Octobre 2024,
Ignorée des manuels scolaires d’histoire, une guerre acharnée confronta la petite Finlande à l’immense Russie pendant les cent jours de l’hiver 1939-1940. Trois millions d’habitants versus cent soixante-dix millions ! De véritables héros s’y révélèrent, méritant que leur histoire soit racontée. De méprisables personnages s’y manifestèrent, il est juste qu’ils soient montrés du doigt. Auteur renommé de polars et ancien capitaine de police, Olivier Norek s’est intéressé à ce conflit oublié, ce « cold case ». Pour écrire Les Guerriers de l’hiver, il a mené l’enquête en Finlande pendant plusieurs mois.
Cold ! On ne croit pas si bien dire. La Finlande est couverte de forêts et de lacs, gelés tout au long des mois d’hiver. Le thermomètre descend à moins trente, parfois à moins cinquante degrés, une température dont tu ne peux pas, lectrice, lecteur, imaginer le ressenti.
Sous tutelle russe jusqu’en 1917, la Finlande avait profité de la révolution d’Octobre pour arracher son indépendance. Vingt-deux ans après, Staline émit le souhait de la réintégrer dans le giron soviétique. Le gouvernement finlandais s’y opposa. Convaincu de l’invincibilité de l’Armée rouge, le dictateur lançait alors l’invasion du petit Etat voisin, persuadé que trois semaines plus tard, il serait en mesure d’être reçu triomphalement à Helsinki.
Ça ne t’évoque rien, lectrice, lecteur ? Tu penses bien sûr à l’« opération spéciale » de Poutine en Ukraine. L’URSS est redevenue Russie, mais rien n’a vraiment changé dans les méthodes de ses dirigeants. Et dans Les Guerriers de l’hiver, tu verras que les similitudes ne s’arrêtent pas là.
À l’instar de l’auteur, tu auras tendance à accorder ta sympathie à David contre Goliath, au petit Poucet face à l’Ogre. Côté finlandais, tu apprécieras une nation faisant bloc contre l’envahisseur, la solidarité absolue de combattants déterminés à défendre leur terre. Côté soviétique, tu observeras des officiers tétanisés par la crainte de déplaire au grand chef. Ils font la guerre sans trop savoir pourquoi, considèrent leurs hommes comme de la chair à canon, et sans le moindre état d’âme, ils envoient au casse-pipe des troupes peu motivées, qui se dérobent à la moindre occasion.
Les stratégies des deux camps sont elles aussi significatives. Les Russes disposent de matériels militaires lourds, puissants, peu adaptés au terrain et au climat. Les Finlandais manquent de tout ; ils attaquent de petites unités ennemies isolées afin d’accaparer leurs armes et leurs équipements. Les officiers russes ne comptent que sur des actions de masse. Au bout du suspense, leurs plans présumés subtils sont régulièrement déjoués par les Finlandais, qui retournent à leur avantage les chausse-trappes préparées à leur encontre. Des anecdotes humainement effroyables, mais dont les effets cocasses m’ont fait penser aux cartoons de Bip-bip et vil Coyote… et qui ont été effacées des mémoires soviétiques.
L’auteur enchaîne les narrations sur un ton factuel, équanime, sans y introduire d’affect ni de pathos. Des ciels et des paysages sont décrits d’une plume poétique douce, légère, un peu rimbaldienne. La prose est plutôt académique ; on pourrait presque la qualifier de désuète, si elle ne s’accordait justement à l’époque et au contexte de l’événement, devenu légendaire, mythique en Finlande.
La légende, c’est avant tout celle de Simo Häihä, un tout jeune fermier ayant appris à se servir d’un fusil pour défendre sa basse-cour contre les loups et les renards. S’imposant au front comme tireur d’élite, il reste invisible, allongé dans la neige, ciblant pendant des heures de petits groupes d’ennemis éloignés de plusieurs centaines de mètres, pour les éliminer à coup sûr. Son palmarès — si l’on peut dire — est incroyable. Simo devient un véritable mythe de la résistance finlandaise, tant pour ses compatriotes que pour les soldats russes, qui, terrifiés, le croient invulnérable et le surnomment « la mort blanche ».
Après un peu plus de trois mois, la guerre s’achève par un accord de cession territoriale qui avait été envisagé et refusé avant les hostilités. Quatre cent mille Russes et soixante-dix mille Finlandais sont morts pour rien. Mais le conflit n’aura pas été totalement inutile. Tandis qu’en France, la « drôle de guerre » est sur le point de prendre une tournure plus sérieuse, il aura révélé à Hitler les faiblesses militaires de l’URSS, l’incitant à déclencher l’opération Barberousse, qui contribuera plus tard à l’effondrement du troisième Reich. Qui sait ce que serait devenu le monde sans la Guerre d’Hiver ?
GLOBALEMENT SIMPLE ooo J’AI AIME