais cru ! Cela peut se produire chez les auteurs prolifiques, de la même façon que pour une bouteille de grand vin… Faut-il d’ailleurs préconiser, comme semble s’en féliciter Douglas Kennedy par l’entremise d’Elise, l’usage de bouchons à dévisser sur les bouteilles de grand vin ? Les grands écrivains ont toujours envie d’aller très haut. Attention ! Il peut leur arriver aussi de dévisser.

FACILE     oo    J’AI AIME… UN PEU

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