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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

L'espion qui aimait les livres, de John le Carré

Publié le 22 Février 2023 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Février 2023, 

Les milieux britanniques du renseignement n’avaient pas de secrets pour John le Carré, décédé fin 2020 à l’âge de 89 ans. Il en avait fait partie dans sa jeunesse, puis avait écrit une vingtaine de romans d’espionnage, parmi lesquels des ouvrages primés et des best-sellers. Publié après sa mort, à l’initiative de l’un de ses fils, L’espion qui aimait les livres avait été écrit au début des années 2010.

L’affaire prend place dans le Suffolk, sur la côte Est de l’Angleterre. A l’exception d’un personnage, tous émargent directement ou indirectement aux services de sécurité du Royaume-Uni. Comme il se doit, ils sont plus ou moins menteurs, manipulateurs et paranos. Lectrice, lecteur, sache que l’auteur en a profité pour te dresser un panorama confus et tronqué des événements qu’il a imaginé. Tu auras au début du mal à t’y retrouver ! Mais si tu sais faire preuve de patience et à condition que tu retournes parfois en arrière pour relire certains chapitres, les choses finiront par s’éclaircir.

Julian n’en sait pas plus que toi. Seul personnage fiable de l’intrigue, parce qu’il ne fait pas partie — du moins pas encore ! — des services de renseignement, c’est un jeune retraité de la City, désormais installé dans une petite station balnéaire, où il vient de racheter une librairie. Ce trentenaire, qui a eu la sagesse, fortune faite, de prendre ses distances avec la finance londonienne, va se trouver plongé à son corps défendant dans un maelström de contrespionnage.

Que cache cet homme âgé nommé Edward Avon, qui s’introduit partout et trouve réponse à tout ? Est-il un ami d’enfance du père de Julian, comme il le prétend, ou est-il né en Pologne, d’un père qui fut complice des nazis ? Ses convictions politiques sont-elles convenables, son pacifisme affiché n’est-il pas douteux ? Est-il un agent britannique et si oui — ne jouons pas sans cesse à cache-cache, c’est oui ! —, quel rôle a-t-il joué, en Pologne, puis en Bosnie dans les années 90, avant d’être rapatrié en piteux état, après avoir assisté à des massacres épouvantables ? Pour être clair, pour qui travaille cet homme cultivé qui affiche son amour des livres ? La question est brûlante, car Edward est depuis plus de vingt ans l’époux de la spécialiste du Moyen-Orient à la direction des Services de sécurité.

L’homme qui devra s’atteler à ces questions est un quinquagénaire d’allure banale, nommé Proctor (un mot qui en anglais signifie procureur ou responsable de la discipline). Tu découvriras, lectrice, lecteur, qu’il est le grand responsable de la Sécurité intérieure du Royaume-Uni. Une longue missive lui a fait part de possibilités de fuites au sein de son administration. Il enquête donc discrètement, afin d’éviter un scandale qui pourrait l’éclabousser… En même temps, il aimerait en savoir plus sur l’intérêt de sa belle épouse pour l’archéologie…

A lire John le Carré, les services secrets britanniques constitueraient une sorte de communauté ; ses effectifs vivraient comme les membres d’une confrérie à plusieurs étages, où des fonctionnaires ayant fait les mêmes études se reçoivent, se marient entre eux, s’entraident mutuellement. La hiérarchie sociale s’aligne sur les grades ou les postes, et chez les plus anciens, les niveaux de réussite professionnelle influent sur les modes de vie, les uns côtoyant l’aristocratie, les autres menant ou préparant une retraite étriquée. Sur le plan de l’efficacité, l’administration paraît poussiéreuse, à l’image de ses locaux datant de la Guerre froide, vétustes, mal entretenus, souvent obsolètes ; ses processus internes sont anciens et peu respectés. Elle semble avoir été conçue naguère comme une structure supplétive du Pentagone américain et elle serait devenue incapable, après le retrait des Etats-Unis de certains fronts, de se trouver une vocation nationale autonome. Un fonctionnement en surplace influant sur le moral et l’engagement de ses agents. Cela ne te laissera pas, lectrice, lecteur, une opinion flatteuse sur la maison qui employait James Bond.

Pour suivre l’enquête de Proctor, tu auras dû reconstituer la chronologie d’indices lâchés dans le désordre par l’auteur. Comme je t’en ai averti(e), il t’aura parfois fallu aussi rebrousser chemin pour relire certaines pages. Une façon pour John le Carré de te prendre au jeu, avec le risque que la fin te laisse sur ta faim. Son intention était, selon son fils, de « dire la vérité, trousser une belle histoire et (te) révéler le monde ». A toi de voir s’il y est parvenu.

DIFFICILE     ooo   J’AI AIME

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