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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Le Barman du Ritz, de Philippe Collin

Publié le 2 Septembre 2024 par Alain Schmoll in Littérature, chroniques littéraires, lecture, romans

Septembre 2024, 

J’ai hésité à lire Le Barman du Ritz. Depuis sa création à la Belle Epoque, l’hôtel Ritz contribue à la prestigieuse légende mondaine de Paris. Nombreuses sont les célébrités internationales à y avoir séjourné. A son bar, pendant plus d’un siècle — et presque sans discontinuité durant la Seconde Guerre mondiale —, des hommes politiques de tous bords et des possesseurs de grandes fortunes de toutes origines ont côtoyé des personnalités en vogue des arts et des lettres.

Je craignais que le livre ne soit qu’une suite d’anecdotes plus ou moins croustillantes, jouant sur le « name dropping » pour allécher les amateurs de ragots. Je me trompais.

Conséquence de l’installation au Ritz du haut-commandement allemand et de la décision surprenante des autorités nazies de considérer l’hôtel comme un territoire neutre, Le Barman du Ritz est bien la chronique historique d’une certaine vie mondaine parisienne pendant l’Occupation, de juin 1940 à août 1944. Mais ses ressentis romancés et leur narration au présent de l’indicatif te donneront l’impression, lectrice, lecteur, de vivre au jour le jour dans la tête de Frank Meier, le personnage principal du livre. A l’arrivée des Allemands, cet homme, la cinquantaine avancée, est le responsable du bar du Ritz depuis vingt ans. Il est considéré par les amateurs du genre comme le meilleur barman du monde, tant pour la qualité de ses cocktails que pour son empathie et sa serviabilité.

Avant d’imaginer les circonstances fictives qui viennent éclairer et illustrer des faits authentiques, l’auteur, un producteur de radio passionné d’histoire nommé Philippe Collins, s’était documenté pendant plusieurs années sur Frank Meier. Le fief de ce dernier, le bar du Ritz, est comme une scène de théâtre, où, pendant les quatre années de l’Occupation, se sont croisés des personnages réels.

Et quels personnages ! En premier lieu des officiers supérieurs de la Wehrmacht, des dignitaires nazis, venus en vainqueurs. Puis des stars parisiennes n’ayant pas renoncé à leurs habitudes d’avant-guerre, Sacha Guitry, Jean Cocteau, Arletty, Coco Chanel. Ensuite, des collabos, des supplétifs de la Gestapo, des opportunistes en quête de profits ou de filières de ravitaillement. Enfin, des dirigeants et des prestataires de l’hôtel, parmi lesquels une poignée de résistants clandestins plus ou moins actifs.

Au cœur d’une ville vaincue, dont les habitants souffrent de dures privations, l’hôtel Ritz jouit d’approvisionnements prioritaires. Un privilège destiné à sa clientèle résidente de vainqueurs et qui bénéficie également au personnel, notamment à Frank Meier, le patron du bar. Serait-il un profiteur de guerre ? Voilà qui finira par malmener sa conscience, au même titre que les relations courtoises que son métier l’amène à entretenir avec l’occupant honni, avec d’infects trafiquants français, avec des policiers corrompus qui traquent les Juifs pour s’approprier leurs biens… Mais qu’aurait-il dû faire ?

Le meilleur barman du monde a de surcroît un secret. De nationalité française et ancien combattant de la Grande Guerre, il était en fait né en Autriche dans une famille d’ouvriers juifs. De quoi être étiqueté comme juif pur sang par les nazis, s’ils l’apprenaient, bien qu’il soit éloigné de toute pratique confessionnelle. A l’instar de tous les Juifs pendant l’Occupation, Frank Meier craint pour sa vie, mais ça ne l’empêche pas de prendre des risques, d’équiper en faux papiers — parfois moyennant finance ! — des personnes dans l’obligation de fuir. Comment tout cela sera-t-il interprété ? se demande-t-il tandis que les armées alliées libératrices approchent de Paris.

L’ouvrage paraît léger à première vue, mais il soulève des questions de fond auxquelles il est difficile de répondre. Dans le contexte d’alors, fallait-il afficher sa judéité ou la dissimuler ? Quelle était la juste attitude pour un Juif : revêtir spontanément une étoile jaune ou chercher à se procurer une fausse identité ? Que penser des provocations de Blanche Auzello, l’épouse juive du directeur du Ritz et égérie du barman ? Toutes ces questions, le personnage de Frank Meier se les pose en son âme et conscience… Et nous, lectrice, lecteur, comment nous serions-nous comportés ?

Le livre se laisse lire, il a des vertus pédagogiques, mais il n’est pas un chef-d’œuvre de littérature. L’écriture est simpliste, certains passages traînent leur lenteur, d’autres semblent redondants. Mais ne nous plaignons pas des quelques longueurs d’un livre, alors que nos aînés ont subi celles de quatre années d’Occupation… et d’autres, bien pire encore.

FACILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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