Août 2024,
Après une enfance et une jeunesse difficiles, l’écrivain britannique R.J. Ellory est devenu un romancier prolifique. Il est même considéré comme un maître en matière de littérature policière noire. Mérite-t-il sa réputation ? C’est ce dont j’ai voulu me rendre compte en lisant Au nord de la frontière, son dernier ouvrage.
L’action se déroule aux USA, en Géorgie, non loin de la frontière du Tennessee et de la Caroline du Nord. Le personnage principal, Victor Landis, shérif dans le comté d’Union, vient d’apprendre la mort brutale de son frère Franck, shérif, lui aussi, dans un autre comté de Géorgie. A l’évidence, un assassinat. Après avoir été très proches, les deux frères étaient fâchés à mort et ne se parlaient plus depuis une douzaine d’années. Pourquoi ? Tu ne le sauras, lectrice, lecteur, que dans les derniers chapitres.
En dépit de sa rancune insurmontable — ou peut-être pour la justifier —, Victor veut savoir pourquoi son frère a été tué. Au cours d’une enquête qu’il mène sur le meurtre sauvage d’une jeune fille, il a l’intuition que les deux affaires sont liées, une intuition qui prend corps lors de la découverte de nouvelles affaires sur des comtés voisins.
Les lois juridictionnelles aux Etats-Unis compliquent le fonctionnement de la justice. Un shérif n’a de pouvoir que dans le comté où il a été élu — il y en a plus de cent cinquante en Géorgie, un Etat qui compte onze millions d’habitants ! — . Il doit de surcroît se coordonner avec le département local de police, et éviter la police fédérale, le célèbre FBI, dont un fonctionnaire diplômé et cravaté pourrait débarquer comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Du fait de cette complexité, le cadre des intrigues du roman est long à se mettre en place. Tu prendras un peu de temps, lectrice, lecteur, à t’y retrouver entre tous les personnages et leurs fonctions. Tu renonceras même à comprendre la géographie régionale, et tu noteras simplement que cela prend à chaque fois environ deux heures à Victor pour se rendre d’une localité à l’autre.
Peu à peu les enquêtes s’organisent, les mystères s’éclaircissent. Découpée en une centaine de très courts chapitres, la lecture des quatre cent cinquante pages devient aérée et fluide. Le rythme accélère au fil du temps et le livre s’achève par des chasses à l’homme qui te feront palpiter, lectrice, lecteur, parce que Ellory est un vrai pro du suspens.
L’auteur n’hésite pas à attiser tes émotions les plus frustes : commisération, angoisse, désir de vengeance. Victor Landis, qui en a pourtant vu d’autres, reste sensible — et toi aussi — aux souffrances supportées par les jeunes filles massacrées et à la douleur des parents auxquels il faut annoncer les conditions de la mort de leur enfant. Victor sera lui-même en proie à une angoisse insoutenable que tu partageras. Et ça ne te choquera pas qu’il fasse usage de pratiques aussi barbares qu’illégales pour faire parler quelques personnages ignobles. Que ne ferais-tu pas pour sauver une petite fille prise en otage par des tueurs ?
Contrairement aux enquêteurs, les malfrats et les assassins se jouent des frontières territoriales. Et comme dans toutes les vraies démocraties, la conviction d’une culpabilité n’est pas suffisante pour garantir une condamnation. Des preuves ou des aveux obtenus en infraction peuvent être considérés comme nuls. Il faut donc jouer serré, la fin justifiant les moyens.
Selon une autre disposition légale, les policiers peuvent cultiver des relations avec des individus dangereux, dans le but d’en traquer de plus dangereux. Les « repentis » — ou prétendus tels — sont souvent les meilleurs indics. Cela conduit parfois la justice à accorder une protection confidentielle à des personnes mal intentionnées, qui en profitent pour monter des machinations scandaleuses à l’abri de toute suspicion.
Celle qu’a imaginée Ellory est particulièrement monstrueuse. La complexité des péripéties, très imbriquées les unes dans les autres, la rend irréaliste. Peu importe ! Pour un auteur de thrillers, c’est une façon de capter ta sensibilité, puis de t’apaiser lorsque les méchants sont punis à la fin du livre. Ne t’attends pas, en revanche, à t’extasier sur la qualité de l’écriture. Elle est juste efficace.
GLOBALEMENT SIMPLE ooo J’AI AIME