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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Cher connard, de Virginie Despentes

Publié le 5 Octobre 2022 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Octobre 2022, 

Cher connard est le premier livre de Virginie Despentes que je lis. J’ai hésité. D’abord parce que je n’oublie pas les propos insupportables qu’elle avait tenus après les attentats islamistes de Paris en 2015. Et aussi parce qu’en tant que mâle blanc sexagénaire, pédégé, hétérosexuel, marié depuis quarante-cinq ans, clean et vierge de toute consommation de stupéfiants, j’ai craint de m’immiscer dans un lectorat où je serais jugé illégitime : si je n’appréciais pas l’ouvrage, je risquais d’être qualifié à mon tour de connard ; et si j’étais amené à émettre une critique positive, je pouvais être accusé d’appropriation culturelle.

L’intrigue tourne autour de trois personnages, Oscar, Rebecca et Zoé, par ordre d’entrée en scène.

Oscar Jayack est un écrivain quadragénaire reconnu. Issu d’un milieu ouvrier, l’homme est timide, maladroit, anxieux. Sa vie sentimentale est hachée. Depuis l’adolescence, il compense son mal-être existentiel en se défonçant régulièrement aux drogues et aux alcools de toutes sortes. Rebecca Latté est une actrice. Naguère adulée pour son physique, elle se sent démonétisée à l’arrivée de la cinquantaine. Elle aussi abuse de l’alcool et des narcotiques, mais sur un mode festif, car elle dispose d’un bon capital de confiance en soi et elle observe avec un humour distancié les pratiques de ses contemporains. Zoé Katana est une jeune femme plutôt jolie, ayant autrefois officié comme attachée de presse dans l’édition. Elle est aujourd’hui une militante et blogueuse féministe. Elle a un compte à régler avec Oscar.

Dix ans auparavant, Zoé avait travaillé auprès d’Oscar. Il était tombé amoureux d’elle, n’avait cessé de lui tourner autour et de lui faire des avances. En vain ! Elle l’avait repoussé jour après jour. Leur manège avait fini par faire jaser dans la maison d’édition et son entourage. Pour mettre bon ordre, il avait été convenu de préserver l’auteur à succès et de virer la jeune attachée de presse, dont la carrière avait été brisée. Des années plus tard, encouragée par le mouvement #MeToo à libérer sa parole, Zoé décide de se venger en dénonçant sur son blog le harcèlement insupportable que l’écrivain lui avait fait subir. Les réactions sur les réseaux sociaux sont terrifiantes et l’opération s’avère aussi délétère pour Zoé que pour Oscar.

L’affaire, qui s’étend sur plusieurs années, est abondamment débattue par Rebecca et par Oscar, qui s’adressent de longs textes écrits, pouvant être des emails ou des messages privés, ce qui toutefois d’un point de vue formel, paraît peu crédible. Peu importe, on adhère facilement au principe narratif adopté par l’auteure et il n’est pas déplaisant. L’ensemble est structuré en plusieurs chapitres, introduits — à l’exception du premier — par une chronique du blog de Zoé : chaud bouillant ! A la suite, Rebecca et Oscar, issus d’un même prolétariat provincial, reprennent leur échange pseudoépistolaire, pour commenter successivement leur parcours d’artiste parisien, leur vie sociale, sexuelle et sentimentale, leurs rapports aux drogues et à l’alcool, ainsi que certains événements ou sujets de l’air du temps : le féminisme radical lesbien, les réseaux sociaux, la pandémie, les inégalités…

Les premiers chapitres installent entre les trois personnages un climat conflictuel. Insensiblement, tout au long du livre, sous l’influence de Rebecca qui joue un rôle d’arbitre, la tension s’apaise ; la guerre des trois n’aura pas lieu. Étonnamment, Rebecca et Oscar mettent à profit les semaines de confinement, qui les préservent des pressions habituelles de leurs milieux professionnels, pour se libérer de leurs addictions.

Sous sa forme romanesque particulière, Cher connard a été une lecture documentaire que j’ai trouvée agréable et intéressante, en dépit de longueurs et de redondances. L’ouvrage dépeint un monde qui m’est inconnu et qui m’a étonné, choqué. Un monde où pour faire illusion, on vend son âme à son dealer, tout en en attribuant la responsabilité au « système », dont on ne manque surtout pas de mentionner avec une once d’animosité méprisante qu’il est capitaliste, patriarcal et occidental.

DIFFICILE     ooo   J’AI AIME

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