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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

chroniques litteraires

L'Armée des ombres, de Joseph Kessel

Publié le 2 Septembre 2024 par Alain Schmoll dans Littérature, chroniques littéraires, lecture, romans

Septembre 2024 

Enrôlé à dix-huit ans dans l’aviation française lors de la Grande Guerre, Joseph Kessel a ensuite construit sa notoriété comme romancier, journaliste, globe-trotter et baroudeur. En 1940, après l’armistice, il rejoint la Résistance, puis gagne Londres et s’engage dans les forces militaires de la France libre réunies autour du Général de Gaulle. Celui-ci souhaitant glorifier l’héroïsme de la Résistance française, Kessel publie en 1943, en pleine guerre, L’Armée des ombres, un livre inspiré de témoignages de combattants clandestins sur le territoire. Des témoignages que l’auteur a transformés en aventures fictives, afin que les intervenants réels ne puissent être identifiés par les polices allemandes et collaborationnistes.

L’auteur dépeint également le quotidien des Français qui vivent sous le joug de l’occupant allemand : les pénuries, la faim, le froid ; la crainte d’une arrestation, la peur des rafles, des mauvais traitements, des exécutions ; mais aussi, dans la tourmente — et il suffisait parfois d’un échange de regards pour la percevoir —, l’approbation muette d’une duperie, une reconnaissance mutuelle de solidarité, l’envie de participer à la lutte ou la joie partagée d’une petite victoire locale.

Le personnage central du roman, François Gerbier, anime un petit groupe de résistants — Félix, Jean-François, Mathilde, Le Bison… —. Ils combattent de façon diffuse l’occupant allemand, en procédant à des sabotages, en attaquant des lieux de détention, en assurant des liaisons clandestines, en réceptionnant et en distribuant sur le territoire du matériel militaire ou civil expédié depuis Londres.

Leur rôle étant aussi d’élargir la lutte, Gerbier évalue et recrute des profils de toutes sortes. Tous ne seront pas forcément des combattants, mais chacun pourra au besoin renseigner, héberger, rendre un service. Tous prennent des risques, car la police allemande est vigilante et impitoyable. Une faute d’inattention, une indiscrétion d’un proche, une mauvaise appréciation, une recrue mal intentionnée peuvent être fatales.

Le danger vient aussi des aveux que la Gestapo peut obtenir dans ses geôles sous la torture. Dès qu’il est probable qu’un compagnon a été arrêté, Gerbier et son entourage anticipent ce qu’il risque de révéler et l’organisation est modifiée en conséquence. Car nul ne peut affirmer pouvoir résister indéfiniment à ses tortionnaires. La seule solution est parfois de s’échapper sans espoir de retour à l’aide d’une pilule de cyanure. Il arrive pourtant qu’un prisonnier ne puisse se suicider ; à lui de faire comprendre à ses camarades en liberté qu’ils doivent eux-mêmes procéder à son élimination.

Car la lutte contre l’occupant ennemi prime toute considération personnelle, familiale, amicale ou humaniste. La priorité de chacun est de protéger le réseau et les combattants en position favorable. Il faut savoir tuer de sang-froid, non seulement l’ennemi et le traître, mais aussi l’ami qui pourrait parler. Les dommages collatéraux sont inévitables. Une fatalité de l’horreur dont l’occupant ennemi est le seul et l’éternel coupable.

Dans le roman, les grands principes de la Résistance, essentiels dans la guerre sans merci qu’elle mène avec les Alliés contre le Troisième Reich, sont transmis sans états d’âme par un homme au-dessus de tout soupçon, un grand bourgeois aux manières raffinées et ayant pignon sur rue, qui agit dans l’ombre comme patron du réseau. Symbole de l’unité et de la détermination des combattants clandestins, il lui arrive de les inciter à relativiser les échecs, les pertes, les humiliations, et de ne pas se laisser envahir par une haine débridée. La Résistance a besoin d’espérance et de lucidité pour être efficace.

Ces expériences vécues, cet état d’esprit qui guide les résistants, Kessel les met en évidence au travers des aventures traversées avec courage et abnégation par Gerbier et ses compagnons, certaines anecdotes étant rapportées par Gerbier lui-même, sous forme de mémos qu’on imagine griffonnés le soir, dans une planque. Réalistes parce que factuelles, elles sont héroïques, ou émouvantes, ou tragiques, ou encore cocasses, tels des récits pour la jeunesse, qui, espérons-le, les lira demain.

L’ensemble du texte est écrit dans une langue aiguisée, précise, sobre. Un parti littéraire à la hauteur de l’humilité qui s’imposait. A Londres, Kessel et ses proches mesuraient l’espoir qu’ils représentaient pour les résistants du terrain ; en retour, ils les admiraient comme d’authentiques héros.

FACILE     ooooo   J’AI AIME PASSIONNEMENT

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Le Barman du Ritz, de Philippe Collin

Publié le 2 Septembre 2024 par Alain Schmoll dans Littérature, chroniques littéraires, lecture, romans

Septembre 2024, 

J’ai hésité à lire Le Barman du Ritz. Depuis sa création à la Belle Epoque, l’hôtel Ritz contribue à la prestigieuse légende mondaine de Paris. Nombreuses sont les célébrités internationales à y avoir séjourné. A son bar, pendant plus d’un siècle — et presque sans discontinuité durant la Seconde Guerre mondiale —, des hommes politiques de tous bords et des possesseurs de grandes fortunes de toutes origines ont côtoyé des personnalités en vogue des arts et des lettres.

Je craignais que le livre ne soit qu’une suite d’anecdotes plus ou moins croustillantes, jouant sur le « name dropping » pour allécher les amateurs de ragots. Je me trompais.

Conséquence de l’installation au Ritz du haut-commandement allemand et de la décision surprenante des autorités nazies de considérer l’hôtel comme un territoire neutre, Le Barman du Ritz est bien la chronique historique d’une certaine vie mondaine parisienne pendant l’Occupation, de juin 1940 à août 1944. Mais ses ressentis romancés et leur narration au présent de l’indicatif te donneront l’impression, lectrice, lecteur, de vivre au jour le jour dans la tête de Frank Meier, le personnage principal du livre. A l’arrivée des Allemands, cet homme, la cinquantaine avancée, est le responsable du bar du Ritz depuis vingt ans. Il est considéré par les amateurs du genre comme le meilleur barman du monde, tant pour la qualité de ses cocktails que pour son empathie et sa serviabilité.

Avant d’imaginer les circonstances fictives qui viennent éclairer et illustrer des faits authentiques, l’auteur, un producteur de radio passionné d’histoire nommé Philippe Collins, s’était documenté pendant plusieurs années sur Frank Meier. Le fief de ce dernier, le bar du Ritz, est comme une scène de théâtre, où, pendant les quatre années de l’Occupation, se sont croisés des personnages réels.

Et quels personnages ! En premier lieu des officiers supérieurs de la Wehrmacht, des dignitaires nazis, venus en vainqueurs. Puis des stars parisiennes n’ayant pas renoncé à leurs habitudes d’avant-guerre, Sacha Guitry, Jean Cocteau, Arletty, Coco Chanel. Ensuite, des collabos, des supplétifs de la Gestapo, des opportunistes en quête de profits ou de filières de ravitaillement. Enfin, des dirigeants et des prestataires de l’hôtel, parmi lesquels une poignée de résistants clandestins plus ou moins actifs.

Au cœur d’une ville vaincue, dont les habitants souffrent de dures privations, l’hôtel Ritz jouit d’approvisionnements prioritaires. Un privilège destiné à sa clientèle résidente de vainqueurs et qui bénéficie également au personnel, notamment à Frank Meier, le patron du bar. Serait-il un profiteur de guerre ? Voilà qui finira par malmener sa conscience, au même titre que les relations courtoises que son métier l’amène à entretenir avec l’occupant honni, avec d’infects trafiquants français, avec des policiers corrompus qui traquent les Juifs pour s’approprier leurs biens… Mais qu’aurait-il dû faire ?

Le meilleur barman du monde a de surcroît un secret. De nationalité française et ancien combattant de la Grande Guerre, il était en fait né en Autriche dans une famille d’ouvriers juifs. De quoi être étiqueté comme juif pur sang par les nazis, s’ils l’apprenaient, bien qu’il soit éloigné de toute pratique confessionnelle. A l’instar de tous les Juifs pendant l’Occupation, Frank Meier craint pour sa vie, mais ça ne l’empêche pas de prendre des risques, d’équiper en faux papiers — parfois moyennant finance ! — des personnes dans l’obligation de fuir. Comment tout cela sera-t-il interprété ? se demande-t-il tandis que les armées alliées libératrices approchent de Paris.

L’ouvrage paraît léger à première vue, mais il soulève des questions de fond auxquelles il est difficile de répondre. Dans le contexte d’alors, fallait-il afficher sa judéité ou la dissimuler ? Quelle était la juste attitude pour un Juif : revêtir spontanément une étoile jaune ou chercher à se procurer une fausse identité ? Que penser des provocations de Blanche Auzello, l’épouse juive du directeur du Ritz et égérie du barman ? Toutes ces questions, le personnage de Frank Meier se les pose en son âme et conscience… Et nous, lectrice, lecteur, comment nous serions-nous comportés ?

Le livre se laisse lire, il a des vertus pédagogiques, mais il n’est pas un chef-d’œuvre de littérature. L’écriture est simpliste, certains passages traînent leur lenteur, d’autres semblent redondants. Mais ne nous plaignons pas des quelques longueurs d’un livre, alors que nos aînés ont subi celles de quatre années d’Occupation… et d’autres, bien pire encore.

FACILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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Le Venin des souvenirs, de Sophie Lebarbier

Publié le 27 Août 2024 par Alain Schmoll dans Littérature, chroniques littéraires, lecture, romans

Août 2024, 

Sophie Lebarbier est l’une des deux créatrices/scénaristes de la série télévisée policière Profilage, qui fut programmée sur TF1 pendant une dizaine d’années. Elle s’est mise, il y a deux ans, à l’écriture de romans policiers. Elle y reprend l’idée d’intégrer des psycho-criminologues — ou profilers — dans les équipes d’enquêteurs.

Pour Le Venin des souvenirs, son deuxième roman, elle a conçu un enchevêtrement de destinées individuelles et d’intrigues criminelles extrêmement complexes, s’articulant autour de trois époques.

A Paris, en 2020, Arthur, un jeune journaliste, prévient la police que sa compagne, prénommée Neige, a été victime d’une tentative de meurtre. Furieuse, Neige quitte Arthur sur le champ et prend la fuite. La police enquête sur son lieu de travail, une luxueuse et coûteuse résidence pour personnes très âgées, où sont installées deux femmes nonagénaires prénommées Suzanne et Colette… Une mort violente survient en plein bois de Boulogne…

En 1989, une petite fille de quatre ans, Magali, disparaissait. Enlèvement, accident, meurtre ? On ne sait toujours pas, on n’a jamais retrouvé son corps. Pendant des mois, à l’heure du dîner, la photo de la petite fille est apparue sur les écrans de télé ; les gens se sont passionnés pour l’enquête, jamais résolue… Trente ans plus tard, ils se demandent encore : qu’est-il arrivé à « la petite Magali » ?

Retour en arrière dans les années quarante, pendant l’Occupation, dans un village de Dordogne. Un petit garçon juif, Paul, venait d’être accueilli et hébergé dans une famille locale. Deux très jeunes filles, Suzanne et Colette, allaient devenir ses plus proches amies. Au village, comme partout en France, la population était partagée : certains s’activaient clandestinement dans la Résistance, pendant que d’autres profitaient de la situation. A la Libération, les beaux et les vilains rôles ont changés de mains. Et des années plus tard, on se demande toujours ce qu’est devenu « le trésor des Angliches », un stock de lingots d’or parachutés pour financer la Résistance, qu’on n’a jamais retrouvés.

Pour donner un sens à son roman et relier ces trois épisodes, l’autrice a échafaudé des péripéties incroyables, qui te sont révélées, lectrice, lecteur, au compte-gouttes. En les découvrant au fil des chapitres, tu les jugeras surprenantes, tu penseras que tu n’aurais jamais osé les imaginer, tu trouveras peut-être que certaines sont peu crédibles, mais tu devras reconnaître qu’elles s’assemblent les unes aux autres avec cohérence, comme dans un puzzle.

Je ne sais pas si les puzzles font l’objet d’un classement en fonction de leur difficulté, mais là, tu as droit à la version olympique. D’ailleurs, les toutes dernières pièces ne te seront livrées que dans les pages finales, sous la forme d’une lettre écrite trente-cinq ans plus tôt et oubliée dans un tiroir. Le procédé n’est pas original, mais il n’y avait peut-être pas d’autres moyens pour boucler les tenants et aboutissants de cette fiction aussi ahurissante que captivante.

Les personnages, nombreux, jouent des rôles décisifs dans les péripéties. L’autrice consolide leur influence en s’étendant de façon approfondie sur leur vécu, sur leur psychologie et sur leurs convictions. Ce travail littéraire confère au roman une densité narrative qui compense certaines invraisemblances.

Parmi les personnages, tu t’attacheras, comme moi, au trio pittoresque d’enquêteurs en charge de l’affaire. Au sein de la PJ, il est conduit par une commandante quinquagénaire, dont la féminité abolie s’exprime par un mauvais caractère/bon cœur. Elle est flanquée d’un jeune adjoint rétif au terrain mais imbattable sur le plan juridico-informatique, et d’une psychologue qualifiée et consciencieuse, mais tourmentée et boulimique.

L’écriture est très soignée, la lecture est fluide, agréable. L’autrice s’autorise quelques familiarités de langage bien senties, qui témoignent de son sens de l’humour. L’engagement de certains personnages dans la lutte contre les violences faites aux femmes et en faveur de l’accueil de certaines populations reflète probablement ses convictions. Libre aux romanciers de diffuser les messages de leur choix dans leurs fictions, libre ensuite aux lecteurs d’en apprécier la pertinence littéraire.

DIFFICILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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Il ne se passe jamais rien ici, d'Olivier Adam

Publié le 27 Août 2024 par Alain Schmoll dans Littérature, chroniques littéraires, lecture, romans

Août 2024, 

Eh bien si ! Il s’en passe, des choses, dans le secret des villages, des familles, des cœurs, des mémoires et des esprits ! Des souvenirs, des ambitions, des jalousies, des désirs, des déceptions, des regrets, des chagrins… invisibles pour qui ne prête pas attention. Et puis un jour…

Il ne se passe jamais rien ici est un roman policier construit de façon originale par son auteur, Olivier Adam, un écrivain français souvent salué par la critique, mais peu connu du grand public. Un crime a lieu au sein d’un petit bourg en bordure du lac d’Annecy, abrité par des reliefs alpins majestueux. Un site enchanteur, qui vit du tourisme l’été et se replie en mode village traditionnel, une fois la saison passée. Le choc est terrible. Presque tous ceux qui connaissaient la victime sont dévastés.

Dès les premières lignes, l’auteur laisse la parole à Antoine, son personnage central. Dans un long monologue, cet homme de trente-huit ans, fils d’une famille locale bien établie, raconte sa journée au village, une journée comme les autres. Ses propos révèlent sa fragilité psychologique, sa marginalité, ses addictions, ses échecs professionnels répétés, ses secrets ; un parcours de loser qu’il assume sans fausse pudeur, sans fausses résolutions. Ses mots permettent aussi de planter le cadre de l’intrigue et de présenter les différents personnages qu’elle impliquera plus ou moins directement.

 Ils prendront tous la parole après lui ; toutes et tous, à tour de rôle, chapitre après chapitre. Les monologues des premiers viennent compléter le panorama dressé par Antoine et expliciter ce qu’ils partagent avec lui. Après la découverte du corps d’une femme assassinée et la révélation de son identité, s’y ajoutent leurs confessions dans un interrogatoire plus ou moins imaginaire. Peu à peu apparaissent des non-dits, éclairant le caractère d’Antoine, ainsi que les velléités, les craintes ou les convoitises cachées des uns et des autres.

De quoi comprendre le fonctionnement sociologique d’une population de villageois, un microcosme intergénérationnel où tout le monde se connaît. Quelques-uns se fréquentent même depuis l’école. Cela n’escamote pas les écarts sociaux ni les divergences d’opinions entre propriétaires, fonctionnaires, commerçants, employés. Le soir, tandis que les familles du haut de panier sont censées être réunies dans leurs belles maisons, ceux qui, comme Antoine, quêtent des ruissellements pour subsister se retrouvent au Café des Sports, afin de boire plus que de raison jusqu’à pas d’heure, tout en essayant de draguer la jolie Fanny, qui fait tourner beaucoup de têtes.

Certaines personnes ont des profils de coupables. Par naïveté ou par faiblesse, s’y ajoutent souvent des comportements suspects. Qu’importe alors qu’elles soient innocentes et même qu’autour d’elles, chacun soit intimement persuadé qu’elles sont incapables de faire le moindre mal ! Par le biais des médias et des réseaux sociaux, la rumeur publique s’enflamme pour l’affaire, on conspue les atermoiements des enquêteurs, on veut des coupables, on exige des arrestations. L’administration policière doit s’y soumettre au plus vite… Les circonstances peuvent l’y aider… Est-ce cela, la justice ?

Les personnalités et les parcours des vingt-cinq femmes et hommes du village appelés à s’exprimer sont savamment construits. Inspirant sympathie ou antipathie, leurs confessions sont criantes d’humanité. Elles te séduiront et te captiveront, lectrice, lecteur, comme elles m’ont séduit et captivé. L’auteur maîtrise sa plume et a adapté son style à la spécificité des personnages, n’hésitant pas à les laisser à l’occasion s’extasier sur la beauté du site, en de bien jolis termes.

Un très bon roman, une lecture passionnante et émouvante, une écriture parfaite.

GLOBALEMENT SIMPLE     ooooo   J’AI AIME PASSIONNEMENT

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Au nord de la frontière, de R.J. Ellory

Publié le 18 Août 2024 par Alain Schmoll dans Littérature, chroniques littéraires, lecture, romans

Août 2024, 

Après une enfance et une jeunesse difficiles, l’écrivain britannique R.J. Ellory est devenu un romancier prolifique. Il est même considéré comme un maître en matière de littérature policière noire. Mérite-t-il sa réputation ? C’est ce dont j’ai voulu me rendre compte en lisant Au nord de la frontière, son dernier ouvrage.

L’action se déroule aux USA, en Géorgie, non loin de la frontière du Tennessee et de la Caroline du Nord. Le personnage principal, Victor Landis, shérif dans le comté d’Union, vient d’apprendre la mort brutale de son frère Franck, shérif, lui aussi, dans un autre comté de Géorgie. A l’évidence, un assassinat. Après avoir été très proches, les deux frères étaient fâchés à mort et ne se parlaient plus depuis une douzaine d’années. Pourquoi ? Tu ne le sauras, lectrice, lecteur, que dans les derniers chapitres.

En dépit de sa rancune insurmontable — ou peut-être pour la justifier —, Victor veut savoir pourquoi son frère a été tué. Au cours d’une enquête qu’il mène sur le meurtre sauvage d’une jeune fille, il a l’intuition que les deux affaires sont liées, une intuition qui prend corps lors de la découverte de nouvelles affaires sur des comtés voisins. 

Les lois juridictionnelles aux Etats-Unis compliquent le fonctionnement de la justice. Un shérif n’a de pouvoir que dans le comté où il a été élu — il y en a plus de cent cinquante en Géorgie, un Etat qui compte onze millions d’habitants ! — . Il doit de surcroît se coordonner avec le département local de police, et éviter la police fédérale, le célèbre FBI, dont un fonctionnaire diplômé et cravaté pourrait débarquer comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Du fait de cette complexité, le cadre des intrigues du roman est long à se mettre en place. Tu prendras un peu de temps, lectrice, lecteur, à t’y retrouver entre tous les personnages et leurs fonctions. Tu renonceras même à comprendre la géographie régionale, et tu noteras simplement que cela prend à chaque fois environ deux heures à Victor pour se rendre d’une localité à l’autre.

Peu à peu les enquêtes s’organisent, les mystères s’éclaircissent. Découpée en une centaine de très courts chapitres, la lecture des quatre cent cinquante pages devient aérée et fluide. Le rythme accélère au fil du temps et le livre s’achève par des chasses à l’homme qui te feront palpiter, lectrice, lecteur, parce que Ellory est un vrai pro du suspens.

L’auteur n’hésite pas à attiser tes émotions les plus frustes : commisération, angoisse, désir de vengeance. Victor Landis, qui en a pourtant vu d’autres, reste sensible — et toi aussi — aux souffrances supportées par les jeunes filles massacrées et à la douleur des parents auxquels il faut annoncer les conditions de la mort de leur enfant. Victor sera lui-même en proie à une angoisse insoutenable que tu partageras. Et ça ne te choquera pas qu’il fasse usage de pratiques aussi barbares qu’illégales pour faire parler quelques personnages ignobles. Que ne ferais-tu pas pour sauver une petite fille prise en otage par des tueurs ?

Contrairement aux enquêteurs, les malfrats et les assassins se jouent des frontières territoriales. Et comme dans toutes les vraies démocraties, la conviction d’une culpabilité n’est pas suffisante pour garantir une condamnation. Des preuves ou des aveux obtenus en infraction peuvent être considérés comme nuls. Il faut donc jouer serré, la fin justifiant les moyens.

Selon une autre disposition légale, les policiers peuvent cultiver des relations avec des individus dangereux, dans le but d’en traquer de plus dangereux. Les « repentis » — ou prétendus tels — sont souvent les meilleurs indics. Cela conduit parfois la justice à accorder une protection confidentielle à des personnes mal intentionnées, qui en profitent pour monter des machinations scandaleuses à l’abri de toute suspicion.

Celle qu’a imaginée Ellory est particulièrement monstrueuse. La complexité des péripéties, très imbriquées les unes dans les autres, la rend irréaliste. Peu importe ! Pour un auteur de thrillers, c’est une façon de capter ta sensibilité, puis de t’apaiser lorsque les méchants sont punis à la fin du livre. Ne t’attends pas, en revanche, à t’extasier sur la qualité de l’écriture. Elle est juste efficace.

GLOBALEMENT SIMPLE     ooo   J’AI AIME

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La Cité sous les cendres, de Don Winslow

Publié le 18 Août 2024 par Alain Schmoll dans Littérature, chroniques littéraires, lecture, romans

Août 2024,

Particulièrement préoccupé par la menace que les cartels de narcotrafiquants font peser sur les démocraties, j’avais trouvé un véritable intérêt dans La Frontière, épisode final d’une trilogie romanesque de Don Winslow consacrée à la lutte, aux Etats-Unis et dans toutes les Amériques, d’un agent fédéral contre ce que l’auteur appelle les narco-empires. J’avais apprécié le travail de documentation, le réalisme implacable des péripéties et la prise de position engagée de l’écrivain.

J’avais pensé retrouver cet esprit dans La Cité sous les cendres, que le célèbre auteur de romans policiers, aujourd’hui septuagénaire, annonce être son ultime ouvrage écrit. Comme c’était le cas pour La Frontière, le livre est le dernier volume d’une trilogie dont je n’ai pas lu les deux premiers, ce que je ne regrette pas.

L’intrigue de cette trilogie s’était engagée à Providence (Rhode Island), une ville qui, dans les années quatre-vingt, était devenue un haut lieu du crime organisé et qui avait fini par s’embraser dans des affrontements sanglants entre mafias irlandaise et italienne ; l’intrigue globale s’achève vingt ans plus tard dans La Cité sous les cendres, à Las Vegas, dans le business borderline des jeux et de l’hôtellerie.

Le personnage central, Danny Ryan, n’est pas un policier. L’auteur l’a dépeint en héros emblématique de roman d’aventures pour adolescents : beau, fort, intelligent, audacieux, bienveillant… Gangster dans sa jeunesse, Danny a fui Providence et ses tueries ; il s’est acheté une conduite, a fait fortune dans le cinéma à Hollywood, avant de s’installer à Las Vegas, où, entrepreneur visionnaire, il ouvre des hôtels de plus en plus extravagants, attractifs et prospères. Un parcours que l’auteur compare à celui d’Enée, fuyant Troie en cendres pour fonder Rome, encombré d’un père très âgé et d’un fils en bas âge… Bon ! Pourquoi pas ?

Difficile d’effacer le passé ! En dépit de ses talents, de sa bonne mentalité et de ses saines résolutions, Danny est pris en tenaille entre la justice, qui n’a pas renoncé à lui chercher des noises pour ses erreurs de jeunesse, et d’anciens partenaires prétendant avoir des comptes à solder. Il lui sera d’autant plus difficile de faire table rase de son passé, que pour se débarrasser des empêcheurs de tourner en rond, rien ne vaudra justement les bonnes vieilles méthodes radicales d’antan, que Danny s’était pourtant promis d’oublier.

Le roman associe plusieurs intrigues ayant probablement eu des liens dans les volumes précédents de la trilogie, mais qui n’en ont plus vraiment dans l’ouvrage final. Longues à se développer, elles ne t’apprendront pas grand-chose, lectrice, lecteur, et elles peineront à te captiver. Pour les raconter, l’auteur a de surcroît opté pour une écriture minimaliste, des phrases très courtes, toutes au présent. Tu auras peut-être, comme moi, l’impression de lire des canevas descriptifs de scénarios.

La narration s’anime quand même à l’approche de la fin et prend des allures de western, avec, pour chaque intrigue, une série de règlements de comptes violents, qui ont le mérite de clarifier les situations. Chacun fait l’objet d’un court chapitre s’achevant en suspens par des coups de feu, sans que sur l’instant, lectrice, lecteur, tu saches qui a perdu et qui a gagné, ou pour être clair, qui a été tué et qui s’en sort bien. Cela te rappellera les films de westerns et leurs duels finaux, où le méchant semble indemne pendant quelques secondes, avant de lâcher son flingue et de s’effondrer dans la poussière.

Des pratiques cinématographiques que Don Winslow adapte avec finesse dans son œuvre écrite. Je m’y suis laissé prendre et cela m’a permis de refermer le livre sur une impression pas trop négative.

GLOBALEMENT SIMPLE     oo    J’AI AIME… UN PEU

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La double vie de Dina Miller, de Zoé Brisby

Publié le 6 Juillet 2024 par Alain Schmoll dans Littérature, chroniques littéraires, lecture, romans

Juillet 2024, 

Il t’arrive parfois, lectrice, lecteur, de tomber sur un livre qui ne te plaît pas, mais alors pas du tout ! Page après page, tu soupires, tu fulmines, tu te répètes en maugréant « C’est nul, c’est vraiment nul ! »… C’est à toi-même de t’en prendre : tu as choisi un genre de littérature qui n’était pas pour toi !

J’ai l’air de te faire la leçon, lectrice, lecteur, mais c’est à moi que ça vient d’arriver. J’ai lu jusqu’au bout La double vie de Dina Miller, de Zoé Brisby. Je ne connaissais pas ce nom — ou ce pseudonyme — et je le relève aujourd’hui en couverture de plusieurs livres ayant trouvé un public… dont je ne fais pas partie. Des ouvrages à classer entre feelgood et chick-lit, très orientés sur l’analyse psychologique des personnages féminins.

C’était pourtant séduisant. Choisir un contexte réel du passé et y intégrer une fiction romanesque est a priori une bonne idée. Pour La double vie de Dina Miller, l’autrice a opté pour 1961, l’année où le Président Kennedy lança l’emblématique programme spatial Apollo. Elle a situé les intrigues du roman dans la ville américaine de Huntsville (Alabama), où venait d’être inauguré le Centre de Vol Spatial Marshall de la NASA, dirigé par Wernher Van Braun, entouré de sa fidèle équipe d’ingénieurs ayant travaillé en Allemagne pour les nazis jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Les structures historiques étant posées, il fallait penser au schéma narratif de la fiction. Zoé Brisby a imaginé l’arrivée à Huntsville d’une jeune justicière du Mossad, chargée de kidnapper, parmi les proches de Van Braun, un ancien médecin de camp de concentration, inspiré du profil de Mengele. L’objectif était de le faire juger et condamner en Israël, comme l’avait été Eichmann.

Une idée prometteuse, mais la narration de Zoé Brisby s’est polarisée sur les épouses des ingénieurs. Ces dames sont préoccupées par leurs intérieurs à bichonner, par leurs tenues vestimentaires à assortir, par les petits plats à mitonner pour monsieur, par les garden-partys à ne pas rater, et par la distance à observer à l’égard de la population noire. Une sorte de Desperate housewives avant l’heure, figée dans les mœurs américaines très conventionnelles, puritaines et ségrégationnistes des années cinquante. Une tonalité narquoise amusante à condition que ça ne dure pas trop longtemps !

Il a fallu rééquilibrer avec du tragique. Dina Miller, la jeune agente israélienne, d’origine française, aura connu une enfance saccagée, pendant l’Occupation, par un officier nazi venu rafler ses parents ; un drame poignant qui aura contribué à sa vocation de justicière impitoyable. La réussite de sa mission ne sera pourtant pas complète, mais aurait-il pu en être autrement ? Il faut bien reconnaître que ses stratégies étaient un peu niaises et que les péripéties développées sont peu crédibles.

Dommage de partir d’un contexte historique complexe, sujet à une polémique pertinente, et d’y plaquer une fiction certes facile à lire, mais tellement insignifiante !

FACILE     o   J’AI AIME… PAS DU TOUT

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L'Inconnue du portrait, de Camille de Peretti

Publié le 6 Juillet 2024 par Alain Schmoll dans Littérature, chroniques littéraires, lecture, romans

Juillet 2024, 

Il ne fait pas partie de ces œuvres, qui, comme Judith et Holopherne, Le Baiser ou encore Danae, ont contribué à la notoriété éclatante de Gustav Klimt. Le Portrait d’une dame est un petit tableau tout simple, dont la destinée aurait pu se limiter à compléter les collections d’un musée de province, en l’occurrence celui de Plaisance, une ville italienne moyenne située entre Milan et Parme.

Il en a presque été ainsi. Mais des révélations spectaculaires ont précipité l’œuvre sur le devant de la scène. D’abord, on a récemment découvert — en 1996 — que le tableau avait été modifié et rebaptisé en 1917 par le maître autrichien lui-même, sans que l’on sache pourquoi, alors qu’il était achevé et exposé depuis cinq ans ; une pratique de « repeint » inusuelle chez Klimt. Quelque temps après cette révélation, le tableau était volé dans son musée… avant de lui être restitué une vingtaine d’années plus tard dans des circonstances absolument rocambolesques restées inexpliquées. Dernier mystère : on ignore qui fut la jeune femme qui posa pour Klimt.

Quand il n’est pas possible de connaître la vérité, est-il justifié d’en bâtir une fictive ? C’est en tout cas la vocation des romanciers. N’importe qui pourrait, cent ans après, émettre des hypothèses sur la genèse de l’œuvre et sur sa remise en peinture par l’artiste. Mais il faut beaucoup d’imagination, d’ampleur conceptuelle et de cohérence narrative pour construire une histoire globale se prolongeant sur plus d’un siècle et apportant aussi une solution à l’énigme plus récente du vol et de la restitution.

C’est le challenge réussi par Camille de Peretti, une écrivaine française ayant déjà une demi-douzaine de romans à son actif.

L’Inconnue du portrait est une vaste saga familiale, qui s’étend dans le temps et aussi dans l’espace. Elle te fera voyager, lectrice, lecteur, entre l’Europe et l’Amérique, en compagnie de ses personnages principaux. Né à Vienne (Autriche) dans la misère, Isidore a traversé l’Atlantique à l’âge de seize ans, s’est installé à New York, où il a fondé une famille et fait fortune. Quelques décennies plus tard, il s’efface devant Pearl, une jeune femme brillante de Houston (Texas), dont la mère, une ancienne prostituée, avait reconnu un vieux client et organisé un test de paternité ; de quoi donner une inflexion inattendue à la destinée de sa fille.

Un choc ! disent-ils. C’est ce que ressentent Isidore et Pearl, chaque fois que le hasard les met en présence du tableau. Tu devineras vite pourquoi. De même, en lisant ce roman qui s’apparente à un puzzle, tu en trouveras facilement la plupart des pièces, mais cela ne t’empêchera pas de suivre passionnément les détails des péripéties imaginées par l’autrice.

Dévoilant habilement les mystères au compte-gouttes au fil des chapitres, afin de t’inciter à lire le suivant, le roman effectue dans une première partie des allers-retours vers un lointain passé, histoire de poser certains faits. Il se présente ensuite comme une enquête progressant linéairement et finit, dans une dernière partie, par livrer sa vérité dans de nouveaux retours en arrière racontés comme en direct. Bravo à Camille de Peretti de ne pas avoir cédé à la facilité de nombreux auteurs, qui explicitent les énigmes dans les dernières pages, par les révélations exhaustives d’un coupable ou d’un détective à la Hercule Poirot.

L’autrice n’a en revanche pas résisté à la tentation d’inclure quelques scènes sentimentales pour t’émouvoir, lectrice, lecteur, mais tu lui pardonneras, car son écriture est aussi soignée que sa construction littéraire et la lecture de l’Inconnue du portrait est très fluide.

GLOBALEMENT SIMPLE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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Quelqu'un d'autre, de Guillaume Musso

Publié le 19 Juin 2024 par Alain Schmoll dans Littérature, chroniques littéraires, lecture, romans

Juin 2024, 

Depuis plus de vingt ans, il publie un roman chaque année. Traduit dans presque toutes les langues, Guillaume Musso est le romancier français ayant vendu le plus grand nombre de livres. Jusqu’alors, je n’en avais lu qu’un seul, La vie secrète des écrivains, le titre ayant forcément attiré mon attention. Je n’en garde pas un souvenir ébloui — je n’en garde d’ailleurs aucun souvenir —, mais rien ne s’opposait à ce que je renouvelle l’expérience, à l’occasion du cru 2024, Quelqu’un d’autre, histoire de le mettre en parallèle d’un autre best-seller de l’année, celui de Joël Dicker.

Sur les eaux bleues de la Méditerranée, à quelques encablures de la Côte d’Azur, une femme encore jeune et belle, ancienne mannequin, mère de famille richissime, est assassinée sauvagement sur son yacht, alors qu’elle naviguait en solitaire. Les soupçons se portent comme il se doit sur le mari, un célèbre compositeur et pianiste de jazz moderne. Les investigations sont conduites par une policière quadragénaire défraîchie et dépressive. Du classique.

Déroulée en alternance avec des retours dans le passé prétendant t’apporter, lectrice, lecteur, des informations sur les derniers jours de la victime, l’enquête semble reposer sur une succession d’interrogatoires à huis clos au commissariat de Nice. Des face-à-face à haute tension entre la policière et le mari musicien.

Tel que c’était engagé, je m’attendais à ce que l’un des deux protagonistes terrasse l’autre… mais aux trois-quarts du livre, l’auteur change soudain de ligne narrative. Il te dévoile, lectrice, lecteur, la vérité sur le meurtre, puis il t’emmène sur les hauteurs du lac de Lugano, où notre policière niçoise, qui n’a pas, comme toi, la chance d’être au parfum, s’en va chercher des révélations auprès d’un psychiatre helvétique, en débarquant chez lui sans crier gare, un samedi soir d’orage…

Car l’identification de l’assassin ne livre pas toutes les clés de l’intrigue. Mais là, la ficelle est tellement grosse, tellement peu crédible, qu’on n’aurait même pas osé y penser. Elle n’est pourtant pas nouvelle. Depuis le docteur Jekyll et Mr Hyde, les étranges cas de dédoublements de personnalité n’ont pas manqué pour expliquer les crimes mystérieux imaginés par les romanciers.

La lecture de Quelqu’un d’autre n’est pas déplaisante. Les phrases sont courtes, la prose est fluide, les dialogues sont dynamiques. Dans une optique de clarté, les chapitres sont chacun tour à tour cadrés autour d’un personnage.

Le principe d’affubler ces chapitres d’un intitulé thématique relève de l’exercice de style, car cela n’apporte rien, pas plus d’ailleurs que les citations placées à chaque fois en exergue, ni que les quelques observations philosophiques sommaires sur le concept de vérité. Aucun de nous n’en est à son premier roman policier.

Je maintiens que le meilleur du livre se situe dans les scènes d’interrogatoires. Des dialogues tendus dans un climat étrange, qu’à la lumière ultérieure du surprenant épilogue numéro trois (eh oui ! Il y a trois épilogues !), je qualifierais par la formule « je te déteste moi non plus ».

Si cette happy end te trouble, lectrice, lecteur, dis-toi que les derniers mots d’un roman n’engagent que celui qui les écrit.

FACILE     oo    J’AI AIME… UN PEU

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Un animal sauvage, de Joël Dicker

Publié le 19 Juin 2024 par Alain Schmoll dans Littérature, chroniques littéraires, lecture, romans

Juin 2024, 

J’avais suffisamment éreinté L’énigme de la chambre 622, son précédent opus, pour m’autoriser à reconnaître, sans fausse honte, avoir pris du plaisir à lire Un animal sauvage, le dernier roman de Joël Dicker. Dans ce livre qu’on pourrait qualifier de thriller loufoque ou de pastiche de thriller, tu passeras, lectrice, lecteur, de surprise en surprise quasiment à chaque page.

Chronique d’un braquage annoncé. Sur vingt journées, l’auteur met en scène des personnages qui semblent mener une vie banale, familiale et tranquille, mais que des spécificités propres plus ou moins secrètes, révélées au compte-gouttes en remontant jusqu’à quinze ans dans le passé, impliqueront d’une façon ou d’une autre dans le projet criminel. Sur un rythme trépidant, le livre fourmille de péripéties inattendues, de manipulations subtiles, de rebondissements de situations et d’autres trouvailles audacieuses qui te laisseront bouche bée.

La construction, élaborée avec finesse, comporte de nombreux retours en arrière qui permettent à l’auteur de reconstituer des événements essentiels du passé jusqu’alors cachés. Malgré la multiplicité et l’enchevêtrement de ces péripéties antérieures, je dois dire que leur cohérence n’est jamais prise en défaut. Si tu as l’habitude des narrations strictement linéaires, lectrice, lecteur, ces flashbacks pourront te déstabiliser ; mais ne t’inquiète pas, la lecture est fluide ; et l’affichage répété des têtes de chapitre permet intelligemment de se situer dans le déroulé des événements. En revanche, si tu sais lire entre les lignes et si tu n’as pas besoin qu’on t’explique tout par le menu, tu pourras trouver superfétatoires certains éclaircissements.

Voilà qui m’amène à laisser de côté les authentiques qualités du livre et à aborder ses faiblesses, sur lesquelles mon mauvais esprit habituel m’incite à ironiser.

Les mises en suspens aménagées systématiquement à chaque fin de chapitre prêtent au sourire (bienveillant) autant qu’à la curiosité, comme dans une pièce de théâtre de boulevard, lors de l’entrée inattendue d’un personnage côté cour, concomitamment à la sortie solennelle d’un autre côté jardin. Une analogie qui m’avait déjà été suggérée par le précédent roman de Joël Dicker.

Autre parallèle qui me vient, celui de la bande dessinée ou du roman-photo. Tout au long d’Un animal sauvage, chaque chapitre ou alinéa pourrait être porté par une illustration figée. Pourtant, de même que le cinéma met en mouvement un continuum d’images, la littérature est l’art de raconter des histoires, de relier des instants, en installant entre eux un flux continu d’informations. Cela manque dans le livre. En l’absence de commentaires, de prise de recul et de digression, les narratifs et les dialogues pourraient figurer tels quels dans des bulles de vignettes.

Stratégie ou faiblesse ? L’écriture est plate et minimaliste. La lecture ne suscite pas d’autre émotion que la surprise, l’amusement, accessoirement la curiosité. Un page turner ? En quelque sorte, oui : quand une page entière est consacrée aux banalités échangées par un couple au cours d’un petit déjeuner, que voulez-vous ? On la tourne rapidement.

J’ai compris depuis longtemps que Joël Dicker a le sens du marketing, au point de mâcher le travail des lecteurs-consommateurs et de ne pas non plus leur soumettre des aventures qui pourraient leur déplaire. C’est d’ailleurs le cas du dénouement d’Un animal sauvage. Après avoir lu la nouvelle fictive sur la panthère, je m’attendais à une fin sanglante et tragique. Mais la majorité des lectrices et des lecteurs préfèrent les happy ends.

Peu importe mes sarcasmes ! Je confirme avoir lu Un animal sauvage avec plaisir.

FACILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

 

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