Avril 2017,
C’est la première fois que je lis un ouvrage de Philippe Sollers, cet écrivain prolifique, intellectuel polyvalent, à la personnalité contestée. J’engage ma lecture avec une curiosité mêlée de perplexité.
Beauté n’est pas vraiment un roman. C’est un ensemble de courtes chroniques reliées par un fil conducteur : l’amour du narrateur pour Lisa, une jeune et talentueuse pianiste grecque donnant des récitals de par le monde.
Un amour qui sonne creux… En fait, un prétexte à la consécration de la beauté de la Grèce antique, de ses poètes, de ses philosophes. Revisitant les temples et leur statuaire, l’auteur en admire la beauté faite de simplicité et de justesse des proportions. Évidemment, il célèbre les dieux et les déesses. Comment lui, Philippe Sollers, pourrait-il passer sous silence ces virtuoses de l’art de la séduction et de la conquête amoureuse !
Ah, les désirs et les passions des dieux !... Tout cela est bien loin de l’amour du narrateur pour Lisa, cet engouement conceptuel, artificiel, désincarné, qui reflète la fascination de l’auteur pour la musique. Beauté des œuvres pour piano de Bach, Mozart et Webern, dans l’interprétation sublime – forcément ! – de la jeune femme. En dépit du goût plutôt classique de l’auteur, c’est Webern et ses Variations pour piano qu’il choisit pour symboliser la perfection musicale… Je ne connaissais pas cette œuvre, je l’ai écoutée. Son atonalité froide et sèche m’a pétrifié, à l'image de la relation de Lisa et du narrateur. Celui-ci n'éprouve pas tant de l’amour, qu’une sorte d'émerveillement à l’idée d’aimer une artiste prodige, portée aux nues par son public. Un archétype d’idéal féminin parmi d’autres…
Au fil des chapitres, l’auteur rend hommage aux poètes ayant puisé leur inspiration chez les Grecs classiques. Il s’émerveille de mille choses de la vie : les mots et les jeux qu’ils permettent ; Bordeaux, sa ville, et son histoire ; les papillons et les mathématiques ; les noms des constellations d’étoiles. Que sais-je encore ?... Tiens ! une brève évocation de la beauté explosive des derniers Picasso ; là, je soupçonne une solidarité provocatrice entre vieillards lubriques et heureux de l’être.
Sollers rend joliment hommage aux Impressionnistes. Je le cite : « Un jour, alors que personne ne s’y attend, une marée de beauté envahit l’espace. Des types bizarres, qu’on nomme vite impressionnistes, se mettent à célébrer la nature, l'existence, les pins, les peupliers, les roses, les coquelicots, les pivoines, les nymphéas, les déjeuners sur l'herbe, les femmes respirables et sans voiles, les enfants. On les couvre d'injures, ils persistent. Et puis ils disparaissent dans l’atmosphère, après avoir prouvé que les ombres ne sont pas noires mais bleues. La nature à rapidement révélé sa beauté. » Qu’en termes simples mais élégants, ces choses-là sont dites !
A quatre-vingts ans, Philippe Sollers porte sur le monde un regard critique narquois et pertinent, à peine désabusé par les dérives postmodernes stimulées par les smartphones ou les réseaux sociaux. C’est en revanche avec inquiétude qu’il trace le parcours de jeunes paumés sans foi ni conscience, qui se radicalisent tous seuls en quelques jours sur Internet et basculent dans le terrorisme, la négation de la beauté et sa destruction ; au nom du Coran, ce « disque de punition indéfiniment ressassé ».
L’écriture de Philippe Sollers est riche, raffinée, mélodieuse. Les textes sont émaillés de nombreuses citations. Certaines analyses interprétatives sont intéressantes, d’autres sont incompréhensibles – en tout cas pour moi !
Un ouvrage quelque peu narcissique, dans lequel l’auteur s'observe complaisamment exhiber sa vaste culture. Un narcissisme qui ne s'arrête pas là ; si vous cherchez sur Internet des commentaires sur Beauté, la plupart de ce que vous trouverez est de … Philippe Sollers soi-même.
La première fois, avais-je dit… Renouvellerai- je l'expérience ?... Hum !...
DIFFICILE oo J’AI AIME... UN PEU