Janvier 2022,
Je suis allé au bout du livre,
Pourtant le choix de son auteur
De l’écrire en vers libres
M’avait au premier abord fait peur.
Stefano Massini n’en est pas à sa première expérience du vers libre. Il y a deux ans, ce dramaturge italien s’était fait remarquer par une saga écrite selon le même procédé littéraire : neuf cents pages, trente mille vers sur l’épopée de la famille Lehmann – oui, celle des Brothers disparus dans l’éclatement de la bulle financière de 2008.
Faisant du vers libre une sorte de marque de fabrique personnelle — partagée avec sa brillante traductrice Nathalie Bauer —, il récidive avec le Ladies Football Club, un conte humoristique et philosophique, racontant l’histoire de la première équipe féminine de football.
Novembre 1917. En Angleterre, les hommes jeunes valides sont à la guerre. Manquant de main-d’œuvre, l’industrie fait appel aux femmes. C’est notamment le cas d’une usine de munitions, où l’on met au point de nouvelles bombes, légères, sphériques, des boules de la taille d’un ballon de football… Midi, pause casse-croûte ! Onze ouvrières mangent leur sandwich dans la cour de l’usine. Un prototype traîne là. Une ouvrière donne un coup de pied dedans et l’envoie rouler. Les dix autres la rejoignent et elles se mettent à jouer au football…
Elles y prennent goût et recommencent chaque jour – avec un vrai ballon ne risquant pas d’exploser. Elles adoptent presque machinalement les gestes des professionnels. Ce n’est pas vraiment surprenant : depuis des années elles étaient contraintes d’écouter leurs pères, frères et maris commenter en détail les hauts faits de leurs idoles. De fil en aiguille, malgré l’opposition et les quolibets de leur patron, elles parviennent à former une équipe structurée, en rencontrent d’autres, sur de vrais terrains, devant un vrai public ; victoire, match nul, défaite, la vie du football, quoi !
Comment les hommes réagissent-ils ? Ils passent successivement par l’incrédulité, l’indignation, l’ironie… concèdent enfin des compliments – à contrecœur ! Une fois la guerre terminée, ils s’efforceront de reconquérir ce qu’ils estiment leur appartenir. Une loi interdira le football féminin ; la boucle est bouclée, il faudra plusieurs décennies avant qu’il réapparaisse.
Les personnalités des onze ouvrières footballeuses sont savoureuses. Le déroulé de leurs matches est très amusant. Les vers libres donnent à cette histoire fantaisiste une atmosphère de fable allégorique. Les arrière-pensées politiques sont manifestes, ce qui n’empêche pas le texte d’être drôle et touchant.
Question : qui lira ce livre ? Les hommes aiment le football et ne lisent pas. Les femmes lisent mais n’aiment pas le foot… Bon ! Peut-être suis-je un peu caricatural…
N’étant pas vraiment un roman,
Ce livre ne peut être réellement
Jugé comme les autres.
Je ne lui attribue donc aucune note.