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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

La promesse de l'aube, de Romain Gary

Publié le 1 Décembre 2017 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire, romans

Novembre 2017,

J’ai honte de l’avouer mais je n’avais jamais lu de livre de Romain Gary. Signé Romain Gary, j’entends ! Je m’étais intéressé à Emile Ajar, lorsque tout le monde en parlait, vers la fin des années soixante-dix, mais avant « l’affaire » et après les classiques du vingtième siècle, Romain Gary himself s’était retrouvé dans une sorte d’angle mort de mon panorama littéraire.

 

Une honte que je ne me pardonne pas, ayant découvert que Gary a été, à plusieurs reprises, magnifiquement évoqué par un de mes amis d’enfance. Il faut dire que le talent et la légitimité de cet ami à s’exprimer sur l’écrivain se situent à un autre niveau que le mien. Mais peut-être verra-t-il dans mon image personnelle d’angle mort, une illustration de plus au besoin qu’éprouva Gary de se réinventer sous une nouvelle identité.

 

J’ai choisi de lire son livre le plus renommé, La promesse de l’aube. Romain Gary raconte la vie de l’homme qu’il a été et/ou qu’il aurait voulu avoir été, depuis son enfance jusqu’à l’atteinte, à la fin de la guerre, d’un triple objectif symbolique que lui avait assigné sa mère. Dans l’ordre et avec des majuscules : s’être fait Ecrivain, Héros, Diplomate.

 

C’est un roman psychologique, poétique, philosophique, historique et aussi, bien sûr, fondamentalement autobiographique, même si, lorsqu’il rapporte certain événement, l’auteur dépasse ou s’approprie une réalité qui n’est pas forcément celle qu’il a authentiquement vécu. Cela n’ôte rien au romanesque de l’anecdote, à la beauté du texte et au plaisir de le lire.

 

C’est aussi un roman d’amours. L’histoire de l’amour d’une mère pour son fils, qui le ressent avec une telle intensité qu’il ne pourra plus tard qu’être déçu par les femmes. Et c’est l’histoire de l’amour d’un fils pour sa mère, à qui il le doit bien. Car dans ce livre, l’exceptionnel n’est pas l’amour maternel, qui est juste celui que porterait à son fils unique, toute femme restée seule et meurtrie après un abandon. L’exceptionnel, ce ne sont pas non plus les privations touchantes auxquelles cette femme s’astreint – elle m’a rappelé la mère et la grand-mère dans Le premier homme de Camus –. Ce qui est exceptionnel, c’est l’ambition insensée, hallucinatoire, que cette femme aura insufflé à son fils, une ambition qu’il s’appropriera d’instinct, tout au long d’une enfance et d’une jeunesse portées par une espérance d’une force inouïe, entrecoupée toutefois de quelques moments de dépression.

 

La mère sera présente pour toujours dans l’esprit du narrateur, telle un ange-gardien ou une conscience le protégeant du mal et lui interdisant tout renoncement. Est-ce à la chance ou à la force de leur espérance, que Gary – ou son double – aura survécu à plusieurs maladies graves qui semblaient le condamner, ainsi qu’à de multiples accidents dans des missions aériennes fatales à la plupart de ses camarades de la France Libre ?

 

On ne peut nier la satisfaction et la fierté que le narrateur éprouve à se raconter. Nullement exempt de déconvenues ni de mauvaises décisions, il les assume avec franchise et un sens de l’autodérision dont seuls disposent ceux qui ont une très haute opinion d’eux-mêmes… Mais c’est également la caractéristique des personnes qui ne sont pas aussi sûres d’elles qu’elles voudraient le faire croire.

 

L’écriture est subtile, déliée, élégante, tout en restant simple, naturelle. Le ton est foisonnant mais jamais pesant, recherché mais jamais emphatique. Romain Gary dispose d’une facilité étourdissante à composer sur ses rêves, ses souvenirs, ses contemplations. Une inspiration, une verve, un humour, une aptitude à développer une anecdote, un souvenir – réel, imaginé ou emprunté – dans les moindres détails, sans jamais être ridicule ou ennuyeux, trouvant toujours la tournure et les mots justes.

 

Et puis il y a le chapitre final. Bien que n’ayant pas lu le livre, je connaissais l’histoire des dernières lettres. On me l’avait racontée. Je n’ai jamais pu finir de la raconter à mon tour, ma voix se trouvant à chaque fois étranglée par l’émotion. Une émotion qui m’a à nouveau étreint avant de refermer le livre.

 

La promesse de l’aube fait partie de ces livres qu’on lit une fois, puis qu’on peut reprendre à n’importe quel moment, en l’ouvrant à n’importe quel chapitre, pour lire juste un passage, ou quelques pages, comme ça, pour le plaisir. Un apanage dont seuls quelques très grands écrivains peuvent se prévaloir.

 

FACILE     ooooo   J’AI AIME PASSIONNEMENT

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L'ordre du jour, d'Eric Vuillard

Publié le 17 Novembre 2017 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire

Novembre 2017,

Une plume d’une élégance et d’une verve éblouissantes … pour les vingt-cinq premières pages. Juste pour les vingt-cinq premières pages ! Empreints d’une ironie jubilatoire, deux chapitres sont consacrés à la réception, le 20 février 1933, des principaux patrons allemands par Goering et Hitler, Chancelier du Reich depuis à peine trois semaines.

 

Eric Vuillard saute ensuite à 1937 et à tout autre chose : l’Anschluss, l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne. Une opération menée par l’armée nazie sans tirer un coup de feu et réussie malgré un gros cafouillage logistique, dont l’auteur fait ses choux gras. Il raconte l’Anschluss sous l’angle d’anecdotes qu’il semble trouver insolites et amusantes. Elles ne m’ont pas séduit, ces petites histoires, relatées de manière bavarde et pesante, bien éloignée du style enlevé du début du livre.

 

Episode clé de la montée en puissance de l’Allemagne nazie et de sa préparation à la guerre, l’Anschluss est révélateur des méthodes d’Hitler, fondées sur le bluff, la menace et le trucage. Il montre que ses passages en force réussissent du fait de la veulerie ou de la compromission du plus grand nombre, et grâce à l’appui de quelques sympathisants infiltrés.

 

Tout cela, on le sait. Alors quel est le sens de ce livre si bizarrement (dé)structuré et comptant à peine cent soixante pages ? La presse se pâme en vagues dithyrambes : « Un texte de longue portée en dépit de sa brièveté ! ». Interviewé, Éric Vuillard déclare, sans être autrement explicite : « L’histoire est une autre manière de regarder le présent » et « Dans une période trouble, la littérature permet d’y voir plus clair… ». Nous voilà bien avancés !

 

Au lecteur donc de chercher la clarté. Chacun la sienne. La mienne ne sera peut-être pas la vôtre.

 

Depuis La Fontaine, on sait que « la raison du plus fort est toujours la meilleure ». Gangsters et dictateurs se griment en loups féroces pour imposer leur loi – « sans autre forme de procès » ou par des simulacres de procès – aux agneaux que nous sommes, nous braves gens démocrates. Face à leurs intimidations, nous croyons qu’il suffit d’être tolérant pour que tout s’arrange. Nous avons oublié que dans La Fontaine, l’agneau est dévoré sur le champ.

 

Quel est le seuil à partir duquel, si l’on ne réagit pas, la tolérance devient compromission ? A partir de quand, faut-il changer de registre, ne plus céder aux provocations et aux agressions ? Et, question non moins importante, jusqu’à quand est-ce encore possible ?

 

A partir de quand et jusqu’à quand ! Tout au long des années trente, les industriels allemands auraient dû se poser la question. Honte à eux d’être restés soumis jusqu’à la fin de la guerre, et d’en être arrivés à piocher des déportés dans les camps de concentration, pour en faire des esclaves dans leurs usines. Sans oublier ceux qui, comme IG Farben, ont été des complices actifs des crimes contre l’humanité.

 

En revanche, est-il logique de nous fonder sur ce que nous savons aujourd’hui – les monstruosités des nazis pendant la guerre – pour juger l’événement du 20 février 1933 ? Ne faut-il pas le replacer dans le contexte alors calamiteux de l’Allemagne, après le krach de 1929 : sept millions de chômeurs, hyper-inflation paupérisant la classe moyenne, persistance du traumatisme de la défaite de 1918. Une démocratie à peine instituée, déjà affaiblie, prise en étau entre l’extrême-droite et l’extrême-gauche.

 

L’extrême-gauche, c’était le communisme. La révolution bolchévique de 1917 en Russie avait frappé les esprits. L’extrême-droite, c’était le national-socialisme. L’incendie du Reichstag, coup d’envoi du lancement à grande échelle des exactions nazies, n’aura lieu que huit jours plus tard. On connaissait les intentions anti-juives d’Hitler, qui avait publié Mein Kampf, mais qui aurait pu imaginer ce qu’on appela plus tard la Shoah ? Qui aurait prévu que treize ans plus tard, six millions de Juifs auront péri dans les conditions que l’on sait ?

 

Comme l’observe Eric Vuillard, les grands patrons allemands se sont juste adaptés au contexte qui s’imposait à eux, comme le font généralement les chefs d’entreprises. En tant qu’hommes, ils ont juste plié devant une pression forte, comme la plupart de leurs congénères.

 

Comment aurions-nous réagi à leur place ?... Soyons conscients qu’il y a quelques mois, nous avons, nous aussi, été à deux doigts de devoir choisir entre l’extrême-gauche et l’extrême-droite.

 

Aujourd’hui, l’histoire nous est connue. Vigilance !

FACILE     oo    J’AI AIME… UN PEU

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La disparition de Josef Mengele, d'Olivier Guez

Publié le 15 Novembre 2017 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire

Novembre 2017,

Me serais-je intéressé à La disparition de Joseph Mengele s’il n’avait pas obtenu le Renaudot ? Pas sûr et c’eût été dommage. Œuvre d’Olivier Guez, journaliste et écrivain, le livre mérite d’être lu, même s’il ne s’agit pas d’y trouver des vertus purement littéraires.

 

S’appuyant sur une bibliographie considérable, assemblage d’enquêtes (faits historiques), de notes personnelles (témoignages) et d’essais (analyses), Olivier Guez a reconstitué le cheminement et le vécu intime de Josef Mengele, depuis son départ d’Europe pour l’Amérique du Sud en 1949, jusqu’à sa mort – attestée – en 1979.

 

Mengele, c’est le mal personnifié, un monstre à gueule d’ange, le symbole peut-être le plus significatif de la barbarie sophistiquée des nazis. Pendant les deux années où il officia comme médecin à Auschwitz, se gratifiant du titre d’« ingénieur de la race », il vit passer plusieurs centaines de milliers de Juifs vers les chambres à gaz, en prélevant à chaque convoi quelques uns pour son laboratoire, afin de mener des expérimentations personnelles pseudo-scientifiques – injections, prélèvements, mutilations, greffes contre nature et autres élucubrations abominables – conduisant généralement ses cobayes à la mort dans d’horribles souffrances.

 

Un être – je ne puis écrire un homme ! – incroyablement dépourvu de toute sensibilité à l’autre. Un pervers narcissique et maniaque au dernier degré.

 

Tout au long de ses trente années de cavale, Mengele aura été soutenu moralement et financièrement par sa famille, des industriels allemands fortunés. Il aura bénéficié d’un vaste réseau d’entraide constitué en Amérique du Sud par les criminels de guerre en exil. Des nazis irréductibles, enfermés dans leur culte hitlérien, dans leurs fantasmes sur les Juifs, et dans un rêve de revanche à une défaite qu’ils interprètent à la manière du criminel de guerre brossé par Erri de Luca dans Le tort du soldat (lu et critiqué en février 2017).

 

La narration alterne le vécu quotidien du fugitif et l’environnement géopolitique dans lequel il se situe. Dans une première partie, le contexte accommodant du régime de Juan Perón en Argentine et un exil plutôt doux. En seconde partie, la traque par les chasseurs de nazis et la descente aux enfers d’un rat qui se terre au Brésil.

 

D’innombrables fausses informations, voire des légendes, ont circulé sur Mengele, qui eut la chance de toujours échapper, parfois de justesse, à ceux qui le recherchaient. Le parcours du criminel s’est achevé par sa mort en liberté, ce qui peut procurer un sentiment de malaise et d’injustice.

 

Mais qu’aurait pu apporter la justice des hommes ?... Un procès ? Pour entendre Mengele rabâcher sur un ton provocateur ses certitudes tordues de nazi indécrottable, comme il le fait tout au long du livre ! Ou pour le voir refuser de répondre aux questions et se murer dans le silence ! Ou pire encore, suprême hypocrisie, pour l’écouter prétendre à la repentance et prononcer d’impensables regrets !

 

Et quelle condamnation aurait été à la hauteur de ses crimes ?... La prison à perpétuité ? Une bien douce punition pour un détenu auquel il aurait fallu réserver un traitement spécial à l’isolement. La peine capitale ? Une mort rapide et bien propre...

 

Comme l’auteur, je m’en remets à la citation de Kierkegaard placée en épigraphe de la deuxième partie du livre : « Le châtiment correspond à la faute : être privé de vivre, être porté au plus haut degré de dégoût de la vie ». Ayant pu lire les journaux intimes du fuyard, Olivier Guez révèle un Mengele dont le corps et l’esprit ont été rongés par l’angoisse, la peur, la veulerie, les humiliations, les frustrations, les rancœurs, les privations. Un enfer intérieur dans lequel Mengele aura croupi pendant ses vingt dernières années. Qu’espérer d’autre, quand on n’a pas d’âme à vendre au Diable ?

 

Le livre est découpé en courts chapitres de quelques pages, ce qui rend la lecture facile. Mais sa fluidité est par moment mise à mal par l’utilisation quasi générale du présent de l’indicatif, ce qui altère la mise en perspective du vécu quotidien dans l’environnement historique.

 

J’ai toutefois lu le livre avec plaisir. Je ne cache pas que la lecture des souffrances et des tourments de Mengele y a contribué. J’imagine que l’auteur a ressenti le même plaisir en les décrivant. Les histoires où les méchants sont punis, ça fait toujours du bien.

FACILE     ooo   J’AI AIME

 

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Le déjeuner des barricades, de Pauline Dreyfus

Publié le 7 Novembre 2017 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire

Novembre 2017,

Une bien belle idée, cette fiction élaborée à partir d’un événement véridique, le déjeuner de remise d’un prix littéraire dans un palace parisien, en pleine crise de mai soixante-huit.

 

Écrit par Pauline Dreyfus – qui n’était pas née à l’époque – Le déjeuner des barricades reconstitue assez fidèlement l’étrange atmosphère de ces quelques semaines – que j’ai pour ma part vécues – où, du fait des grèves générales et d’une météo printanière, Paris semblait en vacances le jour – commerces fermés, peu de voitures, peu de métros –, et à feu et à sang le soir, du moins sur la rive gauche, où étudiants et autres manifestants descellaient les pavés du boulevard Saint-Germain et de la rue Soufflot pour en faire des barricades ou des projectiles à lancer sur les forces de l’ordre.

 

La parole s’était libérée un peu partout. On refaisait le monde, pas seulement à l’Odeon, à La Sorbonne et dans les universités, mais aussi dans les familles, dans les entreprises. Certains se laissaient aller aux utopies les plus osées, d’autres en appelaient à l’ordre et à la fermeté, d’autres encore étaient terrorisés. Personne ne savait très bien comment cela se terminerait et quel type de société allait émerger de ces convulsions...

 

A l’hôtel Meurice, où l’usage veut que l’on se plie à n’importe quel caprice d’une clientèle richissime, les mots d’ordre habituels sont luxe, service, raffinement. Dans ce palace comme ailleurs, sous l’influence de l’actualité, on s’est mis à parler et à débattre. Et à voter : plus de directeur, on fonctionnera désormais en autogestion. Et comme on est attaché à son métier et à l’image de l’hôtel, en dépit des grèves et des ambiguïtés idéologiques, on vote pour le maintien du déjeuner de remise du prix littéraire Roger-Nimier, créé par Florence Gould, une veuve américaine immensément riche qui dispose d’une suite à l’année dans l’établissement.

 

La description des comportements du personnel et des réactions des clients est amusante, mais les allers-retours, les quiproquos et les incidents qui se succèdent finissent par donner au récit l’allure d’une pièce de théâtre de boulevard aux facéties banales et désuètes.

 

La partie la plus intéressante – mais malheureusement courte – est le déjeuner proprement dit. La narration se muscle à l’arrivée de l’auteur de l’ouvrage primé, un très jeune homme timide et dépenaillé, nommé Patrick Modiano, dont La place de l‘Etoile est le premier roman, et dont personne n’imagine qu’il recevra le prix Nobel presque cinquante ans plus tard.

 

Pauline Dreyfus en profite pour évoquer l’enfance et l’adolescence douloureuses du jeune homme, des pages qui éclairent la psychologie, le comportement et la démarche littéraire d’un écrivain dont l’accès reste difficile. Patrick Modiano, dont le père était juif, rappelle-t-elle, est obsédé par son identité et la période de l’occupation allemande de Paris, qu’il n’a pourtant pas connue. Des thèmes, souligne-t-elle avec humour, qui ont pu faire grincer les dents de membres du jury comme Paul Morand, Marcel Jouhandeau et Jacques Chardonne, des éminences littéraires dont le comportement pendant la guerre avait été plus que douteux.

 

Ces sujets dépassaient probablement Florence Gould, dont le salon, pendant l’Occupation, avait reçu somptueusement moult personnalités sans distinction de bord, ce qui lui avait valu quelques tourments lors de la Libération. Ça aurait pu être pire pour elle. (Je pense au roman de Drago Jancar, Cette nuit je l’ai vue, lu et critiqué en juillet 2016.)

 

J’ai apprécié les apparitions de Salvador Dali, ainsi que les clins d’œil au Van Choltitz de Paris brûle-t-il ? et à Dora Bruder. Je tiens aussi à ajouter que Le déjeuner des barricades est très joliment écrit.

 

Une lecture somme toute divertissante.

FACILE     ooo   J’AI AIME

 

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Trois jours chez ma tante, d'Yves Ravey

Publié le 6 Novembre 2017 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire

Novembre 2017,

Si vous suivez mes chroniques, vous savez comme je peux m’enthousiasmer pour un roman qui me plait. Mais lorsque ça ne me plait pas, je le dis aussi tout net.

 

J’ai lu Trois jours chez ma tante en à peine deux heures. C’était très peu de mon temps, mais j’ai quand même eu le sentiment de le perdre... Ça m’a énervé.

 

L’histoire m’avait paru attrayante.

 

Marcello avait été exfiltré hors de France il y a vingt ans à la suite d’une sombre affaire. Il vit depuis en Afrique, où il a monté, dit-il, une école pour enfants déshérités. Il lui faut des fonds. Une vieille et riche tante qui l’a toujours aidé, semble vouloir lever certains doutes avant de mettre à jour ses dispositions testamentaires. Pour Marcello, un séjour de trois jours en France s’impose...

 

Le livre compte cent quatre-vingt pages, petit format, écrit gros, beaucoup de vide. Cela ne fait pas beaucoup de texte. Mais l’intrigue principale est si pauvrement traitée, les intrigues secondaires, laissées à l’état embryonnaire, ont tellement peu d’intérêt, que l’ensemble aurait pu tenir en cinquante pages. Cela aurait évité bien des rabâchages et des délayages creux et insipides.

 

Je n’ai pas eu un instant le moindre doute sur Marcello, sur sa mentalité, sur la soi-disante école africaine, ni sur les événements d’il y a vingt ans. Mais s’il est normal que le romancier donne au lecteur les clés des vérités occultées, n’y avait-il pas mieux à trouver que s’appesantir sur le contenu d’une enveloppe kraft planquée depuis vingt ans, ou transcrire sans finesse des conversations téléphoniques de pieds nickelés entre Marcello et son collaborateur africain ?

 

J’ai trouvé ridicules les effets de suspense ménagés par les tergiversations de la vieille tante pour écrire et signer un chèque sans rature et à l’encre violette. Des tergiversations dont je n’ai d’ailleurs pas compris si, dans l’esprit de l’auteur, elles étaient caprices ou manipulations... Tant pis !

 

Le livre se présente sous forme d’un monologue de bout en bout. Marcello raconte tout, les intrigues telles qu’il les vit et les subit, ses espoirs et ses déceptions, ses souvenirs et ses projets tels qu’il consent à les dévoiler. Les dialogues aussi sont intégrés dans le monologue de Marcello ; un simple empilage de ses propos et de ceux de ses interlocuteurs… Une narration continue relevant d’un procédé littéraire qui s’avère plaisant chez certains écrivains talentueux, mais dont le risque, s’il est bâclé, est de tomber dans le salmigondis.

 

Dommage ! Il y avait quelques bonnes idées de départ pour structurer et écrire un roman de qualité. Il aurait sans doute fallu se donner un peu de mal et travailler...

FACILE     o   J’AI AIME… PAS DU TOUT

 

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Nulle part sur la terre, de Michael Farris Smith

Publié le 26 Octobre 2017 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire

Octobre 2017,

Un choc littéraire. Un roman noir, très noir, qui m’a ému et captivé au-delà de ce que j’avais anticipé.

 

Un bas-côté d’autoroute, dans le sud des États-Unis. Une femme et sa petite fille marchent sous un soleil de plomb. Elles sont à bout de forces. Tout ce qu’elles possèdent tient dans un sac poubelle que la mère traîne avec peine. A trente ans, son visage et son corps sont marqués par « les chiens enragés de la vie ». Il fut un jour, pourtant, où tout aurait dû se passer divinement bien. Tout s’était alors effondré en un instant. Il y a bien longtemps. Un cataclysme qui tourne et retourne dans sa pauvre tête et qui, depuis, l’a conduite de dérive en dérive…

 

Nulle part où aller sur la terre. Onze ans après, elle revient donc où elle avait vécu, à la recherche de… elle ne sait même pas qui ou quoi !... Une SDF, appelons les choses par leur nom ! Et une fois passés les premiers chapitres et l’entrée en scène d’un flic malsain, on se dit que ce n’est pas prêt de s’arranger, bien au contraire...

 

Au même moment, non loin de là, un homme sort de prison. Pour lui aussi, tout s’était brisé brutalement, à quelques heures d’un mariage qui devait être heureux. Que peut-il espérer désormais, après toutes ces années. Qui pourrait encore l’attendre ? Et s’il est attendu, est-ce avec bienveillance ?

 

Maben et Russel ne s’étaient jamais rencontrés, mais peut-être leurs routes s’étaient-elles déjà croisées. Maben n’en est plus à se poser des questions. Juste survivre avec sa petite fille. De son côté, Russel s’interroge, non pas sur sa faute – il suffit de compter les canettes de bière vides à la fin du livre ! – mais sur son châtiment. La justice des hommes et onze années d’emprisonnement ne sauraient suffire à racheter sa faute. La rencontre de Maben et de sa petite fille peut être l’occasion d’une rédemption : tout risquer pour elles sans rien espérer en retour.

 

Michael Farris Smith. Notez bien ce nom. Quelque chose en lui de William Faulkner. Comme l’immense prix Nobel de littérature, Michael Farris Smith, dont Nulle part sur la terre est le troisième roman, est fasciné par leur terre natale, le Mississippi, un État du sud de l’Amérique où les espaces sont immenses, le climat éprouvant, la nature agressive.

 

Comme lui, des mots tous simples lui suffisent pour transformer un décor banal de bourgade rurale insignifiante, en atmosphère de tragédie où se mêlent toutes sortes de lumières, d’odeurs et de bruits. Des mots tous simples, aussi, pour faire de femmes et d’hommes du commun, des êtres portant la désespérance ou la haine. Poignant et glaçant.

 

Il faut dire que là-bas, dans ce coin du sud, on rencontre de drôles de gars. Taiseux, solitaires, contemplatifs, ruminant mille humiliations. A l’instar des anciens sur leurs chevaux, c’est avec leur pick-up qu’ils font corps. Au volant, ils sillonnent les forêts à toute blinde et s’arrêtent au bord de lacs aux eaux noires. Ils s’allongent alors sur le plateau pour faire l’amour ou contempler la nuit profonde bruissante de bestioles. Certains ont la rage en eux et sont violents, méchants. Les autres ne regimbent pas à la castagne. Tous absorbent des décalitres de bière et de whiskey. Et ça fait des dégâts…

 

Une écriture – superbement traduite – dont le rythme fluctue. Pour accompagner les fulgurances de l’action, des formulations courtes, taillées à la serpe. Dans les moments contemplatifs, les phrases s’étirent en longueur, sans souci de l’orthodoxie grammaticale, fusionnant en une composition unique, sensations et souvenirs et images et mouvements et profondeurs et bruits, comme la mélodie continue d’un opéra dramatique.

 

Des chapitres très courts, qui facilitent la lecture. Un vocabulaire très simple, sans fard ni artifice. Des dialogues si justes qu’on pourrait les dire de mémoire à haute voix – rien à voir avec le charabia de pseudo cow-boys des traducteurs de Faulkner dans les années trente.

 

Ce livre, qui s’achève dans une lueur d’espérance mystique, a absorbé une part importante de mon capital d’émotion. En le refermant, je suis resté comme suspendu dans le vide…

GLOBALEMENT SIMPLE  ooooo  J’AI AIME PASSIONNEMENT

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Les buveurs de lumière, de Jenni Fagan

Publié le 20 Octobre 2017 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire

Octobre 2017,

Les buveurs de lumière ! Vous en avez déjà rencontré, vous, des buveurs de lumière ? Moi jamais ! Pas plus qu’une cireuse de lune ou une femme-loup. Un taxidermiste ? J’aurais pu. Un(e) très jeune trans ? Aussi. Une ancienne star du porno ? Ma femme me surveille... En tout cas, ce sont de bien étranges personnages que Jenni Fagan nous invite à rencontrer, là-haut, à Clachen Fells.

 

Là-haut, oui. Tout en haut. A l’extrême nord de l’Ecosse. Presque le Grand Nord. Des lieux où faire provision de lumière s’avère nécessaire pour survivre, l’hiver, quand la nuit tombe en début d’après-midi et qu’il faut vivre dans l’obscurité jusqu’au lendemain en fin de matinée.

 

L’hiver justement. Celui qui arrive, en cette année 2020, s’annonce terrifiant, du point de vue climatique s’entend. Le pire depuis deux siècles... A moins que ce ne soit le dernier, l’ultime…

 

Réchauffement de la planète. Depuis qu’on en parle, ça devait finir par arriver ! Les calottes polaires fondent. Des masses considérables d’eau douce glacée déferlent à la surface des océans, entraînant une élévation générale du niveau des eaux et un refroidissement des contrées les plus proches. Perturbation climatique passagère, nouvelle ère glaciaire ou apocalypse ?

 

Partout en Europe et même au-delà, il fait très froid. Les températures continuent de baisser. Plusieurs mètres de neige recouvrent les terres qui n’ont pas été submergées par l’océan. Transports et déplacements impossibles. Réseaux hors service. Émeutes, pillages. Des morts par milliers.

 

A Clachen Fells, on regarde ou on écoute avec sérénité les informations qui parviennent – difficilement – du reste du monde. Ici aussi, il fait très froid. Et ça continue de baisser. -20°, -30°, -50°… Mais le grand froid, la neige, le gel, on a l’habitude et on s’organise. Poêle, bonnets, vêtements en plusieurs couches. Et aussi entr’aide, festivités, convivialité, whisky, gin… Et cures de lumière !

 

Pureté de la voûte céleste, où file une étoile parmi des milliers d’autres qui scintillent immobiles. Caprices de la lune, modulant à sa guise la blancheur des montagnes. Phénomènes lumineux qui n’existent nulle part ailleurs. Des parhélies multiplient les soleils par effet de halo. Des aurores boréales agitent dans le ciel leurs voiles lumineux allant du vert au pourpre.

 

On trouve, à Clachen Fells, une zone d’activités, un centre commercial, un Ikea, des écoles, des pubs, des gros 4x4 et même des femmes de fermiers prêtes à acheter des meubles de récup’ restaurés façon vintage. Une société comme partout, en somme.

 

C’est pourtant dans un parc à caravanes, que l’auteure, Jenni Fagan, a situé le cœur de son intrigue. Qui peut bien vivre dans une caravane sous un climat aussi rude ? Quel vent y amène Dylan, arrivé de Londres, où il était projectionniste dans un cinéma d’art et d’essai qui a mis la clé sous la porte ? Un géant barbu tatoué, orphelin de mère et de grand-mère, qui repart à zéro. Un gros nounours paumé, qui espère bien trouver un peu de chaleur chez sa voisine, Constance, et sa fille, Stella.

 

Séduisante et solide Constance, fidèle à ses deux amants, mais assumant seule sa route en femme libre. Une mère confrontée à un enjeu fondamental très délicat. Accompagner – juste accompagner ! – sa fille de douze ans, née dans un corps de garçon, dans la réussite de sa transition vers le genre féminin.

 

Des personnages auprès desquels j’ai passé un agréable et chaleureux moment de lecture, dans un environnement fascinant. Un roman qui ne plaira pas à tout le monde.

 

En fait, tout tient dans le prologue : quelques pages aussi joliment écrites que confuses à première lecture ; des pages devenues très claires quand on les reprend après voir terminé le livre. Un prologue en guise de conclusion, où je n’ai pas trouvé de clé convaincante ou déterminante.

DIFFICILE     ooo   J’AI AIME

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Sucre noir, de Miguel Bonnefoy

Publié le 8 Octobre 2017 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire

Octobre 2017, 

Une légende de trésor perdu. Un coffre rempli de pièces d’or, de bijoux, de denrées précieuses, disparu dans le naufrage d’une frégate mystérieuse, au dix-septième siècle…

 

« Déjà lu, dis-tu, une histoire de pirates qui s’entretuent !...

– Pas du tout, tu confonds avec l’Ile au trésor, Stevenson...

– Il n’y aurait pas une histoire de sous-marin de poche ?

– Ça, c’est dans Tintin et le trésor de Rackham-le-Rouge...

– J’ai trouvé ! Des mobiliers et des objets marins rongés par les eaux, envahis par le plancton et le corail !

– Là encore, tu n’y es pas. Tu évoques, à tort, la stupéfiante fiction romanesque non littéraire, l’invraisemblable faux trésor et vraie œuvre d’art exposé par Damien Hirst au Palazzo Grassi et à la Dogana de Venise.

 

Dans Sucre noir, ce sont des branchages, des broussailles et des plantes tropicales qui recouvrent la frégate, après qu’elle s’est abîmée dans les arbres, en plein cœur d’une forêt caribéenne.

– Un navire naufragé dans les arbres ?...

– Et alors ! En littérature, il faut avoir le sens du merveilleux… Et cette histoire de naufrage n’est que le premier chapitre du livre. Il fallait bien un mythe originel pour expliquer qu’une légende de trésor perdu reste vivace dans les lieux, trois siècles plus tard, suscitant de temps à autre la venue d’un chasseur d’or décavé ».

 

Roman ou conte ? Dans une zone incertaine des Caraïbes, Miguel Bonnefoy, jeune écrivain franco-vénézuélien, met en scène trois générations d’une même famille. Au cœur de la fiction, une femme, Serena, et son mari. Elle succède à ses parents, puis cède la place à sa fille, Eva Fuego. Un drôle de phénomène, celle-ci. Un être marqué par le feu.

 

Au long de ces trois générations, une petite exploitation agricole de cannes à sucre se transforme en un conglomérat alliant l’industrie du rhum et autres spiritueux, au transport de pétrole, un nouveau type de trésor noir offrant de belles perspectives pour se sucrer.

 

Une histoire bien charpentée. Mais le contour flou des personnages, l’évanescence des repères de lieu et de temps, donnent au récit la coloration étrange d’un conte intemporel.

 

Conte ou fable ? Les contes recèlent toujours un fond philosophique. Dès qu’il est question de trésor, c’est toujours la même morale qu’on ressort. Ce ne sont pas les pièces d’or qui font la vraie richesse. On la trouve dans l’amour, dans les plaisirs simples, comme l’écoute du chant des oiseaux, la contemplation des couleurs tropicales, la senteur des fruits mûrs ou le goût d’un rhum vieilli…

 

Et puisqu’on est dans les leçons de morale, attention aux excès d’ambition et de cupidité ! Sachons tirer la leçon d’un feu d’artifice éruptif laissant dans le ciel « un couvercle de cendres qui mit trois ans, dix mois et cinq jours à disparaître »...

 

Fable ou poésie ? L’un n’empêche pas l’autre. L’écriture de Miguel Bonnefoy est très lyrique. Très travaillée. Car le lyrisme n’est pas une envolée spontanée. Il faut savoir piocher des mots rares et étranges dans des univers exotiques, dans des mythes antiques, dans des matières précieuses. Composer des listes de mots au surréalisme improbable. Comme sur cette table où « s’entassaient des quintaux de clous de girofle venus des Moluques, de l’ivoire du Siam, du cachemire du Bengale et du bois de sental du Timor ». Ou comme les fleurs que Serena cueillait dans la forêt, « des pinces de homard, des oiseaux de paradis, des jasmins antillais, des roses de porcelaine ».

 

Roman, conte, fable, poésie. On trouve tout cela dans Sucre noir. Un livre bien construit et joliment écrit, qui n’a pourtant pas réussi à emporter mon enthousiasme et mon émotion.

 

Peut-être aurais-je dû témoigner plus d’empathie aux personnages, en les accompagnant à chaque verre de rhum qu’ils buvaient.

 

DIFFICILE     ooo   J’AI AIME

 

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Les fantômes du vieux pays, de Nathan Hill

Publié le 3 Octobre 2017 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire

Octobre 2017,

Un premier roman époustouflant. Œuvre d’un nouveau venu nommé Nathan Hill, Les fantômes du vieux pays est une vaste fresque romanesque de sept cents pages, incroyablement audacieuse et complexe, proprement ancrée dans l’histoire des Etats-Unis des cinquante dernières années.

 

Un ouvrage ambitieux, très ambitieux… Trop ambitieux ?... Peut-être. J’y reviendrai.

 

À Chicago, une femme de soixante ans vient de lancer des cailloux sur un gouverneur républicain, un homme politique d’envergure présidentielle. Pourquoi a-t-elle commis ce geste, monté en épingle par les médias, interprété en tentative d’attentat terroriste par l’opinion, un geste susceptible de lui valoir une sanction pénale extrêmement lourde ?

 

Et pourquoi, il y a un peu plus de vingt ans, cette même femme avait-elle choisi de disparaître totalement, en abandonnant son mari et son fils Samuel, alors âgé de onze ans ?

 

Voilà ce que va s’efforcer de découvrir ce dernier, aujourd’hui modeste professeur de littérature et écrivain velléitaire, un homme solitaire à la personnalité mal affirmée.

 

A partir de ces données, l’auteur met en place ses personnages, déchiffre leurs états d’âme, dévoile leurs intentions et déroule leurs (més)aventures, en emballant l’ensemble dans l’actualité américaine du moment. Grandiose !

 

1968, année de contestation violente un peu partout dans le monde. Les Etats-Unis n’y échappent pas. Les assassinats de Martin Luther King et de Robert Kennedy bouleversent une partie de la population. La guerre du Vietnam est fortement rejetée par une jeunesse universitaire subvertie par les mouvements idéalistes hérités de la contre-culture hippie. Peace and love… And drugs !

 

Il apparaît que l’origine de l’intrigue se situe cette année-là, à Chicago, lors de la Convention nationale démocrate, un événement marqué par des confrontations extrêmement brutales entre la jeunesse contestataire et les forces de l’ordre. Que s’est-il vraiment passé au rez-de-chaussée du Conrad Hilton Hotel ? Lectrice, lecteur, il te faudra un peu de patience, que dis-je, beaucoup de patience, pour l’apprendre et pour tout comprendre. Accroche-toi ! Récompense garantie à la fin, car Les fantômes du vieux pays, en dépit de quelques longueurs, est un roman d’un souffle stupéfiant, qui m’a tenu en haleine jusqu’à la découverte des dernières pièces du puzzle magistral concocté par Nathan Hill.

 

De qui le livre raconte-t-il l’histoire, Samuel ou Faye ? Les générations avancent avec les mêmes illusions, celle des geeks addicts aux univers virtuels, succédant à celle des hippies et leurs paradis artificiels. La vraie vie ne permet pas de retour à zéro, mais elle peut offrir de nouvelles chances. Le fils découvrira que le parcours de sa mère aura façonné le sien, celui d’un homme resté tardivement un petit garçon en recherche de reconnaissance, un homme ayant souvent pris de mauvaises décisions, un homme qui apprendra qu’il faut saisir sa chance avec la femme qu’on aime… Sans oublier que des fantômes légendaires diffusent parfois une influence impalpable… Et que des êtres de chair et de sang peuvent fausser les donnes, pour de bonnes ou de mauvaises raisons.

 

Le récit est de forme classique, avec l’auteur dans le rôle du narrateur, à l’exception d’un long chapitre où il interpelle directement Samuel – à moins que ce ne soit Samuel, en pleine mue, qui dialogue avec lui-même –. Tout au long du roman, l’auteur ne se prive pas de commenter, avec une sorte d’humour nihiliste désabusé, les dérives des politiques, des médias, de l’édition. Et celles des contre-cultures, hippies et geeks… A la fin, ce sont toujours les cyniques qui s’en tirent le mieux !

 

J’avais dit que j’y reviendrais. Trop ambitieux, ce premier roman très documenté auquel son auteur a consacré dix ans de travail ? Entre autres, ne pouvait-il faire l’économie de longs détails sur des personnages carrément secondaires, même s’il s’agit d’analyses très fines – et drôles ! – sur les mécanismes qui conduisent ces personnages à des perversions mentales ou comportementales ? A chacun de donner son avis.

 

Pour ma part, une fois le livre terminé, s’est effacé l’agacement ressenti lors de certaines longueurs. Ne reste que le souvenir de péripéties palpitantes, de rebondissements décoiffants, de dialogues hilarants et de relectures historiques passionnantes.

DIFFICILE     ooooo   J’AI AIME PASSIONNEMENT

 

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Le cénotaphe de Newton, de Dominique Pagnier

Publié le 20 Septembre 2017 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire

Septembre 2017,

C’est avec un peu d’appréhension que j’ai engagé la lecture de ce livre de six cents pages, dont le titre pourrait faire craindre un traité mystico-scientifique, et dont l’auteur, Dominique Pagnier, m’avait semblé plutôt devoir sa renommée à des textes poétiques qu’à des romans. Et pourtant, Le cénotaphe de Newton est une véritable fiction romanesque ancrée dans le monde réel.

 

Pas facile à lire pour autant ! Complexe, nébuleuse, mais fascinante, cette fiction romanesque met en scène un kaléidoscope étourdissant de personnages qui s’inscrivent dans une Histoire authentique, multidimensionnelle. A la verticale, prenant sa source au dix-huitième siècle, le livre se nourrit de temps forts : la révolution française, la révolution russe, la guerre d’Espagne, le nazisme et les camps, le communisme soviétique et d’autres camps, jusqu’au « Tournant » qui, pour les Allemands de l’Est, accompagne la chute du Mur. A l’horizontal, il part de la France et sillonne l’Europe Centrale de long en large, débordant même parfois ses frontières orientales, faisant étape dans des villes évocatrices, Berlin, Potsdam, Vienne, Moscou, Odessa, Samarcande... Et l’auteur nous embarque, sans logique d’ordre apparente, d’un lieu à l’autre, d’une époque à l’autre, d’un instant à l’autre, d’un monde à l’autre.

 

La fiction s’inspire du rêve d’un architecte du dix-huitième siècle qui voulut honorer le génie de Newton, le maître de la gravitation, par un projet utopique et démesuré, dont la géométrie aura influencé une généalogie d’architectes... De quoi alimenter la gnose de certains de mes amis !

 

Le narrateur, un enseignant français amateur de la culture, des paysages et des femmes germaniques, en quête d’un père disparu avec ses secrets, en vient à se passionner pour le parcours d’un Allemand, Manfred Arius, né et mort avec le vingtième siècle, issu d’une vieille famille prussienne d’architectes renommés. Un idéaliste fidèle aux idées communistes depuis la Révolution d’octobre, membre du Komintern, citoyen de la République Démocratique Allemande jusqu’à la réunification. Ses aînés auront signé des édifices à l’architecture théâtrale ; lui, c’est dans les décors de théâtre qu’une sorte de malédiction le confinera. Tous auront rêvé en vain de construire un jour le cénotaphe de Newton.

 

Une malédiction dans la lignée des Arius ? Le destin de Jeanette, fille que Manfred eut sur le tard, semble le prouver. Son comportement rebelle d’artiste punk constitua une menace pour le merveilleux socialisme est-allemand. Ce fut en tout cas la conviction d’un dénommé Götz, capitaine de la Stasi, l’abominable police politique nationale. Un homme étriqué, maniaque et malsain, auteur de milliers de fiches sur Manfred et Jeanette, enrichies par des cahiers tenus avec obsession bien après le démantèlement de la Stasi. L’ensemble, opportunément récupéré par le narrateur, lui aura servi de matière première pour l’élaboration de son roman, en complément des témoignages des proches des Arius.

 

Un livre constellé de symboles ; à chacun de les déceler et de les interpréter. Le cénotaphe : une forme de sphère, sinistre comme une prison vide ; ou une forme de ballon, léger comme une évasion ; ou encore une forme de bulle, éphémère comme une utopie qui finit par exploser – flop !... – pour avoir trop gonflé, tel un rêve dont l’intensité vous réveille en sursaut et dont le souvenir s’efface aussitôt pour laisser place aux réalités habituelles. Et tant mieux, car les architectures monumentales, gigantesques, oniriques sont souvent le fait des totalitarismes.

 

Comme tous les romans construits en puzzle, Le cénotaphe de Newton est un livre d’accès difficile, qu’il est intéressant de relire en le feuilletant après l’avoir fini, une fois qu’on en a vu toutes les pièces et qu’on en a alors compris la trame globale et la chronologie.

 

C’est l’œuvre d’un érudit, amateur d’arts éclairé, cohérent et clair dans sa pensée. L’écriture est magnifique, jamais grandiloquente, toujours simple, coulant de source, avec de temps à autre des tournures surannées, l’emploi de mots désuets ou inusités. Cela fait partie du charme de ce livre, qu’il est commode de lire sur liseuse, quand on en maîtrise les fonctionnalités.

 

TRES DIFFICILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

 

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