Janvier 2022,
Que la lecture de ce livre a été longue et ardue ! Lilas rouge, un roman de sept cents pages très denses, raconte l’histoire d’une famille du terroir en Autriche, depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la fin du siècle. Trois générations de paysans autrichiens qui ne parlent pas ! Taiseux comme peuvent l’être certains paysans obsédés par leurs récoltes. Taiseux comme peuvent l’être certains Autrichiens, lorsqu’il est question de la participation de leur pays aux crimes du Reich nazi.
Les Goldberger sont des exploitants agricoles prospères. Leurs terres sont situées en Basse-Autriche, à proximité du village de Rosental. Dans la famille, ils sont plusieurs à s’appeler Ferdinand, un prénom fameux dans l’histoire de l’Empire austro-hongrois.
Le fondateur de la lignée, appelons-le Ferdinand 1er, apparaît à Rosental pendant la guerre, à son corps défendant, mais avait-il le choix ? Dans son ancien village, en Haute-Autriche, il était le chef local du parti nazi. Il ressort qu’il a abusé de ses pouvoirs et que sa sécurité s’en est trouvé menacée. Avec l’accord du parti, il a accepté d’être exfiltré, de quitter sa riche exploitation forestière et d’entreprendre, à plus de soixante ans, une nouvelle vie à l’autre bout du pays, dans une ferme en ruine sur des terres agricoles en friche. Veuf, il est accompagné par sa fille Martha, à peine sortie de l’adolescence, tandis que son fils, qui porte le même nom de Ferdinand, est au front. A Rosental, le nouvel arrivant conserve son uniforme et ses prérogatives de serviteur officiel du régime. Fort de son expérience précédente, il garde une certaine réserve, mais lors de l’exécution publique d’un prisonnier, il perd les pédales et fait preuve de barbarie. Il lui en coûtera de violentes représailles, sitôt la fin de la guerre. Pour sa part, il s’en remettra facilement, mais pas Martha.
Ferdinand 1er travaille d’arrache-pied, remet d’aplomb la ferme et les terres qui sont désormais les siennes. Son sens des affaires lui assure la prospérité. De retour de captivité, Ferdinand II rejoint son père, prend les rênes de l’exploitation agricole et en poursuit le développement. Quand son fils cadet, Thomas, lui succède à son tour, le travail se mécanise et se modernise. Financièrement, les Goldberger père & fils s’en sortent bien, bon an mal an. Leurs épouses, effacées en apparence comme il se doit, apportent l’équilibre qui manque à ces hommes restés frustes et qui se ressemblent. Des paysans durs à la tâche, les pieds dans la terre, le nez sur leurs comptes, obsédés par la transmission. Des caractères entiers, colériques, tourmentés, peu attachants… Une tendance à boire plus que de raison…
Ferdinand 1er garde le silence sur ses exactions. Dans la famille, chacun ressent la réputation sulfureuse qui entache leur nom, mais nul ne cherchera à en savoir plus. Plutôt que d’affronter la vérité, ils se laissent impressionner par un texte biblique, qui mentionne « un Dieu jaloux, qui punit les fautes des pères sur leurs enfants jusqu’à la troisième et à la quatrième génération ».
Un châtiment ! Voilà ce qui expliquerait les difficultés auxquelles la famille doit faire face : le mutisme de Martha, les dérives de Paul et son sacrifice, l’absence de progéniture au foyer de Thomas et Sabine… Combien de générations ? Les Goldberger gambergent sur les chiffres : trois, quatre, ou trois plus quatre ?… L’apparition inattendue d’un Ferdinand III mettra-t-elle fin à la malédiction ?
Reinhard Kaiser-Mühlecke est un Autrichien lettré d’à peine quarante ans, né dans une famille de paysans. Il travaille dans l’exploitation agricole de ses parents, tout en se consacrant en même temps à l’écriture. Lilas rouge est son quatrième roman. Connaissant son sujet, il s’y étend longuement, très longuement, sur la vie quotidienne des paysans. En dépit de son talent littéraire, je n’ai pas éprouvé de passion pour les descriptions très détaillées du travail aux champs ni pour celles de l’entretien du matériel agricole ou de l’aménagement des étables.
La lecture de Lilas rouge m’a demandé beaucoup d’efforts, tant pour déchiffrer la vérité des faits, que pour m’y retrouver dans les monologues intérieurs des personnages. Lorsqu’on est confronté au silence, il est difficile de savoir ce qu’il s’est réellement passé, il est difficile de savoir ce que les gens ont en tête. C’est cette opacité que l’auteur s’est attaché à reconstituer. Avec brio.
TRES DIFFICILE ooo J’AI AIME