Juin 2024,
La Conjuration de Dante est un titre astucieux. En ces temps de profusion de soupçons complotistes, le mot conjuration suscite forcément la curiosité. En y associant le nom de Dante, l’intitulé annonce un parcours initiatique, au plus profond des racines de l’histoire et de la culture, dans une quête de sagesse et de vérité. Un programme aguicheur !
Tu l’auras justement deviné, lectrice, lecteur : le livre se présente comme un thriller historique et scientifique, relevé d’une once d’ésotérisme et d’une larme de fantastique. Un genre de littérature dont je ne suis pas particulièrement adepte, parce qu’elle tient rarement ses promesses de révélations décoiffantes. Qu’en est-il avec La Conjuration de Dante ?
L’auteur a de nombreuses cordes à son arc. Journaliste scientifique, passionné par les questions de bioéthique de génétique, Fabrice Papillon produit des documentaires de vulgarisation et enseigne à Sciences Po. La Conjuration de Dante est son quatrième roman.
Tandis qu’ont lieu d’impressionnants meurtres de notables, un mystérieux groupe se nommant Gyrum Novem commandite le pillage de tombeaux illustres, afin, semble-t-il, de compléter une collection de cerveaux entamée depuis des décennies. Elle ne s’intéresse qu’aux grands noms des arts et des sciences : Marie Curie, Einstein, Dante, Descartes, Darwin, Hawkins… Mais toi, lectrice, lecteur, quand tu constates que de sombres personnages s’attribuent les pseudonymes de Virgile ou de Spinoza, tu comprends aussi que l’auteur sait manier ce qu’on appelle le « name dropping ».
Les péripéties se déroulent de nos jours, dans des lieux emblématiques : le Panthéon de Paris, Westminster Abbey, les Musées du Vatican… Une petite équipe de policiers un peu foutraques fait son possible pour démêler les fils de plusieurs enquêtes complexes, auxquelles participent — avec leur accord amical — des personnalités scientifiques actuelles. En contrepoint s’intercalent des narrations d’événements plus anciens.
Très bien documenté et habilement construit, le texte entremêle donc fiction et anecdotes authentiques. Il serait plaisant à lire s’il ne s’embrouillait pas parfois dans des longueurs et des détails narratifs touffus, dans lesquels, lectrice, lecteur, tu risqueras, comme moi, de perdre le fil.
Peu travaillée, l’écriture est un peu familière, proche du langage parlé, dans le style courant des polars populaires. Certaines explications sont laborieuses, répétitives.
La fin du livre te surprendra, lectrice, lecteur, et te laissera peut-être sur ta faim. Ecrivant moi-même des fictions, je me sens en mesure d’émettre des hypothèses. Quand il aborde les toutes dernières lignes d’un roman, l’écrivain vit un moment exceptionnel : il est totalement libéré de ses intrigues et dispose du pouvoir suprême de vie et de mort sur ses personnages. L’extrême noirceur choisie pour conclure La Conjuration de Dante est délibérée. L’auteur aurait pu opter pour une fin bienveillante, comme tu l’aurais probablement souhaité. Il a préféré te prendre à contrepied, au risque de te contrarier. Ou bien il n’a trouvé aucune idée convenable pour un dénouement apaisant. A moins, dernière hypothèse, qu’il partage les aspirations apocalyptiques de Gyrum Novem et qu’il assume son épilogue comme une prophétie.
Au bilan, quelques anecdotes historiques pittoresques, mais point de révélations spectaculaires sur la nature de l’âme et du génie humain… si ce n’est que les cercles de l’Enfer de Dante pourraient symboliser les circonvolutions du cerveau.
TRES DIFFICILE ooo J’AI AIME