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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Et vous passerez comme des vents fous, de Clara Arnaud

Publié le 23 Janvier 2024 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Janvier 2024, 

Nature writing à la française ! Clara Arnaud est ce qu’on appelle une écrivaine voyageuse. Depuis qu’elle est toute jeune, elle bourlingue en solitaire dans les montagnes du monde, où elle s’adonne à l’écriture. Dernier domicile connu, le haut pays ariégeois ; elle y écrit Et vous passerez comme des vents fous, une trilogie qui t’emmènera, lectrice, lecteur, directement « into the wild », dans les montagnes sauvages des Pyrénées centrales, le pays des ours. En France, c’est là qu’on trouve des ours en liberté — quelques dizaines —, depuis que l’espèce, menacée de disparaître, a été volontairement régénérée dans les années 90, dans le cadre d’une politique d’encouragement de la biodiversité.

L’ours fascine. Capable comme l’homme de se tenir debout, il a toujours occupé une place symbolique majeure dans les imaginaires. Il est une créature mythique, pour laquelle l’homme éprouve une sorte d’affection enfantine, tout en sachant qu’un face à face avec cet animal sauvage et brutal représenterait une menace mortelle. Dès son plus jeune âge, l’homme verrait bien en l’ours un compagnon, mais pour concrétiser cette attirance, il sait qu’il doit accéder à un rapport de maître à esclave.

Jusqu’au début du XXe siècle, des hommes sont ainsi parvenus à élever des oursons et à les dresser, pour en faire plus tard leurs partenaires dans des spectacles de montreurs d’ours. Tombée en désuétude, cette pratique, décriée de nos jours comme moralement indigne, apportait à l’époque une forme de gloire populaire à ces saltimbanques de fêtes foraines.

Aujourd’hui, le rapport de l’homme à l’ours reflète toujours un double sens. La protection des ours en tant qu’espèce oppose des gens bien intentionnés en matière de biodiversité et de respect animalier, à des éleveurs qui, soucieux de préserver leur gagne-pain quotidien, considèrent l’ours comme une menace pour leurs troupeaux. Une expression parmi d’autres de l’antagonisme traditionnel : citadins vs ruraux.

Telles sont les réflexions ayant amené l’autrice à concevoir les trois fictions qui s’entremêlent dans Et vous passerez comme des vents fous. La première raconte le parcours de Jules, un jeune homme de la région, qui, à la fin du XIXe siècle, capture un ourson pour le dresser. Sa carrière de montreur d’ours le mènera outre-Atlantique pour le meilleur et surtout pour le pire.

La deuxième fiction est consacrée à Gaspard, un berger. Il garde huit cents brebis ne lui appartenant pas dans des prés, en altitude, pendant les quatre mois de la période estivale. Il vit avec son troupeau et veille à son intégrité, malgré les maladies, les intempéries, les risques de chutes… et malgré l’ours. Doux, tourmenté par un passé tragique, Gaspard est pacifique. Mais parmi les modestes éleveurs qui lui confient leur patrimoine, quelques-uns ne seraient-ils pas enclins à sortir leur fusil ?

Alma est chercheuse en biodiversité. A l’instar de l’autrice, dont elle est un double, elle a l’expérience de la proximité des ours… en Alaska. Elle défend l’idée qu’une meilleure connaissance de l’ours permet d’anticiper son comportement vis-à-vis des troupeaux et même d’influer sur lui. Dans la troisième fiction, qui se déroule en contrepoint de la deuxième, elle tente de mettre ses principes en pratique.

L’autrice est possédée par la montagne, une montagne hostile, belle comme l’enfer : embûches des pentes, des forêts, des roches, des à-pics ; exposition à la canicule, aux orages, à la grêle, dans des conditions de vie primitives. Au travers des personnages, on ressent son goût pour l’aventure en solitaire, entrecoupée de moments de relâchement festif en société. C’est aussi ce qui ressort de son écriture, dense, touffue, impressionnante par le détail des observations, par la diversité des descriptions, et dont l’expression semble sortir des tripes.

L’aspect documentaire du livre m’a passionné. Mais la montagne de Clara Arnaud et ses personnages ne m’ont pas fait vibrer. Je suis un citadin ; à la montagne, je ne suis qu’un citadin en vacances. Qu’importe ! Le livre, comme la montagne, est éternel ; et moi, sans être un vent fou, je ne fais que passer.

DIFFICILE     ooo   J’AI AIME

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