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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Le lac de nulle part, de Pete Fromm

Publié le 2 Mars 2022 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Mars 2022, 

Spécialiste de la littérature dite nature writing, Pete Fromm imagine des fictions romanesques au sein de grands espaces naturels sauvages, tel qu’il en existe de différentes sortes en Amérique du Nord. Je garde un excellent souvenir de Mon désir le plus ardent, lu il y a quelques années, un roman magistral et poignant qui s’ouvrait sur les rivières turbulentes du Wyoming. Dans Le lac de nulle part, les eaux sont plus calmes, mais les personnages sont tourmentés.

Une famille éclatée. Cela fait des années que papa est parti au loin. Pour élever leur progéniture, maman a multiplié les heures supplémentaires et elle continue. Leurs deux enfants, des jumeaux, une fille et un garçon respectivement prénommés Al et Trig, sont aujourd’hui adultes et ils mènent leur vie chacun de leur côté. Dispersés dans l’immensité américaine, tous restent nostalgiques de bons moments passés il y a bien longtemps lors d’expéditions familiales sur les lacs du nord des Etats-Unis, en limite du Canada. Quand papa propose de se retrouver en octobre pour une nouvelle randonnée d’un mois en canoë, Al et Trig acceptent volontiers. Maman n’est pas conviée.

Pendant deux semaines, ils s’enfoncent tous les trois dans les forêts et naviguent sur une suite infinie de lacs ; ils passent de l’un à l’autre en portant canoës et paquetages, se nourrissent de pêches, bivouaquent sous des températures d’automne qui baissent de nuit en nuit. Tout va bien, on semble heureux de se retrouver, mais cela pourrait n’être qu’apparence ; on évite de prêter attention à des attitudes étranges ; le passé remonte à la surface et ce ne sont pas que de bons souvenirs… Puis un événement inexplicable les surprend et précipite le retour. Mais l’hiver s’annonce précoce, et dans la région, il s’accompagne couramment de températures glaciales et d’intempéries violentes. Les itinéraires deviennent incertains. Parviendront-ils à revenir ?

L’auteur a confié le rôle du narrateur à Trig, un jeune homme aussi irrésolu que sa sœur est proactive. Tout au long du récit, Trig s’étend sans modération sur la vie quotidienne des trois randonneurs, sur l’observation de leurs comportements, sur la contemplation de la nature – et je suis sûr que l’apparition d’aurores boréales vaut le voyage. Aucune précision ne nous est épargnée par le jeune narrateur sur la préparation des repas, sur l’installation et le démontage des bivouacs… et sur ses états d’âme personnels empreints d’angoisse et de culpabilité irraisonnées. Des descriptions et des commentaires certes intéressants, mais qui finissent par être ennuyeux à force d’être répétitifs…

En vérité, Pete Fromm sait parfaitement ménager ses effets : le temps mis à lire ces pages fourmillant de détails sert à maintenir à haut niveau la tension de l’incertitude. Je m’y suis volontiers laissé prendre. Je ne suis pourtant pas sensible, en général, au suspens des polars et des thrillers ; je n'essaie jamais de découvrir le coupable et le pressentiment d’un crime qui s’ourdit ne m’empêche pas de dormir. Dans Le lac de nulle part, j’ai joué le jeu, je me suis astreint à suivre tous les développements à un rythme de lecture normal, sans chercher à tourner les pages plus vite. Il le fallait bien et je vous engage à faire de même… car sinon, autant aller directement au chapitre final pour connaître le dénouement. Je me suis senti récompensé de ma patience. Dans les toutes dernières pages, l’auteur livre une chute surprenante, qui m’a rappelé celle de Là où chantent les écrevisses, de Delia Owens, un autre roman de nature writing.

Dans des paysages assurément sublimes et probablement oppressants, Pete Fromm a noué autour de ses personnages des intrigues inspirées de l’air du temps. Les règlements de comptes tardifs entre des pères et leur fille défrayent de plus en plus souvent la chronique. Les troubles mentaux qui menacent les personnes prenant de l’âge alimentent nos préoccupations. Dans le monde de la finance, la roche Tarpéienne n’est jamais éloignée du Capitole… La solidarité entre jumeaux pourrait être un atout pour faire face à ces difficultés.

L’écriture est belle et je me suis senti captivé tout au long de ma lecture, mais une fois le livre refermé, j’ai éprouvé le sentiment d’avoir été quelque peu manipulé.

GLOBALEMENT SIMPLE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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