Juillet 2024,
Il ne fait pas partie de ces œuvres, qui, comme Judith et Holopherne, Le Baiser ou encore Danae, ont contribué à la notoriété éclatante de Gustav Klimt. Le Portrait d’une dame est un petit tableau tout simple, dont la destinée aurait pu se limiter à compléter les collections d’un musée de province, en l’occurrence celui de Plaisance, une ville italienne moyenne située entre Milan et Parme.
Il en a presque été ainsi. Mais des révélations spectaculaires ont précipité l’œuvre sur le devant de la scène. D’abord, on a récemment découvert — en 1996 — que le tableau avait été modifié et rebaptisé en 1917 par le maître autrichien lui-même, sans que l’on sache pourquoi, alors qu’il était achevé et exposé depuis cinq ans ; une pratique de « repeint » inusuelle chez Klimt. Quelque temps après cette révélation, le tableau était volé dans son musée… avant de lui être restitué une vingtaine d’années plus tard dans des circonstances absolument rocambolesques restées inexpliquées. Dernier mystère : on ignore qui fut la jeune femme qui posa pour Klimt.
Quand il n’est pas possible de connaître la vérité, est-il justifié d’en bâtir une fictive ? C’est en tout cas la vocation des romanciers. N’importe qui pourrait, cent ans après, émettre des hypothèses sur la genèse de l’œuvre et sur sa remise en peinture par l’artiste. Mais il faut beaucoup d’imagination, d’ampleur conceptuelle et de cohérence narrative pour construire une histoire globale se prolongeant sur plus d’un siècle et apportant aussi une solution à l’énigme plus récente du vol et de la restitution.
C’est le challenge réussi par Camille de Peretti, une écrivaine française ayant déjà une demi-douzaine de romans à son actif.
L’Inconnue du portrait est une vaste saga familiale, qui s’étend dans le temps et aussi dans l’espace. Elle te fera voyager, lectrice, lecteur, entre l’Europe et l’Amérique, en compagnie de ses personnages principaux. Né à Vienne (Autriche) dans la misère, Isidore a traversé l’Atlantique à l’âge de seize ans, s’est installé à New York, où il a fondé une famille et fait fortune. Quelques décennies plus tard, il s’efface devant Pearl, une jeune femme brillante de Houston (Texas), dont la mère, une ancienne prostituée, avait reconnu un vieux client et organisé un test de paternité ; de quoi donner une inflexion inattendue à la destinée de sa fille.
Un choc ! disent-ils. C’est ce que ressentent Isidore et Pearl, chaque fois que le hasard les met en présence du tableau. Tu devineras vite pourquoi. De même, en lisant ce roman qui s’apparente à un puzzle, tu en trouveras facilement la plupart des pièces, mais cela ne t’empêchera pas de suivre passionnément les détails des péripéties imaginées par l’autrice.
Dévoilant habilement les mystères au compte-gouttes au fil des chapitres, afin de t’inciter à lire le suivant, le roman effectue dans une première partie des allers-retours vers un lointain passé, histoire de poser certains faits. Il se présente ensuite comme une enquête progressant linéairement et finit, dans une dernière partie, par livrer sa vérité dans de nouveaux retours en arrière racontés comme en direct. Bravo à Camille de Peretti de ne pas avoir cédé à la facilité de nombreux auteurs, qui explicitent les énigmes dans les dernières pages, par les révélations exhaustives d’un coupable ou d’un détective à la Hercule Poirot.
L’autrice n’a en revanche pas résisté à la tentation d’inclure quelques scènes sentimentales pour t’émouvoir, lectrice, lecteur, mais tu lui pardonneras, car son écriture est aussi soignée que sa construction littéraire et la lecture de l’Inconnue du portrait est très fluide.
GLOBALEMENT SIMPLE oooo J’AI AIME BEAUCOUP