Mars 2016
De Pierre Assouline, je n'avais lu, ou plutôt parcouru, que deux ou trois de ses fameuses biographies. Tout le monde parlant de lui autour de moi, cela m'a donné envie de lire Golem, son dernier roman. Mon plaisir de lecture a balancé, tantôt vers le haut, tantôt vers le bas. Au final, je reste sur un avis mitigé.
Gustave Meyer, le personnage principal du roman, est un grand maître international d'échecs ; il a les aptitudes intellectuelles et mentales que cela suppose ; c'est un sexagénaire solitaire, original, amateur d'arts, qui souffre de fortes migraines et bénéficie d'un suivi médical très spécialisé pour des troubles neurologiques.
Voilà qu'on assassine son ex-femme, animatrice inflexible d'un blog d'alerte sur les dérives éthiques dans les neurosciences. Considéré par la police comme le principal suspect, Gustave Meyer décide de fuir et d'entrer en clandestinité. Il se résigne à une destinée de fuite sans fin, à l'instar du docteur Richard Kimble, le fugitif de la série TV culte dont ceux de ma génération ne manqueront pas de se souvenir.
Dans le même temps, il découvre que lors d'une intervention chirurgicale récente, des électrodes ont été implantées dans son cerveau – "à l'insu de son plein gré !..." – afin de booster sa mémoire et son intelligence. Cette prise de conscience le perturbe au plus haut point. Il se sent dépossédé de sa condition d'être humain, rabaissé au niveau d'un être sans âme, tel un Golem de la mystique juive, créé et manipulé par un aspirant démiurge. Il en vient à s'interroger sur sa conscience juive ; sa fuite tourne en quête de la mémoire des souffrances de son peuple, sur les traces des communautés survivantes de la Shoah aux quatre coins de l'Europe centrale, pour s'achever à Prague – ville qui garde le souvenir d'un Golem légendaire –, où il s'attarde dans le vieux cimetière juif... – J'en profite à titre personnel pour rendre hommage à Umberto Eco, récemment disparu.
Tout se boucle finalement dans une conjuration menée par des zélateurs du transhumanisme, des idéologues assoiffés de puissance et des financiers soucieux de rentabiliser leurs investissements dans les neurosciences, entraînés dans l'aventure par un savant génial et affairiste, psychopathe au point d'éliminer les gêneurs... Le docteur Gang et Mad mis en échec par l'Inspecteur Gadget... Le docteur Septimus démasqué par Blake et Mortimer... Les téléfilms des années soixante-dix et leurs scénarios complotistes.
Si le côté polar laisse à désirer, l'écriture en revanche est très belle ; choix juste et précis des mots et des locutions, syntaxe parfaite et élégante. La rédaction donne l'impression d'être à la fois naturelle, spontanée, tout en étant en même temps travaillée, léchée, jusqu'à frôler le maniérisme. Quand toutefois Gustave Meyer et l'auteur s'enfouissent dans des considérations mystiques trop profondes, le juif non croyant et non observant que je suis finit par se lasser et perdre le fil, l'œil mouillé de sommeil et l'esprit embrumé...
De belles évocations artistiques, en cohérence avec le livre ; Proust et ses théories sur la mémoire ; Rothko et ses champs de couleur irradiant directement le cerveau derrière la rétine ; Glenn Gould et ses fredonnements obsessionnels, comme ceux de Gustave Meyer pendant tout le roman, sur l'air de la Mantovana (ou Mantovina), une rengaine lancinante du 16ème siècle ayant servi de matière première à Smetana pour la composition de la Moldau, musique culte à Prague, elle même inspiratrice de la Hatikva, l'hymne national d'Israël.
Enfin, ne vous arrêtez pas à la question posée à la première ligne du livre : où va le blanc quand fond la neige ? Pierre Assouline donne la réponse à la dernière ligne : il va au ciel...!
- DIFFICILE oo J’AI AIME... UN PEU