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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Western, de Maria Pourchet

Publié le 11 Octobre 2023 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Octobre 2023,

Parmi les romans, j’aime particulièrement les histoires fictives calquées sur le réel et inscrites dans le cadre d’une actualité authentique et sensible. Alors qu’on débat de ce que pourrait ou devrait être l’amour post #MeToo, Western relate la rencontre fortuite d’une femme et d’un homme, une rencontre qui les confronte chacun à leur passé. Maria Pourchet la raconte sans parti pris, sans condamnation personnelle, en s’inspirant simplement des grandeurs et des petitesses humaines. Des situations imaginatives, inattendues. Une plume exceptionnelle en rend la lecture particulièrement excitante.

La femme, c’est Aurore, la petite quarantaine, plutôt pas mal physiquement, élevant seule son fils de huit ans. Une vie privée et une vie professionnelle de middle class parisienne moderne, qui l’a menée au bord de la crise de nerfs. La vogue du télétravail lui a permis de se replier, avec son fils, dans une maison de famille vide, dans le Sud-Ouest. Au calme. Mais la crise de nerfs n’est jamais loin.

L’homme, c’est Alexis, la quarantaine avancée, un physique avantageux, une voix à nulle autre pareille. Comédien et acteur français réputé, il est censé jouer le rôle-titre dans une nouvelle programmation du Dom Juan de Molière. Mais voilà qu’un pressentiment l’incite à fuir, à disparaître. Il débarque dans la maison où Aurore est réfugiée. A priori, pas le genre à crise de nerfs, c’est en principe réservé aux femmes, à ses femmes, Olivia, Elisabeth, Chloé. Mais ça lui viendra…

Pourquoi Alexis débarque-t-il chez Aurore alors qu’ils ne se connaissent pas ? C’est la première surprise du roman qui en réserve d’autres. La femme et l’homme s’observent, se parlent, s’intéressent l’un à l’autre, se questionnent, se découvrent. Retour sur des circonstances vécues, tantôt subies, tantôt provoquées. Une façon comme une autre de se révéler à soi-même.

Alexis est brillant, talentueux, séduisant. Cet homme public sait de surcroît se rendre admirable. Il est Dom Juan… à la scène comme à la ville ! En langage post #MeToo, on dirait : un "connard"... Ce qu’il pressent survient. La chute. Pour nos hommes publics, les chutes ne s’arrêtent pas, elles accélèrent, elles n’en finissent pas. La presse, les réseaux sociaux, les rumeurs, les petites vengeances. Magnifique travail de construction littéraire dramatique, chapitre après chapitre ! La chute est terrifiante. A en préférer presque la mort rapide de Dom Juan, précipité dans les flammes de l’enfer.

Aurore est heurtée, déçue et même dégoûtée par ce qu’elle apprend. Cependant, elle s’introspecte. Vivre sans homme, sans amour, sans sexualité, ça va un temps. Pourrait-elle aimer un homme faible, inconsistant, un homme qui a peur, pour reprendre l’exergue pioché chez Musset ? Alors qu’un don Juan repenti, un connard qui se soigne, c’est porteur d’espoir. Femme ou homme, à plus de quarante ans, on ne peut pas renier son genre et les fantasmes qui vont avec. Et les mythes sont universels.

Où Maria Pourchet a-t-elle appris à écrire comme ça ? Une exubérance osée comme une parole spontanée. Une syntaxe maîtrisée comme un ouvrage fait main. Des variations de rythme haletantes. J’ai lu presque chaque page deux fois. Une fois à toute allure, parce que le tempo des révélations incite à se précipiter sur la page suivante. Une fois presque mot à mot, parce que chacun de ces mots était celui qu’il fallait, là où il était. Admirable ! Un peu de gêne avec la crudité du discours amoureux… et pas seulement du discours ! Que se passe-t-il donc à l’intérieur de la tête d’une femme ?

La narratrice est dans la tête d’Aurore, dans celle d’Alexis, elle parle pour eux, elle pense pour eux. Et son empathie est contagieuse. Pareil pour les autres personnages : un petit garçon astral touchant, une jeune comédienne désespérée émouvante. La narratrice, tel un chœur de théâtre grec, relie le tout par des commentaires décalés et pourtant dans l’air du temps. Souvent amusant, parfois cruel !

Je n’ai en revanche pas été convaincu par la symbolique du titre, sur laquelle l’autrice revient à chaque chapitre. Oui, le western est un genre qui a ses codes, même si Sergio Leone les a un peu brouillés. Oui, le genre humain fonctionne aussi sur des codes, sur des mythes… Alors, celui de Don Juan suffisait… Remarque personnelle, qui n’entache en rien mon coup de cœur pour ce roman !

DIFFICILE     ooooo   J’AI AIME PASSIONNEMENT

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M
Un roman très réussi que j’ai bco aimé. Je suis tout à fait d’accord 😉
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A
Merci. Nous sommes souvent d'accord.