Août 2024,
Eh bien si ! Il s’en passe, des choses, dans le secret des villages, des familles, des cœurs, des mémoires et des esprits ! Des souvenirs, des ambitions, des jalousies, des désirs, des déceptions, des regrets, des chagrins… invisibles pour qui ne prête pas attention. Et puis un jour…
Il ne se passe jamais rien ici est un roman policier construit de façon originale par son auteur, Olivier Adam, un écrivain français souvent salué par la critique, mais peu connu du grand public. Un crime a lieu au sein d’un petit bourg en bordure du lac d’Annecy, abrité par des reliefs alpins majestueux. Un site enchanteur, qui vit du tourisme l’été et se replie en mode village traditionnel, une fois la saison passée. Le choc est terrible. Presque tous ceux qui connaissaient la victime sont dévastés.
Dès les premières lignes, l’auteur laisse la parole à Antoine, son personnage central. Dans un long monologue, cet homme de trente-huit ans, fils d’une famille locale bien établie, raconte sa journée au village, une journée comme les autres. Ses propos révèlent sa fragilité psychologique, sa marginalité, ses addictions, ses échecs professionnels répétés, ses secrets ; un parcours de loser qu’il assume sans fausse pudeur, sans fausses résolutions. Ses mots permettent aussi de planter le cadre de l’intrigue et de présenter les différents personnages qu’elle impliquera plus ou moins directement.
Ils prendront tous la parole après lui ; toutes et tous, à tour de rôle, chapitre après chapitre. Les monologues des premiers viennent compléter le panorama dressé par Antoine et expliciter ce qu’ils partagent avec lui. Après la découverte du corps d’une femme assassinée et la révélation de son identité, s’y ajoutent leurs confessions dans un interrogatoire plus ou moins imaginaire. Peu à peu apparaissent des non-dits, éclairant le caractère d’Antoine, ainsi que les velléités, les craintes ou les convoitises cachées des uns et des autres.
De quoi comprendre le fonctionnement sociologique d’une population de villageois, un microcosme intergénérationnel où tout le monde se connaît. Quelques-uns se fréquentent même depuis l’école. Cela n’escamote pas les écarts sociaux ni les divergences d’opinions entre propriétaires, fonctionnaires, commerçants, employés. Le soir, tandis que les familles du haut de panier sont censées être réunies dans leurs belles maisons, ceux qui, comme Antoine, quêtent des ruissellements pour subsister se retrouvent au Café des Sports, afin de boire plus que de raison jusqu’à pas d’heure, tout en essayant de draguer la jolie Fanny, qui fait tourner beaucoup de têtes.
Certaines personnes ont des profils de coupables. Par naïveté ou par faiblesse, s’y ajoutent souvent des comportements suspects. Qu’importe alors qu’elles soient innocentes et même qu’autour d’elles, chacun soit intimement persuadé qu’elles sont incapables de faire le moindre mal ! Par le biais des médias et des réseaux sociaux, la rumeur publique s’enflamme pour l’affaire, on conspue les atermoiements des enquêteurs, on veut des coupables, on exige des arrestations. L’administration policière doit s’y soumettre au plus vite… Les circonstances peuvent l’y aider… Est-ce cela, la justice ?
Les personnalités et les parcours des vingt-cinq femmes et hommes du village appelés à s’exprimer sont savamment construits. Inspirant sympathie ou antipathie, leurs confessions sont criantes d’humanité. Elles te séduiront et te captiveront, lectrice, lecteur, comme elles m’ont séduit et captivé. L’auteur maîtrise sa plume et a adapté son style à la spécificité des personnages, n’hésitant pas à les laisser à l’occasion s’extasier sur la beauté du site, en de bien jolis termes.
Un très bon roman, une lecture passionnante et émouvante, une écriture parfaite.
GLOBALEMENT SIMPLE ooooo J’AI AIME PASSIONNEMENT