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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

La guerre par d'autres moyens, de Karine Tuil

Publié le 6 Mai 2025 par Alain Schmoll

Mai 2025,

La guerre par d’autres moyens n’est pas le premier roman de Karine Tuil que je lis. Une fois de plus, je suis séduit, et j’ose même dire, enthousiaste. Mon intérêt s’est éveillé dès les premières pages, je me suis ensuite passionné pour les sujets soulevés, avant d’être emporté par l’enchaînement dynamique des péripéties, qui se bouclent dans un final trépidant, angoissant… Un vrai thriller !

Le personnage principal n’est pas n’importe qui : il a été président de la République et n’a pas été réélu. Un an après, Dan Lehman ne s’est pas habitué au vide de son nouvel état et il se laisse aller à boire. Sa vie privée aussi est compliquée. Il avait été marié pendant vingt-cinq ans à une écrivaine, Marianne, avec laquelle il avait eu trois enfants. Il l’avait quittée il y a huit ans pour Hilda, une actrice beaucoup plus jeune. Leur couple se délite, mais ils adorent leur fille, Anna, trois ans.

Marianne avait écrit une fiction sur les violences dans un couple et sa publication avait rencontré un certain succès d’estime. Elle a participé à l’adaptation de son livre pour le cinéma, sous la houlette d’un ambitieux réalisateur de films d’auteur, Romain, qui en a confié le rôle principal à Hilda. Le film sera-t-il sélectionné pour le Festival de Cannes ?

Imagines-tu, lectrice, lecteur, les imbroglios possibles, lorsque, en plein débat de société sur la nature des rapports entre les hommes et les femmes, les circonstances mettent en relation, sur ce thème, un cinéaste pervers narcissique et les deux épouses d’un ex-président, sous l’œil de ce dernier, empêtré dans sa déprime, son alcoolisme et ses velléités de retour ? En d’autres mots, la guerre peut-elle être évitée, mais… de quelle guerre parle-t-on ?

Le titre du livre s’inspire de Clausewitz, qui définissait la guerre comme un acte de violence pour contraindre les autres à exécuter notre volonté. Il ajoutait : « La politique, c’est la guerre continuée par d’autres moyens ». En fait, la guerre est partout, elle couve entre homme et femme, elle est explosive dans le monde du cinéma, où les enjeux financiers, médiatiques et égotistes peuvent rendre fou. L’élaboration du film de Romain, sa thématique et sa destinée constituent d’ailleurs la colonne vertébrale du livre. S’y rattachent de nombreuses intrigues secondaires ramenant à d’autres questions sociétales d’actualité, qui se complètent mutuellement : l’ambition, le pouvoir, l’élitisme, les clivages, l’antisémitisme…

La structure du roman, finement conçue, donne de l’allant à sa lecture. Comme dans une tragédie antique, le narrateur (du genre omniscient) pose le contexte général des intrigues et commente les péripéties. Il laisse par moment la parole à un personnage ou à un autre, puis s’efface peu à peu derrière de véritables scènes de théâtre à la dramaturgie bien pensée, sombre ou jubilatoire : rencontres et dialogues plus ou moins intimes à huis clos, réunions stratégiques, conférences, interviews, interrogatoire judiciaire…

Tandis que les problématiques homme-femme ne cessent de rebondir, de s’élargir et de se complexifier, la dynamique romanesque du livre est soutenue par son écriture, nerveuse, directe, comme jetée spontanément, sans affèterie, sans offrir de respirations. Tout cela se traduit, dans la narration et dans les thèmes de réflexion, par une densité qui se retrouve aussi dans la mise en page, où les espaces sont rares. Certes, les chapitres sont courts, mais l’effet conjugué de cette densité qui ne se relâche pas et de l’accélération des péripéties m’a laissé groggy au moment du dénouement.

Dans sa façon d’aborder les enjeux de société sans prendre explicitement parti, Karine Tuil prend le risque de déplaire. Certains ont des positions tranchées et ne tolèrent pas que l’on nuance leurs convictions. Et les experts et spécialistes, qui se targuent d’étudier en profondeur les problèmes, s’agacent qu’un simple roman puisse les soumettre directement au jugement de lectrices et de lecteurs, dont l’aptitude leur paraît incertaine. Moi, j’aime bien cette autrice, qui m’a aussi fait sourire en instillant dans le personnage de Dan Lehman des petits détails spécifiques à plusieurs hommes de pouvoir contemporains.

Romans de Karine Tuil déjà critiqués : L'insouciance, Les choses humaines, La décision

GLOBALEMENT SIMPLE   ooooo J’AI AIME PASSIONNEMENT

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