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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

La décision, de Karine Tuil

Publié le 1 Février 2022 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Février 2022, 

Karine Tuil s’est spécialisée dans les fictions romanesques explorant les violences qui nous effraient, les failles qui menacent notre Etat de droit et les dilemmes auxquels nous expose notre société démocratique. Son dernier roman, La décision, ne déroge pas à cette ligne.

La narratrice, Alma Revel, est coordinatrice du pôle d’instruction antiterroriste de Paris, un poste de magistrat exigeant, stressant, parfois bouleversant, qui la fait vivre à un rythme trépidant. Son rôle, son comportement et les décisions qu’elle prend en surmontant ses émotions l’exposent souvent à la colère des accusés, des victimes et des observateurs ; des colères qui peuvent se traduire par des insultes, des menaces et dans le cas de la condamnation de certains criminels, par des violences concrètes. Elle est contrainte de vivre sous protection policière.

En mars 2016, la clôture d’une instruction l’amène à statuer sur le cas d’un jeune Français arabe musulman. Parti en décembre 2014 en Syrie, il en est reparti en mars 2015, se faisant arrêter à la frontière turque. Ramené en France, il a été aussitôt emprisonné ; cela fait un an. Pour bien situer l’atmosphère qui règne alors, rappelons que les attentats Charlie / Hyper Cacher ont eu lieu les 7 et 9 janvier 2015 et ceux du Bataclan (et autres endroits parisiens) le 13 novembre 2015.

Tout jeune musulman passé par la Syrie est logiquement soupçonné d’être mêlé aux crimes de l’Etat islamique. Le parcours est souvent le même : une enfance déstructurée dans une famille à problèmes, la consultation de sites Internet de prosélytisme terroriste, la rencontre de recruteurs salafistes. Si le jeune homme déclare avoir été trompé, qu’il nie toute velléité de violence et argue de son intention de mener une vie régulière en France, vient un moment où le juge d’instruction doit prendre une décision : faut-il le maintenir en détention provisoire, au risque de le voir un jour définitivement perverti par l’extrémisme islamique rampant des prisons ? ou convient-il lui de lui accorder un simple contrôle judiciaire assorti du port d’un bracelet électronique, au risque, s’il a dissimulé ses intentions criminelles, de le voir commettre un attentat sanglant dans les semaines qui suivent ?

La magistrate est aussi une femme comparable à d’autres : à quarante-neuf ans, mère de trois enfants, Alma Revel est en instance d’un divorce qu’elle tient à mener dans de saines conditions. Elle entretient une liaison tumultueuse et passionnelle avec un avocat… Le couple, la famille, le désir, le mariage mixte, la séparation, le conflit d’intérêts… cela fait beaucoup de sujets qui s’entremêlent, peut-être trop, avec les responsabilités d’une juge d’instruction antiterroriste. Cela grève un peu la crédibilité du récit. Femme au bord de la crise de nerfs… et même au-delà !

Le livre se lit très rapidement, comme un thriller. L’écriture est nerveuse, survoltée à l’image de la narratrice. A l’inverse, les extraits d’interrogatoires qui mettent fin aux chapitres m’ont paru plats, routiniers. Sont-ils inspirés de la réalité ? Peut-être est-ce l’effet de la Taqiya, la ruse dissimulatrice des terroristes islamistes. Le dialogue ultérieur avec le négociateur du Raid est d’un réalisme effrayant.

Il est courageux d’écrire sur la problématique de la décision, car ne la connaissent vraiment que les personnes qui ont la responsabilité d’en prendre, en conscience de toutes les conséquences. Décider – dans les affaires publiques, dans la vie privée ou dans le business – reste un acte personnel solitaire. Décider, ce n’est pas faire voter à la majorité, ce n’est pas procéder à une déduction logique, ce n’est pas compiler des algorithmes ou calculer une somme pondérée de critères. Le sujet est d’autant plus courageux, que nombreux sont ceux qui – souvent sous couvert d’anonymat – critiquent à la légère des décisions qui ne sont pas de leur ressort ni de leur niveau. Le concept de « bonne décision » n’existe pas. C’est la gestion ultérieure de la solution adoptée, qui fera qu’une décision aura été bonne ou pas.

A noter chez l’auteure, comme dans ses précédents romans, un cocktail de fascination et de distanciation à l’égard du judaïsme orthodoxe, qui occupe un espace accessoire dans la fiction.

GLOBALEMENT SIMPLE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

Pour lire mes critiques des précédents romans de Karine Tuil, cliquez sur les liens : 

Les choses humaines

L'insouciance

 

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