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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

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La peste, d’Albert Camus

Publié le 6 Mars 2021 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Mars 2021,

Jamais démenti depuis sa publication en 1947 par Albert Camus, le succès de La peste en librairie a rebondi en 2020, comme un effet secondaire de la pandémie de la Covid-19.

Pour ses premières ébauches, l’écrivain avait été inspiré par de petites épidémies locales survenues en Algérie, sa terre natale. Il a finalement opté pour la « chronique » d’une peste fictive d’envergure qui se serait abattue sur Oran, amenant au confinement total de la ville. Un confinement différent de ce que nous avons connu, puisque dans le roman, il n’est question ni de masques, ni de gestes barrières, ni de fermeture des restaurants – qui sont bondés –, alors qu’en revanche, la ville est complètement bouclée, nul ne pouvant y entrer ou en sortir ; le courrier est interrompu, de peur que les lettres ne transportent des germes, le réseau téléphonique interurbain est coupé, ne pouvant supporter l’afflux prévisible des communications.

La peste est une maladie fortement létale. Mais le risque est aussi de se retrouver prisonnier ou exilé. De l’intérieur ou de l’extérieur, il n’y a alors aucune possibilité, pendant de longs mois, d’échanger avec des parents ou des êtres aimés, si ce n’est par de très courts télégrammes. De quoi réduire le souvenir de l’autre à une pure abstraction. J’ai été sensible à l’enfer personnel – pudiquement passé sous silence – vécu par le docteur Rieux, personnage principal et narrateur discret, dont la femme, gravement atteinte de tuberculose, était partie se faire soigner à la montagne.

Le livre peut se lire rapidement si l’on se cantonne à la chronologie des événements, si l’on tient les commentaires du narrateur pour de simples observations anecdotiques et si l’on ne se pose pas de questions existentielles sur les attitudes des différents personnages, lesquels vivent au quotidien, chacun à sa façon, les sujétions de l’épidémie. Si je me fie à mes souvenirs, c’est dans cette disposition d’esprit que j’avais lu La peste dans ma jeunesse.

La lecture prend une autre dimension quand on sait que Camus voyait son livre comme une allégorie de la résistance au nazisme pendant l’Occupation, mais aussi lors de l’insidieuse contamination des esprits par la « peste brune » tout au long des années trente. Une dimension qui oblige à une lecture lente, analytique, laborieuse. Car comment nous projeter en ce temps-là, désormais, alors que nous sommes englués dans notre propre actualité liée à la Covid-19 ?

J’ai souri en retrouvant dans le livre une Administration qui hésite, qui tarde à agir, craignant les réactions de la population, à juste titre d’ailleurs, car l’on conteste, proteste, minimise ou dramatise à l’excès, tout en se pliant bon gré mal gré aux privations de liberté qui s’imposent. La mise au point de vaccins suscite l’espérance, puis d’amères désillusions. Mais ce qui désespère les gens est le sentiment de n’avoir aucune prise sur le fléau, sur son expansion, sur sa durée : jusqu’où et jusque quand cela durera-t-il ? se demandent-ils, comme nous.

Malgré le réalisme atroce de certaines scènes d’agonie, la peste du roman n’est pourtant qu’une abstraction, un fléau absurde qui apparaît et prend fin sans véritable explication, un drame auquel la population cherche un sens alors qu’il n’en a pas. Une maladie comme la peste, une idéologie comme le nazisme ne seraient que des incarnations du Mal, apparaissant sans raison pour frapper l’humanité.

Les personnages du roman nous éclairent sur les convictions de Camus. Ceux qui cherchent une réponse dans la religion ou dans les idéologies se fourvoient. Quelques-uns – les collabos ! – profitent du Mal, mais la majorité choisit de résister, chacun à sa manière. Au-delà de la fureur, du désir de vengeance ou de l’héroïsme exalté, la résistance appropriée serait d’intervenir au quotidien auprès de ses concitoyens pour les aider à survivre, ainsi que s’y emploie activement le docteur Rieux, un humaniste attentif à tous, soucieux d’accomplir sa mission de médecin.

Je garde de cette deuxième lecture de La peste le souvenir de moments difficiles, mais intéressants, et il n’est pas exclu que j’y revienne un jour.

TRES DIFFICILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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Mémoires d'Hadrien, de Marguerite Yourcenar

Publié le 27 Février 2021 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Février 2021,

La publication en 1951 des Mémoires d’Hadrien fut pour Marguerite Yourcenar (1903-1987) le couronnement d’un travail qui s’était étendu sur plus de vingt-cinq années. Cette romancière et poétesse française, première femme élue à l’Académie française, s’était intéressée très tôt au personnage d’Hadrien, qui régna sur l’Empire romain entre les années 117 et 138.

Sa curiosité pour un empereur qu’on qualifierait de nos jours d’humaniste et de globe-trotter tourna à la fascination lorsqu’elle prit la mesure d’une phrase de Flaubert : « Les dieux n'étant plus et le Christ n'étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l'homme seul a été ». Pour Marguerite Yourcenar, Hadrien fut typiquement cet homme seul, libre encore de tout dogme et délivré de la crainte que le ciel ne lui tombe sur la tête.

Tout en menant un travail érudit et exhaustif de documentation nécessitant de lire couramment le latin et le grec ancien, Marguerite Yourcenar s’est longtemps interrogée sur la forme qu’elle donnerait à ce qui s’apparente à un roman historique. Elle a choisi de laisser s’exprimer Hadrien. L’ouvrage n’est toutefois ni une autobiographie ni un journal. Il se présente comme une très longue lettre (trois cents pages) écrite par l’empereur quelque temps avant sa mort, qu’il sentait venir, et destinée à ceux qui seront appelés un jour à la tête de l’Empire. L’écrivaine historienne s’est alors effacée, identifiée au personnage, insérée dans l’époque, afin de voir, d’entendre, et de penser comme si elle était Hadrien.

Hadrien revient sur ses années de formation, ses premières responsabilités, son ascension vers le pouvoir dans le sillage de Trajan, un empereur guerrier et conquérant, qui le désigna comme son successeur sur son lit de mort. D’esprit tolérant, ouvert aux idées extérieures, Hadrien mit un terme à la politique expansionniste de son prédécesseur, se déplaçant aux quatre coins de l’Empire afin d’en pacifier les territoires, d’y développer l’économie et d’agréger les cultures des peuples à la civilisation romaine. A la fin de son règne, il échoua cependant en Judée, où les zélotes, réfractaires à toute remise en cause de leurs pratiques, le contraignirent à une guerre impitoyable et funeste.

Sage, clairvoyant, conscient de ses responsabilités, il a travaillé au progrès de l’humanité et des sociétés, a modernisé les lois, tout en restant lucide et stratège sur les obstacles et les menaces, n’hésitant pas à frapper fort si nécessaire. Lettré, poète, amateur d’art, captivé par l’histoire grecque et l’antiquité égyptienne, il fit construire des cités modernes, des temples, des bibliothèques et la fameuse Villa Hadrienne, à Tivoli, non loin de Rome. « Je me rendais responsable de la beauté du monde, je voulais que les villes fussent splendides », écrit-il.

Dans sa vie privée, Hadrien fut un amoureux passionné. Des femmes, et surtout de jeunes garçons en quantité, un usage politiquement correct à l’époque. Parmi ces éphèbes, son favori, Antinoüs, que sa mort mystérieuse par noyade dans le Nil éleva au rang de divinité.

Sous la plume prêtée à Hadrien par Marguerite Yourcenar, la syntaxe est parfaite. Le langage est simple, fluide, en dépit de nombreux noms propres – personnages, lieux – et de mots inusuels désignant des objets ou des pratiques du IIe siècle. Hadrien raconte au passé simple son parcours d’empereur. C’est une longue, très longue narration, développée sur un ton si uniforme que la lecture en devient par moment monotone. Mémoires d’Hadrien n’en reste pas moins un prodige de virtuosité littéraire et un éclairage passionnant sur l’apogée de l’Empire romain.

A la fin de sa vie, Hadrien, malade, se montre désabusé, fataliste, tout en restant globalement optimiste. « Le désordre triomphera, mais de temps en temps, l’ordre aussi… Les mots de liberté, d’humanité et de justice retrouveront çà et là le sens que nous avions tenté de lui donner ». Une vision éclairée, des propos qui sonneraient juste aujourd’hui. De quoi à la fois espérer et désespérer de l’espèce humaine.

DIFFICILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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On n'y échappe pas, de Boris Vian, avec la participation de l'OuLiPo

Publié le 9 Février 2021 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Février 2021, 

Soixante ans après sa mort, Boris Vian reste ancré dans la légende de Saint-Germain-des-Prés et de ses cabarets, où il se produisit comme trompettiste de jazz. Il est surtout connu par ses romans (l’Ecume des jours, L’Arrache-cœur) et par ses chansons (Le Déserteur). En 1950, cet artiste touche-à-tout imagina le synopsis d’un roman policier, dont il écrivit les quatre premiers chapitres… avant de passer à autre chose et de laisser l’ouvrage en chantier.

En 2020, à l’occasion du centenaire de sa naissance, un collectif d’écrivains membres de l’OuLiPo (*) écrit douze autres chapitres, achevant un roman fidèle au synopsis d’origine et dans l’esprit « série noire » voulu par Vian. Il lui donne pour titre On n’y échappe pas, une phrase jetée par l’auteur dans ses notes.

Le livre apparaît comme l’adaptation française d’un roman américain de série noire des années cinquante, cette version originale, faut-il le dire, n’existant pas. Boris Vian en connaissait bien le format, car il avait traduit des polars (réels) de Raymond Chandler. Il n’en était pas à son coup d’essai et avait déjà écrit plusieurs pastiches de romans noirs sur le même modèle, les présentant comme les traductions françaises des ouvrages d’un auteur américain fictif nommé Vernon Sullivan, parmi lesquels le fameux J’irai cracher sur vos tombes, qui fit scandale en 1946.

Dans On n’y échappe pas, un officier américain qui rentre au pays en décembre 1950 après avoir perdu une main en Corée, découvre que ses anciennes petites amies sont sauvagement assassinées les unes après les autres. On peut qualifier le livre de « thriller vintage », comparable aux séries noires classiques de cent soixante pages de l’époque. Des meurtres sanglants, un privé qui mène l’enquête, une policière séduisante, un machisme cru, un coupable inattendu… et une fin radicale un peu surprenante.

J’ai pris beaucoup de plaisir à la lecture d’On n’y échappe pas, dont l’humour, les traits d’esprit, les jeux de mots et les références incongrues m’ont enchanté.

(*)  L’OuLiPo, Ouvroir de la Littérature Potentielle, est une association inspirée par le surréalisme. Ses membres décrivent un monde fondé sur le langage, quitte à le rendre absurde ou extravagant. Ils se posent en héritiers d’Alfred Jarry et de son concept de Pataphysique. Boris Vian fut lui-même pataphysicien, une lignée qui compta des artistes aussi divers que Marcel Duchamp, Man Ray, Jacques Prévert, Eugène Ionesco, Raymond Queneau, Georges Perec, ou encore Hervé Le Tellier, l’actuel président de l’OuLiPo, récent lauréat du prix Goncourt pour L’Anomalie.

 FACILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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Broadway, de Fabrice Caro

Publié le 9 Février 2021 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Février 2021, 

Fabrice Caro a plusieurs cordes à son arc, il est dessinateur, scénariste, romancier et musicien de rock. Il est surtout renommé pour ses bandes dessinées, publiées avec succès en albums et dans des revues. Pour ma part, je ne le connaissais pas et je n’avais jamais lu ses œuvres. Non pas que je n’aime pas la bande dessinée, je lis avec plaisir celles qui me tombent sous la main, mais cela ne m’arrive pas souvent et je n’en achète pas.

Son livre Broadway est annoncé comme un roman. C’est plutôt un ensemble de chroniques plus ou moins amusantes sur les pérégrinations d’Axel, un quadragénaire, marié, père de deux adolescents, une fille et un garçon. C’est lui-même qui raconte. On ne connaît pas sa profession – c’est un signe –, on sait juste qu’il travaille dans un bureau et qu’il craint son patron.

Dans son quotidien, Axel est aux prises avec les vicissitudes de la vie courante, face aux chausse-trappes glissées sous ses pas, par sa femme, ses enfants, ses voisins, ses collègues et plus généralement, les fonctionnaires. Des pièges non intentionnels, mais qu’il a tendance à prendre mal. Axel est un loser dépressif et il survit avec des rêves d’escapade en Amérique du Sud et de scène à Broadway.

Le fil rouge du récit est la réception par Axel d’une lettre de la CPAM lui suggérant un dépistage du cancer colorectal. Une circulaire adressée normalement, en France, à tous les quinquagénaires. Mais Axel n’a que quarante-six ans et son esprit tourmenté se tracasse à inventorier les raisons funestes qui ont pu amener la CPAM à lui envoyer cette lettre prématurément. Le narrateur évoque aussi, sur un ton d’autodérision amère, quelques autres désagréments du même acabit.

Des anecdotes qui font sourire quand on les lit une fois, mais méritent-elles de constituer la trame d’un livre de presque deux cents pages ? J’ai personnellement la conviction que Molière a définitivement tué le comique de répétition, depuis que Géronte a demandé à sept reprises à Scapin : « Que diable allait-il faire dans cette galère ? ».

L’auteur dispose d’une très belle plume. Broadway est remarquablement bien écrit, avec toutefois une légère tendance à la verbosité. Petit péché mignon. On peut trouver du plaisir à relire ce qu’on écrit, comme d’autres aiment à s’écouter parler.

L’ouvrage témoigne de réelles qualités d’écriture et d’humour. Dommage de ne pas les mettre au service d’une véritable fiction.

GLOBALEMENT SIMPLE     oo    J’AI AIME… UN PEU

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Le Sel de tous les oublis, de Yasmina Khadra

Publié le 28 Janvier 2021 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Janvier 2021, 

Né en Algérie, Yasmina Khadra vit en France depuis 2001. Son pseudonyme, constitué des deux prénoms de son épouse, lui avait permis de se lancer dans l’écriture en se protégeant de la censure militaire, à une époque où il était encore officier dans l’armée algérienne. J’avais lu et beaucoup apprécié deux de ses romans, les plus renommés parmi la vingtaine qu’il a écrits, L’Attentat et Ce que le jour doit à la nuit.

Dans Le Sel de tous les oublis, il se penche sur le rapport de l’homme et de la femme, dans une société qui est bien loin de remettre en question ses traditions patriarcales. La fiction se passe en 1963, dans l’Algérie rurale. L’indépendance est toute récente. Le pays sort d’une guerre douloureuse et rêve naïvement de lendemains qui chantent.

Dans une première partie, le livre raconte la dérive d’Adem, un homme jeune, à qui son épouse vient d’annoncer qu’elle a un amant et qu’elle le quitte. Cela faisait des années que cet instituteur ne s’intéressait plus vraiment à elle, qu’elle n’était plus qu’un accessoire ménager, mais il n’avait jamais imaginé le scénario d’un tel départ. Anéanti, incapable de supporter le regard des autres, il laisse tomber son métier et abandonne la petite maison à laquelle ses fonctions d’enseignant lui donnaient droit. Sans argent et muni d’un maigre baluchon, il s'en va, droit devant lui, à la recherche de… il ne sait pas vraiment quoi !

En ville, il fréquente les bars, tombe dans l’alcoolisme, se fait tabasser, dépouiller et découvre l’enfermement parmi un monde de pauvres bougres. Il part ensuite dans le maquis et fait sur son chemin des rencontres étonnantes, des personnages marginaux, folkloriques, dont un nain disgracié philosophe. Tous l’abreuvent de conseils positifs, de recommandations optimistes, mais il n’écoute pas. Tombé dans la plus grande précarité, il dort dans des grottes et ne survit que grâce à la générosité des personnes qu’il croise ; des actes de bienveillance spontanée qu’il ne sollicite pas et auxquels il se refuse même, en retour, à témoigner de la reconnaissance par un minimum de civilité. Il ne répond pas aux questions, rejette les approches amicales, préfère cultiver sa solitude pour mieux ruminer son sort personnel.

Dans la seconde partie du roman, il est hébergé par un homme handicapé et son épouse. Il accepte de leur rendre un service en échange du gîte et du couvert. Après son parcours initiatique douloureux, cette rencontre est l’occasion d’une rédemption, avec le risque de retomber dans ses vieux démons...

La narration change alors de rythme et cesse de traîner son allure lénifiante de conte philosophique, pour devenir réellement captivante. Adem va se trouver, sans le moindre état d’âme, aux prises d’un côté à des imams accrochés à une vision archaïque de la société, de l’autre à des fonctionnaires corrompus, avides ou lâches, prêts à abuser de leur pouvoir récent dans une Algérie indépendante. Mais sur le plan personnel, Adem a-t-il intégré le bon comportement à adopter face à une femme ?

L’écriture est parfaite, il n’y a rien à en redire, si ce n’est qu’elle est presque un peu trop lisse, un peu gentillette, comme le sont aussi les vers dont le titre est extrait. Le Sel de tous les oublis est un livre agréable à lire, mais une fois ses pages évaporées dans les oubliettes du temps, je garderai surtout de Yasmina Khadra le souvenir des deux romans que je mentionnais au début de cette chronique.

FACILE     ooo   J’AI AIME

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Buveurs de vent, de Franck Bouysse

Publié le 28 Janvier 2021 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Janvier 2021,

Franck Bouysse est un écrivain hors normes. Roman après roman, il est aujourd’hui de bon ton de se prosterner sans réserve devant celui qui est devenu une icône de la littérature française. Mais qu’est-il possible d’écrire après l’extraordinaire Né d’aucune femme ? En d’autres termes, Buveurs de vent, son nouveau roman, est-il à la hauteur du précédent ?

Les deux livres portent la patte de l’auteur et présentent forcément des analogies. Les actions se situent dans des terroirs sauvages, hostiles, fermés. Ces terroirs sont marqués au fer par la présence pesante, aliénante, d’une industrie lourde, dirigée sans partage par un patron vorace, tyrannique et tout puissant, une sorte d’ogre, pouvant s’appuyer sur des affidés prêts à tout. Les tiers sont asservis, résignés, à l’exception d’un personnage de femme, une héroïne fière, qui sonne l’heure de la rébellion.

Les ouvrages ont aussi leurs différences. Né d’aucune femme était une fiction réaliste, même si l’auteur y avait poussé aux états limites les traits des personnages, explorant l’humanité dans ce qu’elle a de pire et la résilience pour ce qu’elle a de plus noble. Dans Buveurs de vent, l’auteur saute une marche. Le cadre franchit les bornes du réel, le roman prend tantôt les codes d’un western, tantôt ceux d’un conte fantastique. L’ogre est un être qui échappe à notre entendement, un humanoïde désincarné dont les motivations sont impénétrables… peut-être sont-ce des algorithmes !... Un autre personnage m’interpelle. Il débarque, sans crier gare, en provenance d’une pièce de Shakespeare. Un marin ! Que diable vient-il faire dans cette galère ?

L’action de Buveurs de vents se passe dans la vallée du Gour Noir, paradis ou enfer inaccessible, où la nature est belle, sauvage, intemporelle, à peine altérée par la modernité. Il n’en est pas de même pour l’espèce humaine. La vallée est le siège d’une activité industrielle prédatrice – un barrage, une centrale électrique, des carrières –, dirigée par Joyce, un ogre paranoïaque venu de nulle part, qui imprime de sa patte tous les détails de la vie quotidienne, annihilant une population résignée, telle une nuée d’insectes prise dans la toile d’une araignée tentaculaire.

La modernité aurait pu se limiter au viaduc, un ouvrage d’art métallique majestueux qui permet à la voie ferrée d’enjamber la vallée. Le viaduc fascine trois frères et une sœur, une fratrie du genre « un.e pour tou.te.s, tou.te.s pour un.e », dont la distraction préférée est de s’y suspendre, chacun au bout d’une corde, pour ressentir les vibrations des trains qui passent et aspirer les courants d’air qui balayent la vallée.

Dans une interview, Franck Bouysse explique qu’il a construit son roman à l’inverse de sa pratique courante. Il a pour habitude de brosser d’abord les personnages et c’est autour d’eux qu’il structure intrigue et décors. Dans Buveurs de vent, c’est du paysage, du viaduc – qu'il a vu de ses yeux et qui le subjugue –, que seraient nés les personnages. De quoi s’identifier. Amoureux de la littérature et de la nature, il est à la fois Marc et Mathieu, et par son génie créatif venu de ses rêves d’enfant, il s’apparente à Luc. Devant ses yeux éblouis et les nôtres se tient l’héroïne, Mabel, échappant au destin d’apôtre de ses frères.

Chez les gentils comme chez les méchants, le casting est inattendu, hétérogène, attachant. Les péripéties sont de plus en plus captivantes au fil des pages. On les tourne avec envie, en quête d’un accomplissement… qui ne vient pas. Dommage ! Basculer vers un autre monde. Peut-être. Lequel ?

Reste l’écriture. La plume, à la fois brute et légère, puise ses ressources dans le soufre des profondeurs et vient humer l’air limpide des hauteurs. Chaque page apporte un lot d’images incroyables, sorties d’une imagination prolifique, féconde comme une terre. L’auteur montre une capacité éblouissante à plaquer des images conceptuelles, abstraites, évanescentes, sur les peintures d’un terroir séculaire, sombre, vivant. Un plaisir de lecture à côté duquel il aurait été dommage de passer.

DIFFICILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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La Proie, de Deon Meyer

Publié le 13 Janvier 2021 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Janvier 2021, 

L’Afrique du Sud est une nation complexe. Je connais mal son histoire, mais j’ai bien conscience de la diversité d’origine de sa population et de la multiplicité de ses langues. J’avais suivi avec bienveillance les espoirs ouverts il y a une trentaine d’années par la fin du régime de l’apartheid et par les valeurs incarnées par Nelson Mandela. Des espoirs malheureusement déçus dans un pays restant affecté par la pauvreté, les inégalités, la violence et un marasme économique entretenu par une corruption au plus haut niveau de l’Etat, tout particulièrement jusqu’en 2018, sous la présidence de Jacob Zuma, un ancien compagnon de route de Mandela.

Une corruption et une compromission de très grande ampleur, que l’écrivain Deon Meyer pose en pierre angulaire de la plupart de ses romans policiers. Son dernier ouvrage, La Proie, publié en afrikaans en 2018, est l’histoire fictive d’un projet d’assassinat du président de la République. 

Des vétérans de l’ANC, anciens camarades de lutte du président, considèrent qu’il a trahi « la Cause », qu’il donne une image désastreuse de l'Afrique du Sud et qu’il est responsable des difficultés économiques dont le pays n’arrive pas à s’extraire. Ils ont appris qu’à l’initiative d’hommes d’affaires proches du pouvoir et en contrepartie de commissions colossales, l’Etat est sur le point de confier la construction d’une centrale nucléaire à la Russie, laquelle cherche à étendre son influence sur le continent. Il faut mettre un terme à cette « kleptocratie », estiment-ils. Une prochaine visite officielle du président en France pourrait être l’occasion de mettre leur projet à exécution.

Ils sollicitent un autre vieux camarade, un ancien tueur de ce qui était la branche armée de l’ANC, soutenue à l’époque par le KGB et la Stasi. Reconverti depuis trente ans sous une fausse identité dans une petite vie tranquille en France, à Bordeaux, cet homme hésite à participer à cet acte de terrorisme. Est-il d’ailleurs encore physiquement et mentalement apte ? 

En même temps, deux officiers des « Hawks », une unité d’élite de la police criminelle d’Afrique du Sud, sont amenés à enquêter sur la mort violente d’un ancien policier, disparu au cours d’un trajet dans un train de luxe. Son corps est retrouvé quelques jours plus tard dans une zone désertique, près de la voie ferrée. Accident, suicide ou meurtre ? 

Fort de ses savoir-faire bien connus en matière de guerre numérique et d’empoisonnement indécelable, le FSB, le Service secret russe qui a succédé au KGB, fera tout pour déjouer le complot. Il en est de même, au Cap, pour la direction de la Sécurité nationale, compromise avec le pouvoir et toute puissante pour imposer sa volonté. Mis en cause par le Défenseur des droits pour captation de patrimoine public, les proches de pouvoir crient aux fake news répandues par des ennemis de la révolution nationale démocratique, à la solde du « capital monopolistique blanc ».

La narration est consacrée alternativement aux deux intrigues qui se développent séparément, l’une en Afrique du Sud, l’autre en Europe, à Bordeaux, Amsterdam et Paris. L’auteur s’étend agréablement sur la vie privée compliquée des principaux personnages et sur la description des lieux dans lesquels ils évoluent. Peu à peu apparaît le lien entre les deux actions et le suspens devient captivant.

Certains pourront se sentir perdus dans les longs méandres de la narration et désemparés par l’énonciation de régions ou de villes dont les noms n’évoquent rien, en tout cas pour ceux qui ne sont jamais allés en Afrique du Sud. Il en est de même pour certains prénoms et patronymes, dont la diversité est représentative des origines ethniques des personnages.

La Proie n’en reste pas moins un thriller passionnant et instructif. Il mêle corruption, criminalité et politique internationale dans un tableau dont le réalisme et l’actualité ne font pas de doute.

DIFFICILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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La Frontière, de Don Winslow

Publié le 13 Janvier 2021 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Janvier 2021, 

Je n’avais jamais rien lu de Don Winslow, cet auteur de romans policiers maintes fois primé, considéré comme un maître en la matière. Ceux qui recherchent de la littérature au contenu et au style délicats feront mieux de passer leur chemin, mais personnellement, je salue l’efficacité des mille pages de La Frontière, un volume publié en 2019 pour clore une trilogie (La Griffe du chien, Cartel) qui relate, sur quarante années, le combat du personnage principal, Art Keller, contre le trafic de drogue aux États-Unis et au Mexique. 

Les péripéties de La Frontière commencent au début de 2014 et s’achèvent en avril 2017. Art Keller, un vétéran de la lutte contre les narcotrafiquants, a été nommé à la tête de la DEA, ou Drug Enforcement Administration, une Agence fédérale rattachée au ministère de la Justice, dont la vocation est de s’opposer au trafic et à la distribution de drogues aux États-Unis.

Pas de difficulté à découvrir La Frontière sans avoir lu les précédents tomes. Le premier chapitre retrace à grands traits les principaux épisodes antérieurs et dresse le panorama des nombreux personnages. 

Au Mexique, après la disparition d’un « Padrino » qui avait réussi à fédérer tous les cartels, ses héritiers et les chefs de ces cartels sont entrés en concurrence pour lui succéder. Un monde de psychopathes à peine matures ! Leurs compétitions ressemblent à des jeux de société, sauf que les perdants ne sont pas condamnés à un gage, mais à la torture et à la mort, avec femme et enfants. Les méthodes de management d’un cartel sont simples : intimidations, prises en otage des familles, assassinats épouvantables filmés et postés sur les réseaux sociaux… L’horreur ! Pas d’états d’âme ! Les meurtres inutiles d’innocents sont légion et les responsables politiques corrompus n’hésitent pas à les couvrir. 

La drogue est en effet au cœur d’une filière économique très rentable. Elle génère de nombreux jobs et d’importants budgets dans sa production et dans sa distribution, mais également dans la police. « La guerre contre la drogue c’est aussi du business », reconnaît un homme politique américain. Quel serait l’intérêt de faire disparaître cette industrie ? On a pourtant dénombré 30 000 morts par overdose aux USA en 2014. (Des chiffres qui auraient doublé depuis.)

Art Keller constate l’échec des stratégies menées jusqu'alors. Fermer les frontières ? Elles restent des passoires. Arrêter les dealers ou les grands chefs ? Ils sont immédiatement remplacés. Alors il s’attaque à l’argent de la drogue, des surplus considérables, qui doivent être blanchis et investis. L’enquête passe par Wall Street et le financement d’opérations immobilières. Des agents de la DEA sont infiltrés...

Tel un Incorruptible du temps de la prohibition, Keller ne cède pas un pouce de terrain. Ses stratégies et son intransigeance ne sont cependant pas indolores. Elles entraînent la mort d’innocents, autant de sacrifices, comme dans n’importe quelle guerre. 

La construction de l’ouvrage est complexe, mais très cohérente. La narration globale est séquencée et schématisée comme un manuel d’histoire. Elle est toutefois agrémentée de « zooms » sur le séjour carcéral de trafiquants, sur les rivalités de dealers de quartiers, ou sur les fêtes spectaculaires que de richissimes Jefes de cartels organisent à grands frais dans leurs somptueuses villas.

Ce thriller très instructif est trépidant tout en étant passionnant, à condition d’avoir le cœur bien accroché. Inspiré de faits avérés, le roman est tellement réaliste qu’on a parfois l’impression de lire un documentaire. Difficile de savoir où s’arrête la vérité et où commence la fiction.

Que penser notamment de ce personnage, candidat républicain à la présidence dans la première moitié du roman, président élu par la suite ? Un homme qui communique par tweets, qui promet de construire un mur à la frontière du Mexique et dont le gendre finance une opération immobilière avec de l’argent sale… Certes, toute ressemblance ne pourrait être que fortuite… 

GLOBALEMENT SIMPLE  ooooo J’AI AIME PASSIONNEMENT

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Le métier de mourir, de Jean-René Van der Plaetsen

Publié le 23 Décembre 2020 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Décembre 2020, 

Le choix des lycéens de primer un livre portant un tel titre avait éveillé ma curiosité. Le métier de mourir est un ouvrage qui sort de l’ordinaire, comme d’ailleurs son auteur, dont c’est le deuxième roman. Jean-René Van der Plaetsen a mené une longue carrière de journaliste au Figaro, après avoir été, dans sa jeunesse, soldat en mission au Sud-Liban, en tant que Casque Bleu. Une expérience personnelle qui l’aura inspiré.

Quand ils évoquent le personnage principal d’un roman, les gens disent parfois « le héros », un terme souvent injustifié. Dans Le métier de mourir, il serait légitime de l’employer pour Belleface. C’est en tout cas clair dans l’intention de l’auteur. Celui que ses hommes appellent le Vieux est un militaire de carrière juste et courageux, une personne de bonne moralité, qui a crapahuté en Indochine dans la Légion étrangère, participé aux campagnes de Tsahal, où il accède au grade de colonel, avant de prendre, à l’âge de la retraite, un poste dans l’Armée du Liban-Sud. En 1985, il est assigné à la surveillance du check-point de Ras-el-Bayada, à l’entrée d’une zone franche entre Israël et le Liban. Un endroit stratégique, susceptible d’être attaqué par le Hezbollah.

J’ai été impressionné par la table des matières, strictement cadrée : premier jour, deuxième jour, troisième jour. L’attente d’une hypothétique attaque terroriste rappelle un peu celle du roman culte de Dino Buzatti, Le Désert des Tartares. Dans Le métier de mourir, l’attente ne dure que trois jours, mais son intensité dramatique est d’autant plus forte. Le dénouement est fracassant.

Le sujet du livre dépasse largement ces trois journées d’expectative, vécues sous un soleil de plomb, dans un paysage grandiose de premier matin du monde et dans un contexte politique conflictuel qui ne surprend plus personne. Le roman restitue en effet toute la vie du héros, sous forme de témoignages indirects et de souvenirs qui lui reviennent, traînant avec eux leurs lots de nostalgie, de tristesse et de colère : l’enfance heureuse dans une famille juive aisée de Varsovie, la déportation et l’extermination des siens à Treblinka, le sacrifice d’un prêtre lui ayant permis d’en réchapper miraculeusement…

S’en est suivi un long parcours de baroudeur, au cours duquel Belleface a construit sa morale de soldat, une démarche nourrie aussi par la lecture de l’Ecclésiaste, ce livre de l’Ancien Testament constitué d’aphorismes sur le sens de la vie. Tout ne serait que vanité, il n’y aurait rien de nouveau sous le soleil… Faut-il alors se résoudre à ne rien transmettre de ce qu’on a appris ? Et si Favrier, le jeune soldat français présent aux côtés de Belleface, pouvait lui tenir lieu de fils spirituel et entendre le secret qui hante le vieux militaire ?

J’ai beaucoup aimé ma lecture… pendant les deux tiers du livre. Je l’ai trouvé superbement écrit, car j’apprécie les phrases longues à la syntaxe grammaticale impeccable. Les paysages sont rendus avec un lyrisme de bon aloi, les environnements sont décrits avec un sens du détail qui dénote des qualités d’observation et d’expression hors du commun. Les parcours familiaux et les configurations psychologiques des personnages sont captivants.

Mais j’ai fini par me lasser de l’immobilité de la narration, de son rythme ralenti par l’abus de détails et de son basculement vers le prêche philosophique, ponctué de révélations métaphysiques. Quant au grand secret inavouable, il ferait sourire les lecteurs de thrillers.

Le livre a cependant le mérite de rappeler certaines problématiques géopolitiques, dans un Liban multiculturel où ce sont les religions qui régissent les comportements. Un monde magnifique, mais désespérant. Car là où l’humanité s’est jadis civilisée, les fous de Dieu ont pris un avantage sur les sages qui doutent. Parmi les citations en exergue, un extrait d’une sourate m’a fait froid dans le dos.

 GLOBALEMENT SIMPLE     ooo   J’AI AIME

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La vie joue avec moi, de David Grossman

Publié le 23 Décembre 2020 par Alain Schmoll dans Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Décembre 2020, 

J’étais curieux de lire un roman de David Grossman. Cet écrivain et intellectuel de gauche israélien avait obtenu, il y a une dizaine d’années, le prix Médicis étranger pour son livre Une femme fuyant l’annonce, écrit après qu’il eut perdu un fils de vingt ans, mort au combat.

Dans La vie joue avec moi, il explore les séquelles psychologiques frappant en cascade la famille d’une femme ayant survécu à des persécutions et des sévices. Il nous confronte aussi aux situations où l’on nous contraindrait de choisir entre deux solutions insupportables.

A cet effet, David Grossman met en scène trois Israéliennes, en 2008 : Véra, quatre-vingt-dix ans, sa fille Nina, sexagénaire, et la fille de celle-ci, Guili, bientôt quarante ans, à qui l’auteur confie la narration du roman.

Véra est née dans une famille juive de Croatie, un état qui faisait alors partie de la Yougoslavie. Elle vit dans un kibboutz depuis qu’elle a émigré en Israël avec sa fille, il y a plus de quarante ans. Cette femme toute menue est un concentré de vitalité et de dynamisme. C’est aussi une idéaliste inflexible au caractère intransigeant. Sa fille Nina est une femme insaisissable, instable, destructrice et autodestructrice. Elle a mené une vie dissolue, disparaissant et réapparaissant de façon imprévisible. Elle ne s’est jamais occupée de sa fille Guili, ayant mal supporté d’avoir été elle-même abandonnée par sa mère à l’âge de six ans. Guili, qui exerce la profession de cinéaste, est une femme très tourmentée, reprochant, elle aussi, à sa mère de l’avoir laissé tomber toute petite.

Dans la famille, il y a aussi Raphaël, la crème des hommes. Elevé par Véra, qu’il respecte, il est tombé tout jeune déraisonnablement et définitivement amoureux de Nina. Il est le père de Guili, qu’il a élevée et à laquelle il a transmis ses secrets de cinéaste.

Dans l’espoir d’une catharsis qui permettrait aux trois femmes de trouver un équilibre dans leur vie et de nouer entre elles des relations apaisées, tous les quatre partent à la recherche du passé de Véra. Une équipée filmée par Guili, en Croatie dans le village natal de sa grand-mère, puis sur l’île de Goli Otok, un ancien goulag voulu par le maréchal Tito, où elle était restée prisonnière pendant près de trois ans, à la fin des années quarante.

Petit rappel historique. Maître tout puissant de la République fédérative populaire de Yougoslavie de 1945 à sa mort en 1980, le futur maréchal Tito adhère au Parti communiste yougoslave en 1920, il en est nommé secrétaire général par Staline dans les années trente. Il participe à la résistance contre l’Allemagne nazie et prend le pouvoir à la fin de la guerre. En 1948, Tito rompt avec l’URSS, noue des relations avec l’Occident, mais fidèle aux méthodes de son ex-mentor, il crée le camp de Goli Otok pour enfermer ses opposants, et parmi eux les communistes restés staliniens.

Un livre pénible à lire. Les secrets annoncés ne sont pas vraiment des secrets, dans cette fiction très inspirée de la vie d’une authentique résistante yougoslave installée en Israël, Eva Panić Nahir, que l’auteur a rencontrée à plusieurs reprises. La narration de Guili traîne en longueur et s’encombre de considérations personnelles brouillonnes et tourmentées. « Normal, » me direz-vous, « Guili est une femme tourmentée, vous l’avez dit vous-même ». Oui, mais n’empêche que le texte est parfois difficile à suivre, d’autant plus que tout est sinistre dans cette sombre histoire ! Pour compliquer les choses, c’est Véra elle-même qui raconte sa jeunesse, dans un langage censé montrer qu’elle maîtrise mal l’hébreu. Et sa détention au goulag fait l’objet de phrases brutes et sèches que Guili a notées en script, quand elle ne pouvait pas sortir sa caméra.

Une lecture qui manque terriblement de fluidité. Les personnages sont toutefois intéressants, leurs rapports aussi. Peut-être la fiction gagnerait-elle à être adaptée au théâtre.

DIFFICILE     oo   J’AI AIME… UN PEU

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