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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Les liens artificiels, de Nathan Devers

Publié le 26 Octobre 2022 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Octobre 2022,

Créer sur Internet des mondes virtuels, pour les substituer ou les juxtaposer au monde réel ! C’est un objectif sérieux pour des spécialistes en technologies numériques. C’est un sujet de préoccupation pour des philosophes. C’est depuis longtemps un champ d’inspiration pour une littérature de science-fiction réservée à ses amateurs. Et voilà que la littérature dite générale s’y intéresse à son tour.

Il y a deux ans, le prix Goncourt récompensait L’Anomalie, où l’on émettait l’idée que notre monde pourrait lui-même être une simulation conçue dans un avenir éloigné. Cette année, l’un des candidats au titre a anticipé l’existence d’un métavers sophistiqué… Le terrain était tentant pour Nathan Devers et son premier (ou deuxième ?) roman, Les liens artificiels. Ce tout jeune intellectuel français bardé de diplômes est déjà bien en cour dans les cénacles politico-philosophico-littéraires, et il n’est pas rare de voir son visage lors de tables rondes sur les télés d’infos en continu.

Mais qu’est-ce donc qu’un métavers ? Tout simplement un jeu virtuel en 3D, auquel l’internaute participe par l’intermédiaire d’un avatar, un personnage virtuel qu’il a créé et qui lui est personnel. Les jeux vidéos des années quatre-vingt-dix et leur iconographie très rudimentaire étaient les précurseurs des métavers. Dans Les liens artificiels, celui que l’auteur imagine est bien mieux élaboré : « l’Antimonde » est une reproduction parfaite, au moindre détail près, du monde réel.

Le roman met en scène un jeune homme, Julien, dont les raisons d’exister sont en train de perdre tout leur sens. Viré par sa compagne après cinq ans de vie commune, il s’est exilé faute de moyens dans une banlieue éloignée et sans caractère. Musicien, il gagne à peine de quoi vivre en donnant des leçons de piano. Il reste déterminé à composer un album de chansons, mais jour après jour, il procrastine sur les réseaux sociaux, où il perd son temps et ce qui lui reste d’âme.

L’autre personnage principal est le créateur de l’Antimonde ; Adrien est un homme d’une intelligence et d’une culture supérieures, mais il est aussi narcissique et pervers, au point de vouloir dominer et manipuler l’humanité grâce à son métavers, dont il fait la promotion sur les réseaux sociaux.

Julien va découvrir l’Antimonde, y ouvrir un compte et se lancer à corps perdu — si l’on peut dire ! — dans l’aventure, par le biais d’un avatar qui en deviendra un acteur essentiel. Ce nouveau monde virtuel lui permettra-t-il de faire fortune ? De faire reconnaître ses talents d’artiste ? En tout cas, Julien et Adrien finiront par être fascinés l’un par l’autre.

Les liens artificiels est un livre original. La fiction est bien documentée et malgré quelques inévitables incohérences sans importance, elle s’intègre bien dans l’histoire récente des savoir-faire numériques et de la réalité simulée. La narration est accrocheuse. L’auteur stimule l’intérêt du lecteur par de bonnes questions, mais celles-ci ne trouvent pas les développements « décoiffants » qu’on pourrait espérer. Chaque chapitre se résume à une sorte de sketch, dont la chute est banale ou prévisible. Beaucoup d’imagination, une inspiration parfois morbide et un léger manque de sens romanesque.

La narration est accompagnée des commentaires prospectifs habituels sur les dérives des réseaux sociaux, du déclin des civilisations qui leur accordent une importance démesurée… L’auteur n’hésite pas à faire parler des personnalités, mortes et vivantes ; des pastiches amusants, mais timides, comme s’il ne fallait pas aller trop loin dans l’impertinence.

L’auteur maîtrise parfaitement l’écriture, variant le style selon les personnages et les intrigues. Lorsqu’il faut toutefois adopter le vocabulaire de personnes ordurières, qu’il est difficile d’être crédible ! Enfin, bravo pour les alexandrins, même sans rimes ; mais ils ne révolutionnent pas la poésie.

La réalité augmentée existe déjà, les paradis artificiels aussi. La vraie vie ne serait qu’un miroir aux alouettes, où chacun s’illusionnerait sur la place qu’il pourrait prendre… Je retiens aussi une idée intéressante et cocasse pour mettre fin au conflit israélo-palestinien.

DIFFICILE     ooo   J’AI AIME

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