Juin 2018,
Iain Levinson, romancier américain d’origine écossaise, a longtemps tiré le diable par la queue, avant de rencontrer le succès grâce à des romans noirs inspirés de ses galères personnelles. Ses personnages sont habituellement des braves types un peu paumés. Pour échapper au décrochage social qui les menace dans un univers américain impitoya-a-ble, ils ont le chic pour s’embarquer dans des projets ne pouvant les conduire qu’à une issue tragique.
Dans son dernier ouvrage, Pour services rendus, Iain Levinson change de registre. Ses deux principaux personnages ne sont pas n’importe qui. L’un est sur la fin d’une longue carrière de chef de la police dans une ville du Michigan, l’autre, sénateur au Nouveau-Mexique, est en campagne électorale pour le renouvellement de son mandat.
Les deux hommes s’étaient perdus de vue après s’être côtoyés, quarante-sept ans plus tôt, dans une section de combat au front, lors de la guerre du Vietnam. Des états de service sur lesquels le sénateur en campagne s’est publiquement étendu en se targuant imprudemment d’une anecdote arrangée à son avantage. Une vantardise insignifiante sur des faits sans intérêt et très anciens. Mais son adversaire, en difficulté dans les sondages, réussit à produire un témoin délivrant une autre version de l’anecdote. En Amérique, il n’est jamais bon d’être confondu de mensonge, même pour des faits sans intérêt et très anciens.
Appelé à la rescousse pour accréditer la version de son ancien camarade de combat, le vieux policier n’aime pas le mensonge et s’avère maladroit. Pourquoi accepte-t-il alors de s’enferrer dans des faux témoignages au profit d’un homme avec lequel il ne partage plus rien depuis si longtemps ? Peut-être dissimule-t-il lui aussi un épisode dont il n’y a pas lieu d’être fier…
Toujours est-il que nos deux notables bien installés pourraient s’avèrer être des losers au même titre que les personnages habituels de l’auteur. Leur risque : s’embourber dans une suite de mensonges et de justifications inextricables qui pourraient leur faire tout perdre.
L’ouvrage est l’occasion d’un retour sur le traumatisme laissé dans les consciences par la guerre du Vietnam. Dans la perception de la présence militaire américaine dans le monde, ce conflit aura marqué sa différence par rapport à la seconde guerre mondiale, où l’enjeu de l’intervention des États-Unis était clair, car il était simple de faire la part entre les bons et les méchants.
Iain Levinson reste fidèle à sa vision critique d’une Amérique cynique et individualiste, où tout est compétition et où « gagner » est une fin qui peut justifier des moyens misérables, jusqu’à discréditer l’adversaire par des informations plus ou moins exactes. Une dérive qui, tant s’en faut, n’est pas l’apanage de la démocratie américaine.
Alors que les réseaux sociaux sont accusés de permettre la manipulation de l’opinion par la prolifération de fake news, il est rassurant de constater que ces mêmes réseaux sociaux ne mettent personne à l’abri du démenti cinglant d’une contre-vérité.
Pour services rendus est un roman sympathique qui se lit rapidement. Son synopsis est intéressant et original, avec des questions qui restent en suspens jusqu’à la dernière page.
GLOBALEMENT SIMPLE ooo J’AI AIME