Juin 2024,
J’avais suffisamment éreinté L’énigme de la chambre 622, son précédent opus, pour m’autoriser à reconnaître, sans fausse honte, avoir pris du plaisir à lire Un animal sauvage, le dernier roman de Joël Dicker. Dans ce livre qu’on pourrait qualifier de thriller loufoque ou de pastiche de thriller, tu passeras, lectrice, lecteur, de surprise en surprise quasiment à chaque page.
Chronique d’un braquage annoncé. Sur vingt journées, l’auteur met en scène des personnages qui semblent mener une vie banale, familiale et tranquille, mais que des spécificités propres plus ou moins secrètes, révélées au compte-gouttes en remontant jusqu’à quinze ans dans le passé, impliqueront d’une façon ou d’une autre dans le projet criminel. Sur un rythme trépidant, le livre fourmille de péripéties inattendues, de manipulations subtiles, de rebondissements de situations et d’autres trouvailles audacieuses qui te laisseront bouche bée.
La construction, élaborée avec finesse, comporte de nombreux retours en arrière qui permettent à l’auteur de reconstituer des événements essentiels du passé jusqu’alors cachés. Malgré la multiplicité et l’enchevêtrement de ces péripéties antérieures, je dois dire que leur cohérence n’est jamais prise en défaut. Si tu as l’habitude des narrations strictement linéaires, lectrice, lecteur, ces flashbacks pourront te déstabiliser ; mais ne t’inquiète pas, la lecture est fluide ; et l’affichage répété des têtes de chapitre permet intelligemment de se situer dans le déroulé des événements. En revanche, si tu sais lire entre les lignes et si tu n’as pas besoin qu’on t’explique tout par le menu, tu pourras trouver superfétatoires certains éclaircissements.
Voilà qui m’amène à laisser de côté les authentiques qualités du livre et à aborder ses faiblesses, sur lesquelles mon mauvais esprit habituel m’incite à ironiser.
Les mises en suspens aménagées systématiquement à chaque fin de chapitre prêtent au sourire (bienveillant) autant qu’à la curiosité, comme dans une pièce de théâtre de boulevard, lors de l’entrée inattendue d’un personnage côté cour, concomitamment à la sortie solennelle d’un autre côté jardin. Une analogie qui m’avait déjà été suggérée par le précédent roman de Joël Dicker.
Autre parallèle qui me vient, celui de la bande dessinée ou du roman-photo. Tout au long d’Un animal sauvage, chaque chapitre ou alinéa pourrait être porté par une illustration figée. Pourtant, de même que le cinéma met en mouvement un continuum d’images, la littérature est l’art de raconter des histoires, de relier des instants, en installant entre eux un flux continu d’informations. Cela manque dans le livre. En l’absence de commentaires, de prise de recul et de digression, les narratifs et les dialogues pourraient figurer tels quels dans des bulles de vignettes.
Stratégie ou faiblesse ? L’écriture est plate et minimaliste. La lecture ne suscite pas d’autre émotion que la surprise, l’amusement, accessoirement la curiosité. Un page turner ? En quelque sorte, oui : quand une page entière est consacrée aux banalités échangées par un couple au cours d’un petit déjeuner, que voulez-vous ? On la tourne rapidement.
J’ai compris depuis longtemps que Joël Dicker a le sens du marketing, au point de mâcher le travail des lecteurs-consommateurs et de ne pas non plus leur soumettre des aventures qui pourraient leur déplaire. C’est d’ailleurs le cas du dénouement d’Un animal sauvage. Après avoir lu la nouvelle fictive sur la panthère, je m’attendais à une fin sanglante et tragique. Mais la majorité des lectrices et des lecteurs préfèrent les happy ends.
Peu importe mes sarcasmes ! Je confirme avoir lu Un animal sauvage avec plaisir.
FACILE oooo J’AI AIME BEAUCOUP