Mars 2023,
Lorsqu’un meurtre est commis dans une famille réputée sans problème, on parle de la victime, on parle du ou de la coupable. Et moi, je me demande souvent ce qu’il advient des enfants, comment ils surnagent dans cet enfer qui les engloutit vivants. Philippe Besson s’est posé les mêmes questions et dans Ceci n’est pas un fait divers, il apporte un éclairage saisissant. Cet ancien DRH en entreprise est devenu un écrivain prolifique, auteur d’une vingtaine de romans lui ayant valu plusieurs prix littéraires.
Ceci n’est pas un fait divers est un roman, une fiction en forme de récit, de témoignage personnel d’un jeune homme imaginé par l’auteur. Ses parents et sa sœur Léa, treize ans, vivent dans une banlieue populaire de Bordeaux. Il a dix-neuf ans et est installé à Paris pour ses études. Il reçoit un soir un appel téléphonique de Léa : « Papa vient de tuer maman ». C’est là que tout commence.
L’acte en lui-même a été d’une brutalité effrayante : dix-sept coups de couteau, du sang partout. Terrifiant pour Léa, qui a tout vu. La suite de l’histoire est très triste. On anticipe aisément l’effet dévastateur qui en résultera pour cette très jeune fille. On imagine le choc, le chagrin des deux enfants, leur double deuil, la perte d’une mère et la perte concomitante d’un père.
On partage les sentiments polymorphes de culpabilité ressassés par le jeune narrateur : n’avoir pas été présent pour empêcher l’irréparable, avoir laissé sa petite sœur seule face au drame, ne pas avoir décelé les signes annonciateurs, ou ne pas les avoir compris, ou ne pas avoir osé réagir… Même examen de conscience pour les proches, les voisins, qui n’ont rien vu, ont fait mine de ne rien voir ou relativisé ce qu’ils ont vu…
Suivent les procédures administratives, la reconnaissance du corps, les interrogatoires de police, l’instruction et le déroulement du procès. En découvrir les impacts affectifs, psychologiques et pratiques est accablant. Je n’avais pas pensé aux contraintes judiciaires de pose de scellés sur le domicile, scène du crime, qui reste strictement inaccessible pendant les mois d’enquête : impossibilité incroyable de récupérer le moindre effet personnel ! Sans oublier, le moment venu, la levée de ces scellés, la restitution des clés et la redécouverte des lieux en l’état où ils étaient après les perquisitions, sans remise en état ni nettoyage, les traces du meurtre toujours présentes, des taches de sang noirci…
La mort de femmes sous les coups de leur compagnon ou de leur ex font aujourd’hui les gros titres de l’actualité. On en dénombre plus de cent chaque année en France. C’est suffisamment important pour mériter d’être qualifié de phénomène de société et non plus de simple fait divers.
Certains pourraient prétendre qu’au regard de l’existence de quinze millions de couples, cela reste statistiquement exceptionnel. Et ils en concluraient que le profil du mari meurtrier est probablement lui aussi exceptionnel. Eh bien non, il s’agit d’un homme ordinaire, une grande gueule, sans vraies compétences, remâchant avec rancœur sa médiocrité. Marié à une femme trop bien pour lui, il avait le sentiment insupportable qu’elle pourrait lui échapper. Pour préserver sa domination de mâle en péril, il ne lui restait qu’à provoquer des scènes de ménage de plus en plus violentes, jusqu’à…
L’écriture est d’une sobriété de bon aloi, ce qui n’empêche pas le livre d’être émouvant.
FACILE oooo J’AI AIME BEAUCOUP