Janvier 2020
Quelle déception ! J’ai beaucoup peiné pour aller au bout des cinq cents pages de Miroir de nos peines, le dernier livre de Pierre Lemaître, présenté comme l’ultime volume d’une trilogie initiée par le génial Au revoir là-haut et continuée par le savoureux Couleurs de l’incendie.
Mais au fait, quel est donc le sens, la cohérence de cette prétendue trilogie qui mène la France de la première guerre mondiale à la seconde ? Qu’apporte à la fiction de Miroir de nos peines, le fait que Louise, l’un des personnages principaux, ait été présente, petite fille, dans Au revoir là-haut ?
J’aurais compris que soit évoquée la décadence d’une société, initiée par les escroqueries fabuleuses des héros d’Au revoir là-haut – des escroqueries quand même ! –, prolongée dans l’entre-deux-guerres de Couleurs de l’incendie par des magouilles de politiciens et d’hommes d’affaires, aboutissant dans Miroir de nos peines à la débâcle de 1940. Une débâcle meurtrière et humiliante imputable à la nullité arrogante de chefs militaires censés avoir préparé la guerre. Une trame de la décadence qui aurait pu relier les trois ouvrages.
Mais peu importe la trilogie, après tout, les deux premiers ouvrages se sont largement suffi à eux-mêmes. Malheureusement, j’ai trouvé que cela ne fonctionnait pas dans ce dernier opus.
La fiction prend place sur fond de drôle de guerre, puis d’exode. Ce qu’on a appelé drôle de guerre est la période d’absence d’affrontement qui suivit la déclaration effective de guerre et qui dura plusieurs mois, jusqu’à l’offensive allemande. L’exode a été ce mouvement massif de population fuyant misérablement, sur des routes encombrées, la soudaine, violente et irrésistible avancée allemande sur la partie nord de notre pays en mai 1940. Il est clair que de tels événements mettent à nu la vraie nature de l’homme, favorisant de nombreux actes sordides de lâcheté égoïste et de rares gestes de solidarité bienveillante. Mais nul ne les a mieux dépeints et ne les dépeindra jamais mieux qu’Irène Némirovsky dans Suite française.
Reste alors la fiction proprement dite. Elle réunit quatre personnages principaux : Louise, une jeune femme belle et tourmentée ; Désiré, un mystérieux mystificateur ; Raoul, un filou disposant de circonstances atténuantes ; Fernand, un garde mobile muni d’un cœur et d’un cerveau. Des personnages bien profilés qui vont et viennent dans une intrigue dont la fin est sans surprise. Malgré quelques épisodes cocasses, que le chemin est long pour y parvenir !
Où est passé le maître de l’imagination débridée, de la péripétie extravagante, du suspense haletant, du retournement de situation invraisemblable ? Les agissements du docteur et la course de Louise nue dans Paris sont de bien pâles foucades, du niveau d’un téléfilm du samedi soir.
Reste le parallèle à peine masqué entre le rejet des réfugiés d’Europe du Nord et les réticences actuelles à accueillir tous les migrants du monde. Pour ma part, je vois aussi le risque à rester figé sur des schémas du passé, en tablant, par exemple, sur des soldats armés de baïonnettes, pour repousser les chars et les avions d’une armée moderne.
Désolé, mais Pierre Lemaître est un grand écrivain. Cela crée des exigences, des attentes. Ça ne le fait pas pour cette fois. Mais je serai présent pour la prochaine.
GLOBALEMENT SIMPLE oo J’AI AIME… UN PEU